Encore peu connu hors des frontières suisses, le bouillonnant collectif Ozadya est devenu un acteur incontournable des soirées genevoises avec son cocktail sonore qui s’affranchit des barrières musicales. Rencontre avec un joyeux vivier de talents qui cultivent l’éclectisme. Et en bonus pour PAM, un mix exclusif.
Crédit photo : Nicolas Calame
Ce n’est pas un hasard si ce jeune collectif regroupant six beatmakers et un seul et unique rappeur a opté pour le mot « ousadia » ( « audace » en portugais) customisé à leur façon : Ozadya. Les Genevois Pekodjinn, Neya, YT Prod, Zalvf , Lazzylife, Nnnurah et leur MC Voodoo viennent d’horizons divers, possèdent chacun un univers singulier et cultivent ensemble un savant mélange d’influences dont les sources se situent bien au delà des reliefs montagneux qui bordent le lac Léman. De leur trap revêtue de couleurs tropicales, au baile funk dont ils sont passés experts (et qui a fait leur renommée), en passant par les beats survitaminés oscillant entre rythmiques house, latines, afro ou orientales… Ozadya est un bol de fraîcheur qui fonce tous azimuts vers la plus explosive des formules hybrides. Ces proches collaborateurs de Danitsa et Di-Meh prouvent que l’effervescence actuelle de la scène musicale genevoise ne tourne pas qu’autour du rap et des têtes d’affiche de la Super Wak Clique. PAM les a rencontrés lors du Festival Antigel qui se tenait début février dans leur ville, où ils ont secoué un public venu en masse.
Les magiciens d’Oz
Contrairement à la tendance des supergroupes de rap qui donnent ensuite naissance aux carrières solos de rappeurs cherchant (et trouvant parfois) la renommée, Ozadya a préféré prendre le contre-pied en se composant essentiellement de beatmakers faisant de leur production la véritable attraction du groupe. « A l’époque où l’on a commencé, on était vraiment plus dans le collectif, on était une dizaine, quinze presque, avec des graphistes, des vidéastes. Et au fur et à mesure, on a resserré le cercle avec les beatmakers qui étaient beaucoup plus impliqués dans le collectif, qui avaient le plus faim, ceux qui avaient le plus envie de bosser » rembobine Luca, manager à la force tranquille et huitième homme à part entière du collectif dont il est le cadet. C’est autour de leur passion commune pour la culture hip hop que la dizaine de membres des débuts s’est rassemblée sous la signature Ozadya, explique Neya « Comme pas mal des gars du crew, on a tous fait du rap une fois dans notre vie. Je suis passé par le rap et le beatbox par exemple, on s’est pas mal rencontré autour du graffiti aussi ». Mais c’est en resserrant son cercle autour des artistes aux écoutilles les plus ouvertes sur le monde que l’identité d’Ozadya a commencé à prendre forme et à trouver sa sève.
Avec comme point d’ancrage le baile funk brésilien que les auditeurs du monde entier commençaient à apprivoiser au milieu des années 2010 (grâce aux sorties marquantes du producteur américain Sango entre autres), les faiseurs de sons d’Ozadya, alors à leurs prémices, ont trouvé dans cet univers foisonnant ce qui allait constituer une grande partie de leur ADN. Pekodjinn se souvient : « Je commençais déjà à mixer, Neya m’apprenait un peu à produire sur Ableton, puis entre temps je suis parti au Brésil. Je suis revenu à l’été 2016 et j’ai fait une soirée en mode baile funk et trap ici à Genève, en reprenant les influences de là-bas. Après ça, je me suis dit que ça serait cool de créer quelque chose ». Mais s’ils sont arrivés avec cette « nouvelle vibe » qu’ils ont perfectionnée en multipliant les apparitions dans les clubs alternatifs de la deuxième plus grande ville de Suisse, la fougueuse équipe ne se limite pas aux rythmes tapageurs échappés des favelas brésiliennes accoquinés à la trap en pleine explosion.
C’est justement ce que précise Neya : « on s’est fait un peu connaître avec cet aspect brésilien, trap brésilienne, baile funk mais au sein du crew il y a plusieurs entités, il y a plusieurs univers qui sont bien marqués, qu’on essaye de mettre en symbiose ensemble ». Ainsi entre YT Prod et ses bangers baile funk ultra-nerveux ou Zalvf qui excelle dans une version plus lo-fi et atmosphérique du genre, et qu’il qualifie de « chill baile », Nnnurah par exemple sonne le contrepoint en gravitant autour d’une veine plus hip hop. C’est cette diversité des sensibilités qui fait le son et la force du crew.
Des héros locaux à la conquête du monde
Je pense qu’on a un ratio au m2 de talents qui est assez vener’ ici » lance Neya. Et si Ozadya s’est imposé sur une scène déjà riche, il a fallu mettre les bouchées doubles pour trouver sa place face à un public local pas forcément acquis à sa cause : « On est arrivé, raconte Pekodjinn, à un moment où l’ambiance clubbing à Genève était très techno, très house, très électronique et mono-genre en fait, et nous on a débarqué comme ça, presque que des fils d’immigrés ,avec des sons qui mélangent tout ». Sûr… quand on apprend à quel point les membres du crew trouvent leurs origines aux quatre coins du monde, on comprend mieux ce mélange frénétique reliant principalement l’Amérique latine à l’Afrique avec comme socle commun le hip hop. A leur image, diverse et mondialisée, leur set d’une énergie folle a mis le public du festival Antigel en transe.
La reconnaissance patiemment acquise leur a permis de passer à l’étape supérieure en planchant sur la confection d’un premier album studio, Oz Life, qu’ils ont dévoilé en 2018. Si le projet est resté relativement confidentiel à sa sortie, la réussite sur le plan musical est bel et bien au rendez-vous et il s’agit à l’heure actuelle de la meilleure démonstration de leur savoir-faire. Le casting réunit un joli spectre de ce que Genève offre de meilleur : les déjà nommés Di-Meh et Danitsa, mais aussi des talents locaux venus d’ailleurs comme la chanteuse brésilienne Talita Querô ou encore le groupe de salsa Orquesta La Puntualidad. Maintenant, Ozadya veut encore franchir un nouveau cap et nourrit l’ambition de s’exporter au delà de la cité genevoise devenue trop étroite pour eux.
Au cours de l’année 2019, les membres du crew ont multiplié les bonnes opérations, confirmant ainsi leur ambition grandissante. Voodoo, le rappeur du crew a offert un premier opus solo convaincant intitulé Mambatown. Pekodjinn a fait de même avec son très bon EP Sahel, réalisé en collaboration avec le producteur suisse d’origine sierra-léonaise Rolv.K sous le nom de Nüfrika. Tandis que le collectif au complet a signé « Finesse », un de leur tout meilleur titres concocté avec la complicité du duo surdoué de beatmakers brésiliens DKVPZ (que l’on prononce Deekapz), qu’ils reconnaissent unanimement comme la connexion la plus marquante de leur jeune carrière.
Lorsqu’avant de conclure cet entretien, on les interroge sur leur prochain objectif, l’ambiance est à l’amusement et la réponse lâchée par Luca dans un rire est sans doute à prendre avec autant de légèreté, mais elle ne cache pas leur désir le plus fou : « conquérir le monde ».
Tracklisting
Merveilleux Mystère – Nnnurah
Slob On My Knob – Lazzylife
Try Me (Midas Hutch Remix) – Dej Loaf
Inspired – Buddy
Hot – The Neptunes
Confusion – Ozadya (Nnnurah) Feat. Di-Meh
Such A Pretty Girl – Neya
Générique – Nnnurah
Ellas – Ozadya (Lazzylife)
We In The House – Neya Feat. Lazzylife (Unreleased)
Finesse – DKVPZ Feat. Voodoo (Ozadya)
Let Me Be (92’) – Cajmere
Posso Te Empurrar – Y.T. Prod
Good Dope Like Pablo – Pekodjinn Feat. Zalvf
In And Around The Lake – Lazzylife (Unreleased)
Capsule – Nuvens Pretas Feat. Kappa
Let’s Go – Dj Nasty
Bye Bye, Viens – Rolv.K & Pekodjinn (Nüfrika) Feat. Gagacci & Voodoo
Don’t Blame Me – Dj Assault
Déjà Vu Bass – Textasy Feat. Dj Di’jital)
FFFLASHBACK !! – Varnish La Piscine Feat. Rico TK
GagSmile – She Knew
Who This – Nnnurah (Unreleased)