Longtemps restée en arrière-plan en tant que choriste, Kandy Guira fait un pas en avant dans sa carrière musicale. Avec Nagtaba, la chanteuse burkinabè sort définitivement de l’ombre et s’affirme. « C’est un accomplissement, après tout ce temps qu’on a pris pour travailler, c’est une sorte de maturité musicale », se réjouit-elle.
Une trajectoire qu’elle avait déjà entamée en 2019 avec la sortie de l’EP Tek la runda, (« je prends les rênes »), en prélude à la parution de ce nouvel album qui était aussi une exploration de son univers musical. Elle avait besoin de trouver une identité musicale propre, explique-t-elle, « ici [en France] on aime bien mettre les gens dans des cases, c’est pour cela aussi que j’avais besoin de me trouver un style. On me disait : ’’Kandy on t’aime bien, mais tu es partout en même temps’’. Sauf que moi j’ai appris la musique dans les bars et les maquis à Ouaga où j’interprétais tous les styles du monde. De ce fait, c’était compliqué qu’on me demande d’adopter un seul style. Vu que je n’arrivais pas à me retrouver, j’ai décidé de créer quelque chose dans lequel je me sens le mieux, d’où le ‘’Faso électropop’’, un style Kandy Guira dans lequel je me balade comme je veux ». Et cette marque musicale trouvée, elle l’a imprimée sur les 12 titres de son album. Un peu de pop africaine, une touche d’électro et un soupçon de rythmes traditionnels pour faire le lien entre ses deux patries, son pays d’origine le Burkina Faso et la France, son pays d’adoption. Un pari réussi pour celle qui a commencé à conquérir les scènes africaines, en se produisant en 2020 au MASA (le Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan) qui l’a révélée au public ivoirien, et qui n’est pas près de s’arrêter en si bon chemin. « C’était la première fois que je jouais vraiment dans un grand événement sur le continent africain et c’était une très belle expérience. Avoir une carrière internationale fait partie de mes priorités », lance-t-elle.
Éclectique, et amoureuse des grandes voix
« C’est dans la musique que je m’éclate le mieux, c’est la musique qui me fait vibrer, je partage beaucoup d’émotions en étant sur scène », confie-t-elle. Il était clair pour elle dès le départ qu’elle ferait de la musique quand elle a intégré l’école de chant du chanteur, auteur-compositeur et guitariste burkinabè Abdoulaye Cissé. En 2008, elle participe à la Semaine nationale de la Culture (SNC) à Bobo-Dioulasso et remporte le prix de la chanson moderne avec son single « M’ba » (« maman »). Si la musique est la voie qu’elle a décidé de suivre, Kandy Guira a connu d’autres vies artistiques et notamment le mannequinat, la danse et le théâtre. C’est ainsi que dans la pièce Via Intolleranza II, créée par l’allemand Christoph Schlingensief et jouée dans plusieurs pays européens, elle chantait en dioula, en mooré (des langues parlées au Burkina Faso) et en français. Après cette tournée en Europe, elle rêve d’une carrière internationale et s’installe en France. Elle jamme avec le groupe Debademba, puis démarre comme choriste pour le Bal de l’Afrique Enchantée et auprès des artistes de renom comme Manu Dibango, Amadou et Mariam, Cheick Tidiane Seck… autant d’expériences qui lui ont permis de tracer son chemin et de parfaire sa technique vocale. Sans oublier, bien sûr, ce qu’elle a appris auprès de la diva Oumou Sangaré, dont elle suit la trace désormais.
Car Oumou Sangaré, dont les chansons ont bercé l’enfance de Kandy, est devenue pour elle une sorte de marraine. La diva malienne du Wassoulou étant l’artiste préférée de sa mère, Kandy lui avait promis qu’elle irait un jour à un concert de la chanteuse malienne pour lui dire combien sa mère l’adorait, mais elle était loin d’imaginer qu’elle jouerait un jour avec elle, sur la même scène. « J’étais très impressionnée la première fois que j’ai joué avec elle. J’avais oublié que j’étais là pour chanter. J’étais juste ébahie, en train de la regarder. Il a fallu que l’autre choriste me donne des coups de coude pour me dire de chanter. L’un de mes rêves venait de se réaliser » raconte-t-elle entre deux éclats de rire. La voix intense et puissante de Kandy Guira s’inspire de celle d’Oumou Sangaré, mais aussi de celles qui ont été et qui continuent d’être les grandes voix de l’Afrique.
« Je suis une amoureuse de la voix : Bella Bellow, Brenda Fassie, M’bilia Bell… je suis inspirée par ces femmes qui ont du charisme. » Ne dit-on pas que le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre ?
Amazone engagée
Elle rejoint le groupe Les Amazones d’Afrique en 2019 aux côtés de Fafa Ruffino (Bénin), Mamani Keïta (Mali), Niariu Diallo (Guinée), et ensemble, elles chantent les droits des femmes. IL est donc logique d’entendre cette amazone burkinabè chanter « Pagabatem » l’un des titres de son album, une chanson qui, explique-t-elle, « dit que les femmes ont beaucoup évolué, car leur espace de vie ne se limite plus à la cuisine. Ce ne sont plus des femmes qui restent silencieuses devant les hommes, ce sont des femmes qui s’assument, qui connaissent leur importance, qui racontent leurs histoires. » Elle a aussi créé l’association « Que du bonheur en sons » afin d’équiper les enfants sourds, malentendants et muets en prothèses auditives au Burkina Faso. Un engagement humanitaire né au départ pour aider son petit frère malentendant, et qu’elle n’a jamais lâché depuis : au point de faire traduire, en live sur scène certains de ses titres en langue des signes. C’est le cas aussi dans le clip de « Vie Chère » sur lequel elle a convié son compatriote Alif Naaba. Dans Nagtaba, l’éventail de Kandy s’enrichit aussi des collaborations – au Burkina, des chanteurs Floby et Mai Lingani, mais aussi – à Paris, du saxophoniste Jowee Omicill et du guitariste Yohann le Ferrand qui étaient avec elle sur scène lors de son très bon concert de sortie d’album, le 6 octobre dernier à Paris. Une soirée qui illustrait à merveille le titre de son album, Nagtaba : « ensemble ».
Nagtaba, sortie prévue le 22 octobre 2021.