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Rap : 10 titres et un tour d’Afrique (3e trimestre 2021)
Black Sherif – « Second Sermon »

Rap : 10 titres et un tour d’Afrique (3e trimestre 2021)

Parce que le rap ne se tient jamais tranquille, PAM vous donne de ses nouvelles en Afrique. Voici notre sélection des 10 meilleurs titres clippés parus ces trois derniers mois.

 

Une sélection à retrouver dans notre playlist Pan African Rap !

Ghana : Black Sherif – « Second Sermon »

16 juillet 2021

On commence avec Black Sherif, la nouvelle sensation ghanéenne. À seulement 19 ans, il s’est payé le luxe d’être l’artiste le plus streamé du mois d’août au Ghana, en devançant de très loin le score des stars nationales Sarkodie et Shatta Wale. Débutée il y a deux ans, la carrière du jeune rappeur originaire de Konongo, à l‘est de Kumasi, dans la partie ashanti du pays, a décollé en mai dernier grâce au titre « First Sermon » dans lequel il annonçait avec assurance son arrivée dans le game (« Coming like raging storm, fasten up your belt ! »). Mais c’est grâce à la suite publiée en juillet, « Second Sermon », que le nom de Black Sherif s’est retrouvé sur toutes les lèvres cet été. Dans cette chanson, le jeune rappeur raconte dans le détail et avec authenticité sa vie : la vie de la rue, la mauvaise vie, celle des gangsters et du deal de drogue. Le jeune Kwaku Frimpong n’a pas grandi dans la rue, mais il l’a choisie pour vivre et raconter ses histoires, comme le ferait un journaliste gonzo qui s’immerge dans son sujet. Ce qui a ravi le public ghanéen, c’est sa façon originale de rapper-chanter sur une production drill, intégrant ainsi l’héritage du highlife et du dancehall dans ce nouveau style. Le clip de « Second Sermon » voit alterner des séquences tournées dans un quartier populaire de Konongo et celles réalisées dans le quartier chic d’East Legon à Accra, représentant ainsi le désir d’ascension sociale de Black Sherif. La vidéo multiplie habilement les références cachées à plusieurs cultures. Le jeune rappeur au durag est accompagné de douze compagnons, rappelant ainsi le nombre des apôtres de Jésus. Autre exemple, l’un d’entre eux croise deux sabres au-dessus de sa tête, reprenant aussi un adinkra (symbole akan) qui signifie le courage et l’héroïsme. Enfin, il faut noter l’apparition, dans les dernières séquences du clip, des rappeurs Yaw Tog, chef de file de l’asaaka (la drill de Kumasi) et de Kweku Flick, un autre espoir du rap ashanti.

Mali : Yacou B-OG  – « Ciwara »

15 août 2021

On va encore parler de drill, mais à nouveau dans une version africanisée, ici à la sauce malienne grâce au rappeur Yacou B-OG. Le rappeur âgé de 21 ans et originaire du quartier de Magnambougou à Bamako s’est fait remarquer au pays depuis un an, en partie grâce à une collaboration avec Sidiki Diabaté (« On est comme ça nous »). Parmi ses titres, c’est sûrement « Ciwara », sorti en août, qui est le plus marquant et le plus efficace. Et c’est en grande partie dû au côté novateur de la production signée par Buba Cash, un beatmaker du quartier Attbougou à Bamako. Ce dernier a eu l’idée géniale de collaborer avec des amis instrumentistes qui ont joué la base rythmique avec des sabar, un type de tambour sur pied que l’on retrouve au Sénégal, au Mali et en Gambie. C’est par-dessus cette base que Buba Cash a entièrement composé et structuré le morceau. Il y a ajouté un sample de voix qui vient d’un enregistrement d’une fête Zoulou dont Buba Cash apprécie tout particulièrement la culture musicale. Yacou B-OG fait vraiment honneur à cette production sophistiquée. Son flow en bambara est très impressionnant et son placement sur la prod n’est pas sans rappeler celui du Français Freeze Corleone. Le mot « ciwara » qui donne son titre au morceau désigne un masque-cimier rituel en forme d’antilope-cheval propre à la culture bambara. Le ciwara vient récompenser les plus grands travailleurs, et l’idée générale de cette chanson est que, quoi que l’on entreprenne dans la vie, il faut s’y mettre à fond et travailler dur pour parvenir à la réalisation de ses rêves.

Sénégal : Samba Peuzzi  –  « Lou Yakou Yawa »

3 septembre 2021

Voici une deuxième chanson qui nous a particulièrement marqués en raison de sa production très originale et l’utilisation de percussions traditionnelles : « Lou Yakou Yawa » de Samba Peuzzi. C’est en 2019 que ce dernier est devenu l’une des figures emblématiques du rap au pays de Senghor grâce à son titre « Marie & Cheikh » qui compte aujourd’hui presque 8 millions de vues sur YouTube. Son premier album, Senegal Boy (2020), incluait des participations de grands noms tels que les rappeurs Nix et Dip Doundou Guiss ou encore du chanteur Souleymane Faye (du groupe Xalam). « Lou Yakou Yawa », dans lequel il développe à nouveau un style très personnel, est le premier extrait de la version deluxe de son album. Après avoir programmé la base rythmique sur son ordinateur, le beatmaker Karabalik a invité un joueur de tama, ce tambour d’aisselle sénégalais à tension variable, et un guitariste pour les enregistrer en live. La rencontre de ces instruments acoustiques avec la basse de la boîte à rythmes Roland TR-808 crée un mélange saisissant sur lequel Samba Peuzzi vient poser son flow nonchalant. Dans le clip, le jeune rappeur de Dakar vient mettre le bazar dans une salle de classe et une cour de récréation. La vidéo retient l’attention grâce au charisme de l’artiste et aux couleurs vives des tenues et des décors.

https://www.youtube.com/watch?v=C2rND7_Or_g&ab_channel=CommedesNouchisTV
Côte d’Ivoire : Tripa Gninnin  – « Decapo »

20 août 2021

La drill se porte bien en Côte d’Ivoire, grâce à Himra et à son récent featuring (« Grrr pa ») avec Gazo, le roi du genre en France. Mais il n’y a pas que la drill dans la vie, il y a aussi la trap et Tripa Gninnin en est l’un des plus fiers représentants du côté d’Abidjan. On l’a découvert il y a deux ans grâce au titre « Ce n’est pas bien » sur la compilation Comme des nouchis vol.1 qui rassemblait la crème des jeunes rappeurs ivoiriens. Depuis, l’artiste originaire du quartier de Yopougon a développé son art de manier le nouchi (l’argot local) et son image grâce une suite de clips à l’esthétique très soignée (« Poto Y’A R », « Secteur »). L’artiste de 22 ans enfonce encore le clou avec son flow fulgurant sur « Decapo », son dernier single paru en août dernier. Pour l’occasion, il a rassemblé une équipe de rêve autour de lui. L’instrumentale aussi surprenante qu’originale, a été signée par le beatmaker Jeune Bendjoul, basé à Grand Bassam et collaborateur régulier de Widgunz. Du côté du clip, ce sont Zokalanga et Young Nouchi, deux des réalisateurs les plus doués du pays, qui se sont chargés de la direction. La vidéo reprend les codes des clips de rap américain west-coast des années 90. Le rouge de la carrosserie de la vieille Cadillac comme des tenues de baseball et de basket-ball portés par Tripa et ses acolytes domine les séquences et rappellent l’esthétique du gang des Bloods de Los Angeles. Mais si les clips de G-Funk de l’époque privilégiaient les ralentis, ici le montage est vif et les images filmées par une caméra 360° donnent le vertige au spectateur.

Afrique du Sud : Dee Koala (feat. K.Keed & Blxckie) – « Spazz »

7 août 2021

On reste du côté des jeunes talents et des clips qui mettent en avant un stylisme impeccable en partant cette fois-ci pour l’Afrique du Sud. Dee Koala est une rappeuse de 23 ans qui vit dans le township de Khayelitsha au Cap. Depuis 2018, elle enchaîne les succès d’estime ( « Whuzet », « Friday Freestyle », « 4 The Khaltsha »), ce qui lui a permis de collaborer avec de grands noms tels que la chanteuse Moonchild Sanelly et le rappeur Costa Titch.

Pour le morceau « Spazz », elle a invité K.Keed, une autre jeune rappeuse du Cap, à venir se joindre à elle. Cette dernière lui vole d’ailleurs un peu la vedette puisque c’est elle qui rappe le premier couplet et les refrains avec une aisance et une insolence déconcertantes. Jusqu’à présent, K.Keed s’était faite discrète. L’excellent E.P. Religion sorti en 2020 n’avait touché qu’une petite communauté sur Soundcloud. Gageons qu’avec ce featuring, sa carrière est lancée. Au reste, son talent n’enlève rien à celui de Dee Koala dont le couplet en langue isiXhosa est lui aussi incroyable. Le morceau se termine par un couplet de Blxckie, la nouvelle pépite venue de Durban dont on vous avait parlé en mars. Les séquences du clip paru en août, tournées dans la végétation et autour du bassin d’une villa, sont toutes plus magnifiques les unes que les autres.

Égypte : Mousv  – « Zaghaba »

7 septembre 2021

Avec certains artistes très prolifiques et doués, le plus dur est de savoir quel clip particulier on va mettre en avant. Avec le rappeur égyptien, la tâche a été ardue puisqu’en l’espace d’un mois et demi il a publié trois clips qui valent le détour : « Ghouyoum », « Safina » et «Zaghaba ». Les deux premiers illustrent des chansons issues de son album El Sahabaî, sorti plus tôt cette année. Le rappeur de 22 ans, basé à Ismailia, une ville du nord-est de l’Égypte, affectionne la trap lente, sombre et aérienne. Sa nouvelle chanson «Zaghaba », parue début septembre, est un peu plus énervée. Le nom désigne un endroit d’ Ismailia autrefois verdoyant et rempli d’oiseaux, mais qui est devenu sec et désertique. Mousv avait l’habitude de venir se détendre et fumer dans cette zone. Le clip se base sur le changement d’état de ce lieu pour développer un message subtil. Dans une première séquence tournée près du Caire, on voit Mousv dans le désert en train de creuser dans le sable. La seconde moitié du clip a été tournée dans une palmeraie près d’Alexandrie et son ambiance verdoyante vient trancher avec le début de la vidéo. Avec ces deux parties, Mousv a voulu illustrer les concepts d’enfer et de paradis sur terre. Le coup de feu qui sépare les deux séquences signifie que pour vivre une nouvelle vie et atteindre un paradis, il faut symboliquement tuer ce qu’il y avait avant.

Kenya : Scar Mkadinali (feat. Lord G) – « BLACK »

12 août 2021

On continue avec les messages forts en faisant un saut au Kenya, à la rencontre de Scar Mkadinali. Ce rappeur est membre du trio Wakadinali (avec Domani et SewerSydaa), l’un des crews qui dominent la trap à Nairobi. Cela fait deux ans que le groupe rencontre un grand succès avec d’excellents titres comme « Morio Anzenza » (2019) et « NyaraNyara » (2020). Leur dernier fait d’armes, c’est d’avoir réuni en avril dernier l’élite des trappeurs kenyans (comme Boutross et Breeder LW) sur «Avoid those People», un morceau de drill de 9 minutes. Depuis quelques mois, Scar Mkadinali multiplie les échappées en solo. Au mois d’août, il a publié « BLACK », une chanson militante contre le racisme. Ses paroles en anglais célèbrent la beauté de la peau et des cultures noires. Dans le refrain, il répète : « Black is black, and black is beautiful ». Le morceau comporte une participation du rappeur encore peu connu Lord G. Le clip très soigné, dominé par les tons de noir et de blanc, et dans lequel peaux noires sont sublimées par l’éclairage, vient parfaitement mettre en image le propos de la chanson.

Rwanda : Ish Kevin  – « Babahungu T.M.A »

16 septembre 2021

Comme pour Mousv, cela n’a pas été aisé de choisir un seul clip parmi les trois que le rappeur rwandais Ish Kevin a publiés cet été. Apparu sur les radars il y a à peine un an et encore assez peu populaire en dehors du Rwanda, Ish Kevin s’est fait une place sur le devant de la scène au printemps dernier en important la drill à Kigali, avec l’excellent « Amakosi». En juin, le morceau collectif de drill « Brocode » sur lequel il apparaît est l’occasion de découvrir d’autres très bons rappeurs rwandais (Og2Tone, Ririmba et Kenny K Shot). Le clip de « Babahungu T.M.A », sorti en septembre dernier, est probablement le plus abouti. On y voit le rappeur rider dans différents quartiers de Kigali et les images sont très belles. Le style du morceau, c’est de la trap, et le flow d’Ish Kevin en kinyarwanda est vraiment impressionnant. C’est définitivement un nouvel artiste à suivre de près.

Tunisie : KTYB (feat. Emp1re) – « Bayan »

23 septembre 2021

Avec le rappeur tunisien KTYB, on n’a pas vraiment affaire à un nouveau venu. Actif depuis une dizaine d’années, il s’est fait connaître après la révolution de 2011 sous le nom de Katybon. Au milieu des années 2010, il signe avec Vipa, un autre pionnier du rap tunisien, le classique « Tamtati ». Puis le rappeur facétieux disparaît pendant quelques années. Il revient en 2017, sous le nouvel avatar de KTYB et connaît encore le succès grâce à « About », un morceau rappé en anglais dans le style du rappeur américain J. Cole. Ses expérimentations et son style proche de la comédie peuvent le rapprocher des rappeurs français Grems et Disiz. Depuis, KTYB n’est jamais plus reparti et a été très prolifique ces derniers mois. En août, il a signé l’un des tubes de l’été en Tunisie avec « Fool » en featuring avec 4LFA et Mahdi Machfar. Et quelques jours avant la fin de septembre, il a lâché « Bayan » en featuring avec le très énervé Emp1re. Une fois de plus, ce qui fait la patte de KTYB, c’est son flow qui oscille entre rap tranchant et parties de chant très groovy. Le clip séduit par ses tons pastel de bleu et d’orange et ses plans tournés sur un toit d’immeuble au moment du coucher de soleil.

Angola : Mobbers – « Tumulto » 

23 juillet 2021

On termine notre tour d’Afrique avec l’un des meilleurs groupes de rap en Angola : les Mobbers. Le collectif fondé en 2014 et basé entre Luanda et Londres comprend huit membres masculins. C’est en 2018 que le groupe connaît le succès grâce à « Tá Quase », qui mêlait la trap aux sonorités du kuduro, et à « Palpitar » qui lui introduisait le rythme du baile funk dans le genre. En 2020, le collectif passe encore un cap en terme de reconnaissance grâce à l’excellent « L.O.M. » et surtout avec « Nuvens » en featuring avec T-Rex qui est pour certains le meilleur morceau de drill produit en Angola. Avec « Tumulto », les Mobbers viennent un peu plus affirmer leur suprématie. Altifridi ouvre avec un flow très solide, puis LipeSky vient mettre le feu avant que Xuxu Bower ne vienne achever la prod avec un couplet très musclé. Le clip en noir et blanc, c’est toujours efficace, et avec son alternance de plongées et contre-plongées; il rend bien l’impression de puissance qui se dégage du crew angolais.

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