Le guitariste congolais, compositeur prolifique, s’est éteint le 7 novembre. Il aura laissé une trace indélébile, du Congo jusqu’en Colombie, en passant par Abidjan et Paris.
Paul Mansiamina Mfoko, alias Bopol, légende de la guitare et pilier de la rumba congolaise, s’est éteint le 7 novembre à Paris, à l’âge de 72 ans. Virtuose de la guitare et compositeur prolifique, il aura été de bien des aventures, de son Congo natal jusqu’en Colombie, en passant par Abidjan, Paris et New York, pour ne citer que quelques-unes des escales qui auront marqué sa carrière.
Car le natif de Kinshasa (Léopoldville en 1949) aura débuté à l’aube de ses vingt ans dans l’orchestre Bamboula dirigé par Papa Noël, choisi pour représenter son pays au Festival Panafricain d’Alger. À son retour, l’orchestre se sépare, et Bopaul rejoint les rangs de l’African Fiesta Sukissa du Dr Nico (formé en 1969 quand ce dernier quitte le Seigneur Rochereau). En 1973, c’est à son tour de faire dissidence : il quitte le Dr Nico et, avec Syran Mbenza et Wuta Mayi sans oublier Josky Kiambukuta, part former l’orchestre Continental. Avec les années, son style s’affirme et la guitare de Bopol est très demandée. Il est de l’aventure éphémère des Ya toupas du Zaïre avec Ray Lema (1978), devenant dans la foulée l’un des plus fidèles compagnons de route de la chanteuse Mpongo Love, qu’il accompagnera jusqu’à son dernier album, en 1987, trois ans avant sa mort.
Comme de nombreux autres musiciens congolais, il entame les années 80 en quittant le Zaïre, d’abord pour s’établir à Lomé puis Abidjan, où il rejoint l’African All Stars de Sam Mangwana. Ensemble, ils signeront quelques disques mémorables, ouvrant un nouveau chapitre dans leur vie artistique. Comme Sam, il poursuivra le voyage jusqu’à Paris, où, avec l’orchestre 4 étoiles (qui marque ses retrouvailles avec Syran Mbenza et Wuta Mayi, auxquels il faut ajouter Nyboma) il attaque pied au plancher les années soukouss, ce courant uptempo de la rumba qui règnera sur les pistes jusqu’au début des années 90.
Car les années qui suivent se tarissent pour le guitariste qui traverse un creux. Au point de le pousser à se relancer aux États-Unis, et à devenir sideman auprès de Ricardo Lemvo, ou encore de Samba Mapangala et son orchestre Virunga. C’est que sa guitare est toujours recherchée des vrais connaisseurs de soukouss et de rumba, qui lui sont restés fidèles. C’est d’ailleurs, de manière assez inattendue pour lui, qu’il se découvrira une seconde patrie, où les fans des 4 étoiles et de l’African All Stars sont nombreux : la Colombie. D’abord quand Lucas Silva, aka Champeta Man, l’invite pour donner des cours de guitares à ses homologues colombiens, en 2002. Puis, grâce au projet Colombiafrica the Mystic Orchestra (2007), dans lequel le même Lucas Silva a réuni pour la première fois des stars de la champeta criolla (Luis Towers, Viviano Torres, Justo Valdez) et des rois du soukouss (Nyboma, Diblo Dibala, Daly Kimoko et Bopaul) et quelques autres cadors africains (Sekou Diabaté aka « Diamaond Fingers » du Bembeya par exemple). Le disque, Voodoo Love inna Champeta Land, entame un nouveau chapitre dans sa riche histoire. Car, comme d’autres héros de la musique congolaise, il retournera désormais régulièrement jouer à Carthagène et Barranquilla, hauts lieux de la culture afro-colombienne où ses disques ont été joués et rejoués, et ont donné naissance à des dizaines de morceaux de champeta.
Comme le notait le journaliste Jonathan Diaz dans le quotidien colombien El Heraldo, le seul titre « Pitié, je veux la réconciliation » est devenu, sur les terres afro de Colombie, « Salud Salud », « Helena », « La Punteria », « Marie Jeanne », « El Celador »… ou encore « Jaloux, Jaloux » dans la version enregistrée par Bopaul avec Luis Towers en 2007. Cette aventure colombienne était loin d’être terminée puisqu’il poursuivait régulièrement ses voyages sur la côte caribéenne du pays, invités par des festivals ou par le fameux label Palenque Records qui lui avait ouvert les chemins d’une troisième vie. Elle s’est interrompue brutalement, à l’aube du 7 novembre, quand Bopaul succomba à un accident vasculaire cérébral.
Que la terre lui soit légère : celle du Congo, de Paris ou de Colombie, où il était chez lui.