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The Pan African Music Magazine
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Guedra Guedra كدرة كدرة réunit les Afriques par-delà le Sahara
Crédit photo : One Beat

Guedra Guedra كدرة كدرة réunit les Afriques par‑delà le Sahara

L’artiste marocain Guedra Guedra rejoint l’écurie britannique On The Corner avec l’EP Son of Sun. Imprégnée des traditions tribales, sa musique électronique tente de reconnecter le Maghreb à l’Afrique subsaharienne. PAM s’est entretenu avec Abdellah M.Hassak, l’homme derrière le masque.

Confiné dans sa maison à 40 kilomètres de Casablanca suite à l’annulation de toutes ses prestations, Abdellah M.Hassak observe depuis sa fenêtre un monde qui avance au ralenti, pourtant sur le point de se prendre de plein fouet ce nouvel EP bestial. S’il ne s’agit là que de son troisième essai sous le pseudonyme Guedra Guedra, l’artiste n’est pourtant pas né de la dernière pluie. Ce projet vient simplement ajouter une nouvelle page dans un portfolio déjà riche en installations musicales interactives, archivages sonores, radios itinérantes ou autres performances poétiques inspirées des sonorités de Casa. Guidé par l’énergie et l’histoire des musiques traditionnelles, il trimballe ses vinyles et enchaîne les projets musicaux depuis 2006. Il démarre ainsi sa carrière avec le  bien nommé projet Dubosmium avant d’explorer le rock électro avec les Digital Turbans, sans compter quelques expérimentations sous son propre nom. Que le projet soit éphémère ou non, 2020 sera donc l’année de Guedra Guedra, double mot qui fait référence « à la fois à la danse des femmes nomades du désert et en même temps, à une marmite qui sert à faire la cuisine, aussi utilisée comme percussion ».

Enjamber les frontières

Sur ce live dément capté à Marrakech lors du festival Atlas Electronic, on aperçoit cet homme masqué qui malmène ses machines et enchaîne des turbines dancefloor largement nourries aux chants et aux rythmes traditionnels. « Le masque est un hommage à la culture berbère zayane, nous dit-il, car c’est la première musique qui m’a donné envie de travailler sur la connexion entre le traditionnel et le contemporain. » Ne vous fiez pas aux apparences, Guedra Guedra n’est pas un énième projet qui se contente d’insérer quelques samples sur un beat techno pour revendiquer une musique métissée. La réflexion d’Abdellah est née de la séparation brutale des rites culturels autrefois communs aux pays d’Afrique du nord et de l’ouest, la faute à ces frontières tracées de manière irrationnelle lors de l’époque coloniale, il y a seulement un demi-siècle. « L’objectif de l’EP est de reconnecter le Nord de l’Afrique avec le reste du continent, confirme-t-il. Souvent, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont perçus comme des pays appartenant à la fois à l’orient et à l’occident. En réalité, ils font partie du territoire et sont africains dans leurs pratiques. »

Rythmant les actes du quotidien, le folklore et les rituels étaient alors au centre des relations sociales et des échanges entre les tribus des différents pays. Maroc, Algérie, Mauritanie, Mali et Sénégal partageaient des rythmes et des chants aujourd’hui fractionnés par ces limites géographiques : « les frontières sont une notion nouvelle, précise-t-il. Les pratiques et les cultures étaient similaires, mais la création de ses lignes a séparé les gens, et chaque pays n’en a conservé qu’une partie. » Néanmoins enclin à accepter ces transformations historiques plutôt que de les subir, Abdellah en fait son terrain de jeu : « je ne suis pas contre cette idée, je trouve que c’est intéressant de documenter chaque période avec ses sons, ses paroles. Chaque pratique artistique a une relation avec son contexte, et il est important de raconter l’histoire d’un pays ou d’une culture à travers la musique. »

L’inspiration du terrain

Magnifier la conscience tribale dans un univers contemporain, telle est donc la mission de Guedra Guedra. Pour arriver à ses fins, l’artiste fouine dans les archives qu’il déniche, ou se balade avec son dictaphone à la main à la recherche de sons captivants, persuadé que rien n’est plus authentique qu’une atmosphère recueillie directement sur le terrain. « Je me suis rendu compte que la musique des groupes qui travaillent sur les rythmes traditionnels africains est souvent dénaturée en studio, observe-t-il. C’est pour ça que j’enregistre moi-même ou que je cherche des archives. En général, j’aime récupérer des sons enregistrés dans les fêtes de villages en Afrique, pour les retravailler ensuite. C’est un matériel intéressant, et souvent difficile à obtenir ! »

Pour interconnecter cette matière première sonore plutôt dense, Guedra Guedra s’inspire des relations sociales entre les différents pays et des points communs entre territoires, tout en laissant parler sa culture berbère et sa sensibilité panafricaine. L’immersion dans la musique d’Abdellah est non seulement favorisée par son côté sauvage mais aussi par une épaisse couche culturelle qui appelle à la transe. Chants berbères, danses collectives ghanéennes, polyrythmies guerrières ou percussions Gnawa fédératrices contribuent à la richesse de cet EP jouissif, où les machines taquinent adroitement les traditions ancestrales. « Je ne travaille pas que sur des cultures anciennes, tient-il à préciser. Par exemple sur le morceau ‘Uggug’, c’est une musique jouée actuellement en groupe dans les villages, entre hommes, femmes et enfants. Ils ont réussi à conserver cette manière de jouer la musique, même si elle sonne un peu différemment de la façon dont elle était jouée dans les années 50. »

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