Du 18 novembre au 24 décembre prochain, le festival nomade francilien se propose de concurrencer la coupe du monde de foot avec un programme plus éthique, plus féminin, et surtout beaucoup plus créatif. Petit tour d’horizon de la 34ème édition.
Traditionnellement, quand s’ouvre la troisième semaine de novembre, les habitants de la région parisienne entrent en mode hibernation. Et, tandis que la pluie et le froid n’hésitent plus à les giffler, Africolor survient pour les réchauffer avec ses concerts et ses créations originales, dans lesquels l’Afrique joue toujours les premiers rôles, parfois en collaboration avec l’Europe. Et si cette année il pourrait faire moins froid (que voulez-vous, y’a plus de saison, la coupe du monde de foot a lieu en hiver), le programme des festivités africoloriennes n’en est pas moins chaud. Jugez plutôt.
Un, deux, trois… Sahel.
Bien sur, le Sahel y a la part belle, avec les cordes sensibles du génial ngoniste Bassekou Kouyaté (le 18/11 à Pantin), de la koraïste gambienne Sona Jobarteh qui avait annulé sa tournée l’an dernier et revient honorer le festival de son talent le 24/11 aux Lilas. Il y aussi la rencontre qui associe Cheick Oumar Koïta, fils du regretté Moriba Koita – une des figures tutélaires d’Africolor – avec le quatuor à cordes Bela qui, du temps du vieux maître, avait déjà monté avec lui un répertoire baptisé « Impressions d’Afrique » (le 4/12, Pré St Gervais). Côté cordes vocales, Fatoumata Diawara, speciale guest régulière du festival parrainera (le 30/11, Bobigny et le 3/12 à Créteil) le concert des « Gos de Bamako », combo 100% féminin qui associe vocalistes et deejaytes bamakoises, toutes formées au centre culturel Blonba de Bamako, avec le compagnonnage d’Africolor. Et puis, bien sûr, il y a Manu Sissoko, la plus malienne des toubabs dont la voix bluffante a si bien rendu hommage au Saya Magni d’Oumou Sangaré, qui n’en est toujours pas revenue. Elle sera accompagnée de Vesko, producteur dont le dernier disque récemment sorti vaut le détour, d’autant qu’y figure l’étoile montante malienne Maimouna Soumbounou, en concert (toujours avec Vesko) pour le traditionnel Noel Mandingue (24/12).
Du sahel au Sahara il n’y a qu’un pas, voilà pourquoi le retour du groupe de rock tamachek Tamikrest vaut le détour, d’autant qu’il est précédé par la projection du documentaire « La caravane du futur » d’Alissa Descotes-Toyosaki (le 17/12, Nanterre).
Moto, bato et avions
De sa tournée triomphale au Mexique, Jupiter revient à Africolor (Clichy sous bois, le 10/12) avec son groupe Okwess, sur scène juste après Kin Gongolo Kiniata, un groupe électro-bricolo-punk qui poursuit la tradition d’ingénieux du son ouverte il y a un quart de siècle par Bebson de la Rue. La grande famille humaine des bantous poursuit son voyage par la forêt équatoriale camerounaise, grâce au conteur et maître de la parole Binda Ngazolo et à ses chantefables “Minkana”, riches d’enseignements, comme tous les contes qui se respectent, pour les petits et les grands (26/11, Stains). Plus à l’est, l’archipel des Iles de la Lune, aussi appelé Comores dont le poète et musicien Soeuf Elbadawi crie les silences et tente, par la force de la mémoire, de la musique et du verbe, d’empêcher qu’elles ne sombrent dans un océan d’amnésie (La Courneuve, 16/12). La mémoire, c’est aussi le sujet du spectacle Sabena, conté-chanté-rappé par Ahamada Smis et chorégraphié par le Congolais Djo Djo Kazadi. Un retour sur le massacre des Comoriens de Majunga (Madagascar), dont beaucoup furent évacués d’urgence par des avions de la compagnie aérienne Sabena en 1976.
Musiques et histoire(s)
Car la musique, on le sait, porte en elle toutes les histoires, comme celles de la biguine dont l’excellent Big In Jazz collective, all stars band fondé par le festival éponyme, reprend de grands standards caribéens (le 15/12, Saint-Denis). Un héritage raconté aussi, toujours en musique, par Marie Josée Alie et Bertrand Dicale lors d’une conférence musicale (6/12, Saint-Denis). La série Indépendances cha cha, crée en 2020, reprend aussi ses droits (on vous en reparlera), avec une nouvelle création autour de la résistante kabyle Lalla Fadhma N’Soumer, accompagné en chansons par Ali Amran, ardent défenseur de la culture kabyle aussi en concert avec son band pour rendre hommage au chanteur de l’exil Cheikh el Hasnaoui. Et c’est surement des histoires, des histoires de Dakar, que viendront rapper le duo de rappeuses galsen def Maa Maa Def et la nouvelle coqueluche Samba Peuzzi qui partageront deux soirs de suite la même scène (19/11 à Bobigny, le 20/11 à Ris-Orangis).
Bref, il y a de quoi jongler et se tenir chaud, apprendre et se laisser emporter, planer et s’émouvoir, quand d’autres regarderont vers le Quatar.
Du 18 novembre au 24 décembre, le festival Africolor (34ème édition, pardon) propose son grand voyage musical en Afrique, qui conjugue avec jubilation générations et genres, voix et danses, musiques et histoires. Retrouvez le programme ici !