Tout au long de l’année, PAM met à jour sa playlist Pan African Rap en quête des nouvelles sonorités repoussant les limites du genre le plus écouté au monde. De la vague drill du Ghana au Kenya, des mix de dancehall et de rap ou des mélodies captivantes de mahraganat, nous tentons de rassembler la sélection la plus large possible pour représenter ce qui se fait en termes de rap en Afrique. Notre playlist est mise à jour chaque semaine mais l’objectif de notre sélection Pan African Rap trimestrielle est de mettre en avant ce qui se fait de mieux en matière de rap et de visuels à travers le continent.
Prettyboy D-O – Korokoro
Nigéria
Prettyboy D-O sort l’impressionnant « Korokoro ». Si l’artiste dancehall, alté et rnb avait déjà prouvé qu’il savait rapper sur le très bon « Lord protect my steppings » accompagné du rappeur anglais Pa Salieu, il réitère et convaincra même les plus fervents adeptes de rap avec « Korokoro ». Une performance à couper le souffle, un flow percutant et acéré qui survole une prod aussi obscure qu’entêtante. Prettyboy offre deux minutes de pur rap où les punchlines s’enchaînent avec une aisance déconcertante. Le rappeur y prend pour cibles les personnes essayant de profiter de son succès et fait bien comprendre qu’il ne laissera pas ses « ops » agir (NDLR de l’anglais opponents = opposants). Le chanteur en profite pour faire étalage de ses talents d’acteurs avec un clip aux allures de court métrage dans lequel il montre une fois de plus l’étendue de son talent.
Andy S – Prodada
Côte d’Ivoire
Babi regorge de talents, et Andy S, dont on vous a déjà parlé, en fait immanquablement partie. La rappeuse abidjanaise invite Marla – autre nom de la scène rap ivoirienne – sur le phénoménal « Prodada », premier extrait de son EP Il était une fois Pépita prévu pour la rentrée 2023. La « Prodada », c’est la frime en nouchi, le fait de « se produire », et les paroles de ce nouveau son en forme d’égotrip martèlent l’importance de profiter de la vie, de la brûler même, à 100 à l’heure sur des motos s’il le faut : « Je prends tout mon djai (mon argent) pour faire prodada, l’argent de mon school dans prodada, l’argent de mon pain dans prodada » scande Andy S. Les flows vifs des deux rappeuses se relaient et s’entremêlent à la perfection sur un beat rapide de Nanh on the Track. À l’image de son EP Le rap n’a pas de sexe, Andy S démontre qu’elle maîtrise la rime et qu’elle a le potentiel pour être une tête d’affiche, qui n’attend que la rentrée pour confirmer avec son nouvel EP.
Kima – Drug Ka Vann
Martinique
Comment parler de rap sans faire de détour par la Martinique, plaque tournante d’artistes parmi les plus talentueux de leur génération? C’est aujourd’hui Kima qui fait parler de l’île aux côtés de LevelSantana sur le puissant « Drug Ka Vann ». Voyage en eaux troubles avec ce son à l’atmosphère brumeuse. Les deux rappeurs s’allient sur un son drill – pas étonnant en la présence de LevelSantana, qui est membre du BSB (le collectif de Gazo) – auquel s’ajoutent des touches de jersey qui rendent la rythmique dansante. Une complémentarité explosive et pleine d’énergie, à peine quelques mois après la sortie du brillant album Baby Project. Kima est un rappeur déjà validé par les grands noms tels que Kalash ou Meryl avec qui il a featé cette année. L’artiste est en passe de devenir un incontournable du rap martiniquais.
Frida Amani – Talk to me nice
Tanzanie
La rappeuse originaire de Dar es Salaam en Tanzanie continue sur sa lancée de singles. Son hit « Madam President », dans lequel elle faisait le lien entre son succès personnel et celui de la première femme présidente de la Tanzanie Samia Suluhu, avait fait trembler le pays et c’est maintenant avec « Talk to me nice » qu’elle revient récupérer son trône. Frida, qui a débuté sa carrière en 2015, est loin d’être une rookie du bongo flava (NDLR hip-hop tanzanien). « Talk to me nice » est à l’image des autres singles de sa carrière : un titre engagé où elle rappelle qu’il n’y a pas incompatibilité à être femme et rappeuse. Accompagnée de Moni Centrozone, l’artiste montre les crocs et rappelle qu’il va falloir mettre du respect sur son nom si vous ne voulez pas avoir affaire à elle : elle est à deux doigt de prendre le contrôle de la scène rap tanzanienne, et vu son bagout, bientôt peut être de la scène rap mondiale.
DJ Sliqe – Ekhoneni
Afrique du Sud
Dj Sliqe, ou Lutendo Kungoane de son vrai nom, sensation du hip hop sud africain débarque en équipe avec le très attendu « Ekhoneni ». C’est son premier single depuis la sortie de l’album Champion Music 2 qui avait été salué par la critique. Il y invite Emtee, Thota Saul et Saudi pour un tube aux couleurs de la victoire, ce titre marque d’ailleurs le retour en fanfare d’Emtee qui n’avait pas été sur le devant de la scène depuis quelques années. Ce dernier signe un refrain accrocheur d’une qualité rare rappelant la marque qu’il a imprimée au hip-hop sud africain de ces 10 dernières années. Le beat est porté par les trompettes et des percussions qui font de cette chanson un véritable hymne. Les quatre rappeurs, forts de leur aisance vocale et scénique transforment « Ekhoneni » en prestation de haute volée.
Masicka – Tyrant
Jamaïque
Masicka n’est plus une sensation mais un phénomène, le producteur et artiste jamaïcain ne se pose pas de limites et cela se ressent dans son art. On ne peut pas parler de dancehall jamaïcain sans citer son nom et il est aussi bien à l’aise dans le chant que dans le rap. il le montre parfaitement avec « Tyrant », qui comporte à la fois des mélodies planantes et maîtrisées à la perfection, que des couplets affutés dans un flow travaillé. Un talent reconnu par le mythique label Def Jam (aujourd’hui propriété du géant Universal) qui l’a signé, ce qui laisse espérer la sortie prochaine d’un nouvel album. Dans « Tyrant », Masicka en profite pour nous emmener dans les recoins les plus sombres de la Jamaïque et explorer le quotidien de la rue, le tout sublimé par un magnifique clip signé Ruption. Masicka est une force avec laquelle la scène rap et dancehall ne peuvent que compter, et ça risque de durer.
Reggie – Oh Ma Linda
Ghana
Extrait de son album Most High sorti récemment, le single « Oh Ma Linda » est une belle preuve de l’éclectisme de Reggie. Le rappeur ghanéen dévoile une face plus love de son univers en compagnie de O’Kenneth et de ses hooks mielleux, de Jaybahd et de sa voix retentissante ainsi que de Kwaku DMC et de ses rimes percutantes. Une nouvelle réussite pour Reggie, Jaybahd et O’Kenneth qui avaient déjà servi l’incroyable et plus sombre « Makaveli ». L’alchimie de ces quatre artistes fait de « Oh Ma Linda » un titre qui va assurément marquer l’année. Et Most High devrait réussir à atteindre plusieurs publics en raison de sa qualité et de la diversité de ses productions. À ceux qui en doutent encore, l’or du Ghana (anciennement connu sous le nom de Gold Coast) ce sont bien ses richesses artistiques.
Black K – Ça va me donner quoi
Côte d’Ivoire
Black K et Fior 2 Bior nous transportent dans leur univers déjanté avec l’énergétique « Ça va me donner quoi ». On le sait, rien n’arrête l’originalité artistique au pays du coupé-décalé, et ce titre n’échappe pas à la règle. Après « Tout est loué » avec Lesky qui avait connu un succès monstre, c’est Fior 2 Bior qui vient épauler Black K. Le tout sur une instru à mi chemin entre la trap et le coupé-décalé comme les ivoiriens en ont le secret. Black K poursuit son ascension tout comme les autres membres du groupe KNB (Kiff No Beat) avec lesquels il a commencé à rapper, et parmi lesquels on comptait Didi B qui n’est plus à présenter. « Je vais mentir ça va me donner quoi? » scandent les deux rappeurs : ce qui est sûr, c’est que leur talent pour ambiancer ne ment pas.
Wangechi – MZIGO
Kenya
Un an après son album Chonjo, Wangechi signe son retour. La rappeuse Kenyane ne le fait pas seule, mais accompagnée d’une partie du groupe Buruklyn Boyz, les deux cofondateurs de vaste crew : A Jay et Mr. Right . Le retour de Wangechi se fait avec « MZIGO » un morceau drill sombre aux basses lourdes, ce qui peut expliquer qu’elle ait choisi d’inviter les Buruklyn Boyz qui sont les nouveaux noms de la drill au Kenya. Une rencontre entre une génération de rap nouvelle et une génération de rap plus installée qui ne peut que nous ravir tant cette union s’accorde pour donner le jour à un rap toujours plus passionné.
Nayra – Le Nord
France
Décor obscur et fond orange, nous voilà entrés dans l’univers d’une artiste qui ne perd pas le nord. Après son trois titres Sumud qui était une bonne mise en bouche, Nayra dévoile le clip du titre « Le Nord ». Le clip est composé d’impressionnantes chromatiques au centre desquelles Nayra évolue en plein égotrip avec un magnétisme rare, son regard perçant traverse la caméra et nous fait presque oublier l’équipe gravitant autour d’elle. Trois minutes de rap enrobées de sonorités maghrébines et d’un couplet en arabe, bel hommage à sa culture marocaine que la rappeuse apprécie mettre en avant. Une artiste qui a travaillé pour en être la comme elle le dit si bien : « Me surpasser je fais en sorte, ça ne suffit pas pour être au top », et quand on voit son aboutissement artistique, on ne peut douter qu’elle ira loin.
Une sélection à retrouver dans notre playlist Pan African Rap.