Né d’un père sénégalais et d’une mère catalane, Leïti Sene n’a que 23 ans, mais déjà un long parcours artistique derrière lui. Sa carrière scénique démarre à l’âge de 10 ans, lorsqu’il fait ses débuts en tant que danseur contemporain avant de s’immerger, quelques années plus tard, dans la scène hip-hop underground barcelonaise. Il crée le collectif SamxSen avec son cousin Sam Davies, et réalise avec lui deux EPs. Joël, son premier projet long format en solo, paraît en en 2019. Le jeune homme a mûri, sa musique aussi. Il fonde son propre label, et sort le premier album (Cute Tapes) de son collectif Cutemobb. Insatiable, il figure aussi au casting de la série à succès Elite, diffusée sur Netflix, dont il tient l’un des rôles principaux.
En juillet dernier, Leïti a sorti JÖM, sa nouvelle mixtape collaborative dans laquelle il se livre à un exercice d’introspection. De quoi le rapprocher de ses racines sénégalaises, et envisager de nouveaux rêves.
D’où vient ta passion pour la musique ?
Ma passion pour la musique provient de ma plus tendre enfance car on écoutait beaucoup de musique à la maison et dans la voiture. Je suppose que par la suite, lorsque j’ai grandi, j’ai commencé à danser et bien sûr j’ai commencé à avoir beaucoup d’influences de différents types de musique : aussi bien funky que de la musique plus ancienne. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à écouter de la musique très fréquemment et cela a augmenté jusqu’à ce que je commence à en produire.
Quelles sont tes influences musicales ?
Mes influences musicales sont essentiellement liées à tout ce qui est musique afro-américaine comme le funk ou le jazz. Il y a aussi tout ce qui est hip-hop, G-funk… Je pense en particulier à un artiste comme Tupac, qui m’a fortement marqué et que j’écoutais souvent dans la voiture étant enfant.
Que signifie ce tatouage que tu as au cou ?
« JÖM » signifie « honneur » en wolof. Cela aborde la question de comment avoir de la dignité avec soi-même, que rien ne vous abatte et que vous continuiez d’avancer sans jamais blesser les autres ou vous-même. Il s’agit de garder de l’honneur envers soi-même.
Justement, ta nouvelle mixtape s’appelle « JÖM ». Peux tu nous parler du contexte de ce projet ?
Je pense que ça a été une année étrange pour moi, à la fois à cause de problèmes de Covid, de problèmes personnels… Je pense que ça a été une année où tout est né essentiellement de ma force personnelle, d’honneur, de bien comprendre ce qui se passe dans ma vie, comprendre les changements, essayer de rester le plus ferme possible dans tout cela et c’est pourquoi je l’ai appelé « JÖM ».
Tu as des racines sénégalaises du côté de ton père. Comment ton héritage africain influe-t-il sur ta musique ?
A vrai dire mon père ne m’a pas joué beaucoup de musique provenant d’Afrique, donc sur le plan musical je n’ai pas beaucoup d’influences de « l’afrobeat ». Dans la mixtape il n’y a qu’une chanson comme « 08003 » avec Alu qui en est inspirée. Après, dans les textes des chansons parfois je parle de sorcellerie et de choses qui viennent du Sénégal. À l’avenir, j’aimerais me tourner de plus en plus vers l' »afrobeat ».
Tu dis que les 12 chansons de ta mixtape représentent le sentiment de lutte intérieure que tu ressens. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Pour moi, faire de la musique est une manière d’exorciser mes problèmes, de partager mes illusions et tout mon espace intérieur. Cette année a été si émouvante et la musique que j’ai sortie en est la représentation. Finalement c’est pour ça que j’évoque la lutte intérieure, parce qu’en fin de compte c’est comme ça que j’exprime mes pensées, en prenant un peu de ceci et un peu de cela. Finalement, ce sont des pensées assez intimes que je partage dans cet album.
Comment s’est passée la collaboration avec Sticky M.A., Rojuu et Polima Westcoast ?
La démarche est très organique, je ne travaille qu’avec des gens que je connais. Rojuu a passé de nombreuses nuits chez moi où nous avions le studio et nous avions pas mal de chansons et c’est « Lilo & Stitch » que nous avons retenu. Dans le cas de Sticky, je lui ai envoyé la chanson et il a tout défoncé avec sa partie hahaha ! C’est aussi assez naturel, on se chante des chansons et on se partage mutuellement nos projets. Avec Polima, pareil, on partage de la musique et puis on en produit.
Parlons de la chanson « T-Rex ». Il s’agit d’un morceau intense qui explore ton chemin vers le succès et son côté obscur. Tu dis que cette chanson représente un changement de paradigme dans ta carrière musicale. Pourquoi ?
Pas tant un changement de paradigme, mais c’est le moment où ma musique commence à prendre d’autres types d’influences, où je travaille avec d’autres personnes… C’est un beat de Young Wolf, qui est un producteur qui est venu chez moi souvent et nous avons cette synergie et c’est un son complètement différent de ce que je créais avec Iseekarlo ou avec Bexnil. C’est un son qui est un peu différent de ce que je fais d’habitude et je pense que c’est un peu plus digeste. Ce n’est pas que ce soit du mainstream, il reste proche de mon identité mais se rapproche d’un public plus large. Au niveau du texte c’est aussi la première chanson où je commence à parler un peu plus, à dire plus de choses, à dire plus ce que je pense.
Le processus créatif était le même que d’habitude, il m’a apporté un beat et j’ai fait un freestyle. Ensuite, j’écris sur la mélodie et le morceau est terminé en une heure et demie environ.
Tu aimes expérimenter avec d’autres rythmes que la trap, comme par exemple l’afropop et le baile funk ?
Oui j’ai assez expérimenté, mais je veux m’y plonger un peu plus. Je veux descendre au Sénégal et voir un peu, m’influencer là-bas… Ce que j’aimerais maintenant c’est commencer à avoir de la musique qui se danse.
Peux-tu nous parler de ton collectif Cutemobb et de ce qu’il fait ? Qu’est-ce que vous préparez pour l’avenir ?
Cutemobb est aussi un projet tellement naturel, c’est pour mettre un nom sur tout ce travail que nous avons fait avec nos potes et les gens que nous avons connus du monde artistique barcelonais. En fin de compte, ce que nous faisons, c’est de la musique innovante, nous voulons continuer à mettre en place des projets communs et continuer à travailler ensemble. On veut aussi développer des projets liés à la mode.
J’ai entendu dire que ce que tu veux, c’est finir par vivre dans les montagnes avec beaucoup d’enfants. Tu peux nous raconter ?
J’aimerais y aller le plus tôt possible. J’ai pas mal idéalisé la vie bucolique et les montagnes avec les animaux, moi et ma famille… À vrai dire je pense que c’est la réponse à beaucoup de choses qui arrivent en se moment comme le covid et autres… J’y ai pensé pendant longtemps mais maintenant je crois que c’est la meilleure alternative que je peux avoir pour me reconnecter un peu avec la nature et avoir une vie simple. Je pense que l’humain a perdu ce rapport avec ce qu’il est depuis longtemps et nous allons vers des mondes de plus en plus artificiels. Je pense que la reconnexion avec la nature et avoir un mode de vie plus simple sont la clé pour tout : pour la durabilité de la planète, pour la santé mentale, pour mes enfants aussi… Je pense qu’ils méritent cela plus que de vivre en ville. Tous les modes de vie sont valables et chacun fait ce qu’il peut, mais j’aimerais être là sur la montagne loin de tout. Et c’est le rêve que je veux réaliser, c’est ce que je veux le plus.
JÖM de Leïti Sene, disponible sur toutes les plateformes.
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