par Shiba Melissa Mazaza
29 octobre 2021
Gros plans sur les femmes sud-africaines – des icônes aux jeunes pousses de la nouvelle école – qui façonnent l’expansion fulgurante de l’amapiano dans le paysage international des musiques électroniques. Suivez notre playlist sur Spotify.
La percée prodigieuse de l’amapiano annonce l’heure de renaissance pour la musique d’Afrique du Sud, puisque c’est le kwaito – « la voix du peuple » – qui s’en trouve rénové, accouchant de nouvelles formes d’expression au sein de la conversation globale de la culture pop. Si la musique house est profondément dominée par les hommes, et ce dès ses origines, l’Afrique du Sud a toujours été un champ de bataille pour les rares femmes qui osent changer le discours dominant quant à leur contribution au progrès de leur pays. Avant l’avènement récent de l’amapiano, des icônes telles Brenda Fassie, Lebo Mathosa, Thembi Seete, Miriam Makeba et bien d’autres avaient déjà apporté leur propre touche à une scène en plein essor, permettant aux femmes d’être admirées pour leur attention aux détails, leur assurance et leur persévérance inébranlables au micro. Grâce à elles et dans leur sillage, d’autres femmes allaient pouvoir produire, rapper, chanter et devenir DJs, récoltant sans complexe une indiscutable notoriété, afin que le reste du monde puisse aujourd’hui les acclamer sur les plateformes virtuelles comme sur les scènes bien réelles. C’est le cas pour femmes de tous âges qui se sont relayées sur la scène amapiano, et dans les sous-genres qu’elle a engendrés.
Surnommé « Private School Amapiano » [L’amapiano des écoles privées ; NdT] pour son penchant sophistiqué pour le jazz, la deep house et les instrumentations vibrantes, un sous-genre a vu le jour avec des artistes comme Babalwa M. Ce dernier conserve les racines dites « underground » du genre, à la fois authentiques et vivantes, tandis que s’élèvent les voix d’une nouvelle école, menée par Banaba’Des. On lui doit d’avoir entrouvert la porte des clubs à d’autres artistes qui, comme elle, défient les catégories : Sha Sha, Lady Du, DBN GOGO et Kamo Mphela ont fait leurs débuts sur la scène internationale et ont déjà prouvé au monde entier que les femmes de ce pays sont à la hauteur de la réputation qui les précède. Et à la manière d’une sororie artistique, elles ont continué – comme leurs aînées depuis des décennies – d’ouvrir la voie aux générations suivantes, tenant haut la même torche dont la flamme attire l’attention de la planète entière.
Leçon de genre
Ces femmes n’ont pas leurs(s) pareil(s) lorsqu’il s’agit de confectionner les tubes qui propulsent l’amapiano vers le succès.
Babalwa M
L’indétrônable « reine du private school amapiano », Babalwa M, est plus connue pour ses prestations vocales étincelantes sur les productions du pionnier Kelvin Momo, au premier rang desquelles « iMali » parue sur le EP Bayeke. Souvent perçue comme « en avance sur son temps », la chanteuse retourne l’invitation en recevant Kelvin sur son très attendu premier album, Aluta continua, un titre en forme de message évident : elle a bel et bien gagné sa place parmi les vocalistes les plus prisées, éclaireuses du chemin des autres femmes de notre sélection. D’abord entendue l’an dernier lors d’une session Lockdown House Party de Momo, elle gagna immédiatement des fans dans tout le pays, impatients de voir advenir l’heure de gloire de l’iconique chanteuse-compositrice, dont chaque note de l’album récompense largement l’attente pour qui privilégie le jazz, la soul et la perfection d’un authentique piano.
Faites sa connaissance avec : Suka
Boohle
Originaire de la ville de Vosloorus, Buhle Manyati – qu’on surnomme affectueusement Boohle – est l’autrice de certains des plus gros succès que l’amapiano a offert jusqu’à présent, du « Siyathandana » et ses 6 millions de vue (en duo avec Cassper Nyovest), au « Mama » produit par Josiah De Disciple (récemment remixé avec brio par Da Capo, maître de l’afro-house). C’est en 2017 que le fondateur du Tshwane Gospel Choir tombe sous le charme de la chanteuse, qui ne tarde pas à atteindre les sommets des charts des radios lsud-africaines. Sa dernière production, l’EP Sfikile, est le témoignage lumineux de ses prouesses vocales – mises en musique par une légende de l’amapiano, Gaba Cannal, et par le regretté Mpura – ainsi que de ses talents d’écriture. En réalité, une fausse surprise après le bouleversement qu’avaient déjà provoqué ses deux sorties discographiques de 2020, Umbuso Wabam’nyama et Izibongo, où déjà elle dévoilait l’agilité de son esprit musical, notamment sur le très afro-soul « Give It All ».
Faites sa connaissance avec : Sfikile EP
Bassie
Basetsana Maluleka, ou plus simplement Bassi, est l’une des autrices-compositrices-interprètes les plus appréciées de ces dernières années. Elle a trouvé ses marques dans le quartier de Windmill Park à Boksburg, où -à l’âge de 18 ans, elle dirigeait une chorale locale, avant de composer des tubes avec les pionniers de l’amapiano MFR Souls – dont « Bathandwa » – ou en featuring avec Boohle sur « Sizani », un titre impeccablement produit par T-Man SA. Bassie n’a cessé de connaître des hauts sur le chemin de la gloire, avec notamment une apparition remarquée dans la première saison de la très influente Lockdown House Party diffusée sur Channel O. Avec un premier album intitulé Msholokazi, dont la sortie est prévue pour le 12 novembre, et comptant avec la participation des poids lourds Tyler ICU et Mgiftoz, Bassie a hâte de démontrer l’étendue de ses talents sur les dancefloors lors de la saison des festivals d’Afrique du Sud. Une force de la nature jusqu’à présent inégalée dans sa passion, sa gracieuse présence scénique, et son génial sens de l’humour sur les réseaux sociaux.
Faites sa connaissance avec : Sizani
Nicole Elocin
Élevée entre la province du Cap-Oriental et Kempton Park, Nicole Elocin a commencé sa carrière musicale à l’âge de 11 ans dans une chorale d’église. Elle a ensuite poursuivi sa vocation en participant à des sessions de studio avec les producteurs locaux Tammy T et Phlexx Roku, tant et si bien qu’à 20 ans, Nicole faisait déjà ses débuts dans l’amapiano avec l’EP Money Heist, en duo avec Tyler ICU, mettant tout le monde à genoux avec son interprétation de l’hymne antifasciste italien « Bella Ciao », une audace que seul l’amapiano est capable de réserver à une référence à la culture pop. Preuve que son premier essai Money Heist n’est pas à ranger parmi la « hype » rapidement périssable, Nicole démontre la même vibe sur l’énergique « Sofa Si Lahlane ». En hissant ce même EP au sein de la playlist « Top 100: South Africa » de Apple Music, Nicole a déjà laissé son empreinte aux côtés de DJ Maphorisa, Kabza De Small, Mas Musiq, Shasha, Nia Pearl, Mlindo The Vocalist et, espérons-le, beaucoup d’autres artistes qui pourront égaler son infatigable énergie dans les années à venir.
Faites sa connaissance avec : Hold On (feat. Theology HD, Muziqalstesh and Josiah De Disciple)
Mawhoo
MaWhoo, née Thandeka Ngema, poursuit une carrière dans la musique depuis l’âge de 11 ans lorsque, munie de son premier morceau, elle ose frapper à la porte d’une station de radio de la ville de Eshowe au Kwazulu-Natal. Rembarrée à cause de son trop jeune âge, elle décide de faire du mannequinat jusqu’à ce qu’elle trouve enfin le moyen de percer avec sa musique. En contactant l’emblématique et controversé label sud-africain Mabala Noise en 2018, elle se retrouve en contact avec le super-producteur Heavy K avec lequel elle enregistre « Umshado », ainsi que deux chansons aux côtés des Scorpion Kings sur leur album avant-gardiste Once Upon a Time in Lockdown, défendant à chaque étape la ferme et juste conviction que les femmes devraient pouvoir s’exprimer comme elles l’entendent – et être justement appréciées pour cela.
Faites sa connaissance avec : Ngipholise (feat. DJ Obza)
Bontle Smith
Depuis que Bontle Smith, née à Tembisa, a rejoint à l’université le groupe vocal Current of Blackness, elle n’a plus jamais regardé en arrière. Sa rencontre avec DJ Giggs Superstar du légendaire label house Soul Candi, l’a amenée à participer à l’émission « Deep House Chronicles 4 », déclenchant en elle une passion fougueuse pour la house, et l’amenant naturellement à se frotter à l’amapiano. Après avoir fait connaissance avec DJ Maphorisa, ce dernier accepte de la signer sur son label indépendant New Money Gang, offrant à Bontle de figurer sur les titres « Lerato » et « Alalahi » de l’album PianoHub des Scorpion Kings, et sur « Sandton », extrait de The Return of the Scorpion Kings. La pandémie n’aura eu aucun effet négatif sur la trajectoire ascendante de la chanteuse en 2020, puisqu’elle affirme sa présence sur le « Amanikiniki » de MFR Soul, un tube qui atteindra les 11 millions de vues sur YouTube en à peine cinq mois. Tout en faisant front aux côtés de ses consœurs Soulful G et TDK Macassette sur le puissant « iFilimu », elle publie son dernier single en solo sous le titre plus que pertinent « Level Up » avec DJ Hectic et Siya, et se dirige sereinement et sûrement vers son succès individuel en tant que chanteuse solo, amplement mérité.
Faites sa connaissance avec : Level Up (feat. DJ Hectic & Siya)
Soulful G
Gugu Bikani, ancienne élève de l’École nationale des arts d’Afrique du Sud, connue sous le nom artistique Soulful G, a ébranlé l’Afrique du Sud avec une impeccable prestation vocale sur « uThando » aux côtés des talentueux super producteurs Shaun 101 et Soa Mattrix. À seulement 21 ans, l’artiste a vu sa chanson devenir instantanément un standard, avec des paroles décrivant l’amour universel, une prouesse de transcendance que seuls les ancêtres sauraient convoquer, comme en témoignent les réactions qu’elle reçoit chaque fois qu’elle monte sur scène. Revenue en terrain connu avec Soa Mattrix, elle a enchaîné avec « Buyisa », où elle fait jeu égal avec Sir Trill, de sa voix déchirante qui rivaliserait avec n’importe quelle autre virtuose de la scène amapiano.
Faites sa connaissance avec : Ungowam (feat. Pleasure Adams)
Nia Pearl
Surnommée « la Reine des pierres précieuses », Nia Pearl a grandi à Umtata au Cap-Oriental, chantant régulièrement dans la chorale de son école. Après le lycée, Nia s’est orientée vers des études de musique contemporaine à l’université. Par la suite, elle enregistre avec Mobi Dixon, puis se tourne vers l’amapiano aux côtés de Kabza De Small, Tyler ICU, Major League et Mas Musiq. Tout aussi douée en tant que styliste, elle crée sa propre entreprise, Threads By Nia, où elle partage son style contemporain avec sa communauté de fans. Sa performance remarquable sur « iPiano eSoweto » avec le légendaire DJ Stokie et le chanteur Dalwionga fait référence à l’impact que le kwaito a eu sur sa vie. Elle choisit méticuleusement ses producteurs, travaillant avec les piliers de l’amapiano LuuDaDeejay, Howard et Soa Mattrix, ainsi que Mas Musiq pour sa dernière performance vocale qui donne littéralement la chair de poule sur « I’m Real », un titre au refrain irrésistible issu de l’album Auti Sharp.
Faites sa connaissance avec : I’m Real (feat. Soa Mattrix, Mas Musiq)
Retrouvez-les toutes dans notre playlist sur Spotify.
The New School
Tandis que l’amapiano a su maintenir l’attention du public grâce aux efforts inlassables des femmes citées plus haut, le genre ne cesse de se renouveler grâce à l’arrivée d’une nouvelle génération d’artistes aux avant-postes.
Banaba’Des
Représentant l’un des seuls groupes d’amapiano ouvertement LGBTQ, le duo féminin Banaba’Des s’est inspiré des Destiny’s Child dans le choix de son nom (« bana ba » pour « their children » – « leurs enfants » – en langue tswana ; « Des » pour « Destiny »), illustrant la conviction des deux jeunes femmes que leur destin réside dans la musique qu’elles créent et dans l’espace qu’elles ont ouvert pour que d’autres y puisent leur inspiration. Composé de Miss Pammie et d’Unkle Blue, le duo réunit deux figures féministes libres d’esprit, brillantes et qui n’ont pas peur d’occuper un espace initialement conçu par et pour les hommes, ni de décevoir les attentes que la gent masculine impose généralement aux femmes hétérosexuelles. Présentées l’une à l’autre par le producteur Alfa Kat, elles ont intelligemment uni leurs forces sur « Phone Yam », titre aux millions de vues sur TikTok. Avec un flow à la métrique imparable délivré dans une combinaison des langues setswana et SePedi – le « Spitori », dialecte majoritairement utilisé à Pretoria –, le duo commence tout juste à s’imposer au sein de la nouvelle école de l’amapiano.
Faites sa connaissance avec : Ke Dese
Makhanj
Mbali Makhanya aka Makhanj est une chanteuse et compositrice, dont les ambitions sont aussi fermes que ses pommettes saillantes. Elle a collaboré et s’est produite avec Musa Keys, Phil Keys et Kizz Daniels sur différentes scènes durant un parcours époustouflant dont la première prouesse s’est tenue à l’École de droit du sport et du divertissement, institution d’élite dont elle est sortie avocate certifiée en 2019. Plus connue aujourd’hui pour ses contributions à l’EP Thokoza Café de DBN GOGO, dans lequel elle brille au chant sur « Nawe », elle manie fièrement sa plume sur « Awazi » de Sunde et Al Xapo et sur l’album Daydream de Stagz Jazz, où elle laisse entrevoir une carrière prometteuse dans la branche « amapiano des écoles privées ». Elle travaille actuellement sur des projets de collaboration ainsi que sur son premier EP, avec pour objectif d’établir une carrière solo dans l’amapiano, le RnB et le hip hop, s’aventurant non seulement en tant que chanteuse mais aussi en tant qu’autrice-compositrice reconnue qui pourra, et exige déjà, ne compter que sur elle-même.
Faites sa connaissance avec : Nawe (feat. Makhanj, Felo Le Tee, Dinho, DBN Gogo)
Snenaah
Sinethemba Mashiane est une autrice-chanteuse-compositrice née dans la province du Mpumalanga, et élevée à la musique autochtone dans un petit township rural du nom de Silobela. Aujourd’hui basée à Centurion après avoir adopté le surnom de Snenaah, elle s’est déjà essayée à l’amapiano au cours de nombreuses expériences. En effet, Snenaah a partagé un grand nombre de performances a capella et de reprises à couper le souffle sur les réseaux sociaux, donnant une seconde vie à des chansons populaires grâce à son timbre de voix enfumé et ses mélodies superbement enchevêtrées. Des voyages en Tanzanie et en Bulgarie avant le lockdown de 2020 lui ont offert une nouvelle perspective, la chance d’élargir sa vision du monde et ainsi d’affiner ses compétences vocales, un résultat aisément audible sur « Paradise » en featuring avec Sinny Man’Que, et sur « Gqwinya Lam » de Mas Musiq avec Sino Msolo. Tendez l’oreille, elle risquerait bien d’apparaître sur une autre production smooth aux côtés de Theology HD.
Faites sa connaissance avec : Gwinya Lam (feat. Mas Musiq and Sino Msolo)
Khanyisa
Khanyisa est une chanteuse et une star des réseaux sociaux qui compte plus d’un million de vues sur son profil TikTok. Originaire d’Embalenhle, dans la province de Mpumalanga, le monde du spectacle n’a rien de nouveau pour elle, qui fut élevée dans une famille très portée sur la musique où les performances étaient encouragées en toute occasion. Elle a fait une première impression marquante en 2021 sur « Bheka Mina Ngedwa » aux côtés des exemplaires Lady Du, Marcus MC et Tsiki XII dans un ingénieux remake de « Pure Surprise », le classique house d’UPZ Dkp, et nous voici donc impatients de voir ce qu’elle a prévu pour la suite. Si l’on se fie au contenu de son feed, le monde entier ne tardera pas à acclamer et à se délecter de sa présence ultra-créative et résolument fun sur la scène amapiano.
Faites sa connaissance avec : Bheka Mina Ngedwa (feat. Lady Du, Marcus MC and Tsiki XII)
Pabi Cooper
Pabi Cooper a fait ses débuts dans l’industrie musicale en tant que danseuse sur les Balcony Mixes de Major League DJz, et a d’abord connu la célébrité avec le succès de son premier single « Isiphithiphithi » avec Reece Madlisa, Busta 929 et Joocy, recueillant un million de vues en à peine deux semaines, et récemment récompensé d’un disque d’or. Surnommée « une rose parmi les épines », elle se joue de toutes les performances, apportant sur scène une dimension physique jusqu’ici inégalée.
Faites sa connaissance avec : Uyangi’Jabulisa
Mashudu
Succès retentissant en Afrique du Sud, produit par un autre pionnier de l’amapiano, Djy Jaivane, avec Kappie et Amu Classic, « Qhude » nous a introduit à la personnalité de Mashudu, dotée d’une tessiture vocale étonnante. La chanteuse au talent déjà immense se fait remarquer sur le EP One For The World du duo, sur des titres tels que « uThando », « Indoda Enemali » et « Mashimane », atteignant des notes à couper le souffle, qui se marient incroyablement bien avec les grooves méticuleusement ciselés de ses confrères. Ne ratez pas la sortie du clip vidéo de « Qhude », bientôt disponible, et qui est déjà considéré comme la première pierre des fondations du premier album de la virtuose.
Faites sa connaissance avec : One For The World de Amu Classic et Kappie’s
Nkosazana Daughter
Nolwazi Kimberly Mzama, qui a choisi le surnom de Nkosazana Daughter, est une guitariste et chanteuse autodidacte qui après avoir prouvé son talent scénique en tant que poète, a finalement fait ses débuts musicaux en 2019 sur « Mirror » et « Bekezela ». Nkosazana apporte un ton plus éthéré à l’amapiano, une variation qui ne cesse de gagner en popularité, et elle ne fait absolument pas pâle figure aux côtés des poids lourds vocaux du genre que sont Sir Trill, Mpura et Zaba sur « Izitha ». Nous voici impatients de voir ce que son talent nous réserve encore.
Faites sa connaissance avec : Izitha (feat. Sir Trill, Zaba, Josiah De Disciple, Mpura, TeeJay)