Chaque année, nous nous lançons le défi d’assembler une sélection d’albums s’étant démarqués dans l’océan de nouvelles musiques. En 2023, nous avons assisté à l’ascension fulgurante et mondiale du singeli, la batida portugaise s’est imposée comme l’un des nouveaux sons club incontournables, et la domination du rap a continuée dans le monde entier tandis que le genre atteignait l’âge mûr des 50 ans. Aunty Rayzor a sorti un premier album agressif, se présentant comme l’une des rappeuses les plus percutantes du continent, à l’instar de l’Ougandaise MC Yallah et du Rwandais Kenny K-Shot, tandis que DJ Danifox et Nídia ont tous deux développé la musique underground de Príncipe Discos. Nous avons également pu écouter des artistes singuliers comme King Ayisoba et son kologo, ou encore le groupe Nakibembe Embaire et son xylophone en bois géant, réimaginé avec l’aide du trio indonésien Gabber Modus Operandi. Le groupe emblématique de zamrock WITCH a fait son retour, et Ferre Gola, Baaba Maal et les membres d’African Head Charge ont une nouvelle fois confirmé leur place au sommet. L’année a également été riche en records pour l’afrobeats, tandis qu’Asake et l’influence de son naijapiano ont touchés de nouvelles sphères. Teni a fait des vagues avec TEARS OF THE SUN qui, à bien des égards, était plus qu’un simple album. Les sonorités égyptiennes post-shaabi des clubs ont dynamité les pistes de danse grâce à 3Phaz, et le gqom des pionniers d’Omagoqa a enfin été reconnu à sa juste valeur. Tout cela, sans oublier le jazz psychédélique d’IzangoMa ou la Black Classical Music de Yussef Dayes.
Il y a certainement plus de musique que ce que nous pourrions présenter ici ou inclure dans cette liste. Pourtant, que vous soyez à la recherche du meilleur morceau pour votre mix DJ, d’une méditation tranquille ou d’un voyage sonore dans un autre monde, vous y trouverez très probablement votre bonheur. Écoutez, partagez et célébrez avec nous les « meilleurs » albums de 2023.
95 Mindjeres
Nídia
Cela fait plus de 10 ans que Principe Records œuvre à dresser un portrait dynamique et créatif de la nouvelle vague musicale luso-africaine du Portugal. Nídia, qui a déjà sorti quatre albums sur le label, est un pilier de cette scène. Sur 95 Mindjeres, son approche unique de la batida rend hommage au rôle décisif des femmes combattantes bissau-guinéennes dans la lutte du PAIGC contre la domination coloniale portugaise dans les années 1960 et 1970, notamment grâce à l’entraînement militaire et à la sensibilisation politique d’un groupe de 95 femmes. Cet hommage est développé sous forme de morceaux rapides au groove entraînant, entremêlant séquences de percussions et mélodies minimalistes. Une preuve de plus que le dancefloor peut être un espace politique.
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A trip to Bolgatanga
African Head Charge
Bonjo Iyabinghi Noah et son proche collaborateur Adrian Sherwood font une nouvelle fois équipe pour un album d’African Head Charge, relatant cette fois-ci un voyage à Bolgatanga, la ville natale de Bonjo au Ghana. Percutant et semé de questions philosophiques, cet album est une belle expression des racines du groupe. Passée l’intro détonante du ghanéen King Ayisoba et de sa guitare traditionnelle kologo, l’album passe par le dub wah-wah, le rock psychédélique et la musique électronique tamisée. Un disque fantastique à écouter en boucle, aussi frais qu’intemporel.
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Ah ! Kwantou
Ah ! Kwantou
Belle surprise que ce premier disque éponyme d’Ah! Kwantou, band réuni autour du chanteur et guitariste ghanéen Kyekyeku, élevé à la grande école du highlife avant de s’installer en France. Et c’est bien le highlife qui offre au disque sa couleur dominante, mais que le groupe embarque dans un voyage qui traverse les terres de la funk, de l’afro-beat et de la soul… le tout dans un esprit positif porté par des guitares et des cuivres explosifs.
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Amatssou
Tinariwen
20 ans après The Radio Tisdas Sessions, Tinariwen poursuit sa diffusion de la culture et de la musique touarègue. Le titre de ce nouvel album, Amatssou – « la peur » en tamasheq évoque la peur croissante liée aux conflits armés dans le Sahel et le Sahara, aux ingérences étrangères et à la diminution des ressources. La musique des Tinariwen a toujours été empreinte de nostalgie mais aussi de cette résistance qui a donné naissance au groupe. Cet album vibre toujours de ce rock teinté de blues et de folk qui est leur signature, mais il s’hybride à un autre genre, celui des plaines de l’ouest américain. Une alliance qui ne surprend guère quand on connaît l’amour du groupe pour la musique country, comme nous confiait Abdallah Ag Alhousseini, l’un des membres fondateurs du groupe : « parmi toutes les musiques, la country est celle la plus proche de l’esprit de la nôtre. C’est une musique qui parle à l’âme comme la nôtre ». Les banjos et les pedal steel guitar de Nashville sont donc venus s’associer aux riffs sahariens pour produire Amatssou. Un sublime album qui porte l’esprit d’une culture prise dans la tourmente.
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Ansiedade
DJ Danifox
DJ Danifox, pilier du label Principe, sort son premier album « officiel » Ansiedade (« Anxiété ») après une sortie ininterrompue d’EP, de singles et de collaborations. La batida révolutionnaire qui a fait vibrer moults dancefloors avec ses sets hypnotiques a trouvé en lui un brillant ambassadeur. Dès le premier morceau, ses prods batida se démarquent par leur teinte plus douce des sons ghetto club de Marfox ou des productions dynamiques et riches en samples de DJ Lycox. Quelques paroles clairsemées viennent saupoudrer les morceaux de l’album comme une instrumentation répétitive plutôt que comme des repères conceptuels. Bien que Ansiedade respire le DIY (do it yourself) dans ses samples et sonorités, l’album a une production incroyablement nette qui présente des arrangements – parfois lofi, parfois hors des sentiers battus – qui témoignent de ses choix artistiques. Écoutez « Tarraxo » pour goûter à l’évaporation, « Mar Vista » pour l’expérimental et « Chopper », pour ce qui se rapproche le plus d’un hit de dancefloor.
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Asalafi
Wegdayit
Si la musique éthiopienne a un temps brillé dans le monde entier avec son « éthio-jazz » irrésistible, Wegdayit, artiste basé à Addis-Abeba, a ouvert une nouvelle voie. Fan invétéré du compositeur du 6ème siècle Saint Yared, crédité comme l’une des influences majeures dans le développement de la musique traditionnelle éthiopienne et érythréenne, le chanteur -qui s’autodéfinit comme « folk », s’essaie ici à l’exercice difficile de marier modernité et traditions culturelles. Il chante en ahmarique sur des productions jazzy, hip-hop et reggae qui toutes conservent une saveur éthiopienne reconnaissable. Comme l’artiste le dit lui-même, « souvenons-nous du temps où le folklore se transmettait par des rimes et des mélodies ».
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Back To Embombeni Deluxe
Omagoqa
Andile « Ma_A » Mazibuko, Franco « KB » Makhathini et Njabulo « Chase » Sibiya se sont rencontrés il y a quelques années dans un « ibomba » (minibus-taxi de Durban). L’influence de ces véhicules sur le développement de nombreux genres électroniques sud-africains est bien documentée, et sur leur dernier album, Back To Ebombeni (Deluxe), le trio Omagoqa rend hommage à ces véhicules- passeurs culturels, connus pour toujours avoir le son le plus frais et le plus brut qui soit. Au fil des morceaux, le groupe ajoute des touches d’EDM, des basses 808 et des synthés à son gqom, le rendant plus expérimental que jamais.
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Being
Baaba Maal
Chanteur visionnaire, ambassadeur culturel et superstar sénégalaise, Baaba Maal est revenu cette année 2023 avec Being. Enregistré à Brooklyn, Londres et Dakar, l’album poursuit son exploration des traditions peules, de la soul américaine, du jazz tout en se teintant d’électro. « Chaque chanson de cet album a sa propre personnalité », explique le chanteur. « Car pour moi, une chanson est comme une personne. Elle a une vie, un nom, un caractère et un positionnement dans la vie. »
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Black Classical Music
Yussef Dayes
Il aura fallu plus de 15 ans de carrière au batteur, producteur et compositeur anglais Yussef Dayes pour sortir son premier album solo. Habitué des collaborations de haut niveau, autant dans le jazz que dans d’autres registres (afrobeats avec Wizkid, rap avec Pa Salieu, R&B avec Kali Uchis), son projet Black Classical Music est à l’image de la riche nouvelle génération de jazz UK, résolument inspirée par le groove et les sonorités de l’afrobeat, les musiques afro-caribéenne et le hip-hop, et peu friande des classifications musicales. La « musique classique noire » que l’album tente de décrire vient en réalité d’un questionnement du batteur : qu’est-ce que le jazz ? Sa réponse : « une musique qui évolue sans cesse et dont le potentiel est illimité […], le groove, le feeling, […] la spontanéité, […] les mélodies pour l’âme et l’esprit, la basse pour le cœur ». Brassant tous ces mots clefs et mélangeant les influences, l’album oscille entre jazz, dancehall, musique cubaine et funk, et met à l’honneur des invités aussi prestigieux que Chronixx, Shabaka Hutchings, Tom Misch ou Masego.
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SpiriTuaL HeaLinG : Bwa KaYimaN FreeDoM SuiTe
Jowee Omicil
Un hommage qui fait revenir à la vie les fantômes de la cérémonie de Bwa Kayiman, qui le 14 aout 1791 marqua le départ de la révolte des esclaves haïtiens, et avec elle le début d’une guerre d’indépendance qui aboutirait en 1804 à l’indépendance du pays. Le saxophoniste (mais aussi flûtiste, cornettiste, etc…) revit en 21 morceaux l’esprit de la révolte, celui des divinités vaudou venues en renfort, celui du courage et de l’espoir. Un pèlerinage très free, une expérience mystique, poétique et politique. Ou comme il pourrait le résumer, « un Bash! » (expression omicilienne).
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Congo Guitar
Vumbi Dekula
Vétéran de groupes de rumba légendaires comme le Orchestra Maquis, Kahanga « Vumbi » Dekula faisait l’actualité en 2019 avec l’album Opika du Dekula band, sorti par le label suédois Sing-A-Song Fighter. Karl Jonas, fondateur de la structure, avait depuis longtemps le rêve d’un album solo du guitariste, qui sonne comme « un orchestre à lui tout seul ». C’est chose faite avec Congo Guitar, enregistré en deux jours à Stockholm, sur lequel Dekula, en tête à tête avec sa guitare, s’amuse et interagit parfois avec une boîte à rythmes, un peu de piano, un banjo ou une basse mélodica. Une musique de virtuose, optimiste et insouciante, que l’on peut résumer par les mots de l’artiste lui-même : « écouter de la musique soukous vous rend heureux d’être en vie, et vous donne envie de danser quoi qu’il arrive ».
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Digital Indigenous 05 : Katula
Katawa Singers
La série Digital Indigenous, produite par le label polonais 1000Hz, a pour but de présenter « des producteurs locaux qui utilisent des outils numériques rudimentaires pour créer des mélanges passionnants de musique électronique et traditionnelle, qu’elle soit pop ou d’avant-garde ». Katula, cinquième projet de cette série, présente les premiers travaux des chanteurs malawites Katawa. Fondé par Auden Nthala et deux de ses amis, bientôt rejoints par d’autres, initialement pour collecter des fonds afin de construire une église dans leur ville natale de Mzuzu, le groupe a continué d’exister et a commencé à expérimenter les boîtes à rythmes et les claviers synthétiseurs. « Nous avons appris à partir de rien, par des essais et des erreurs , expliquent ses membres. Nous étions également les premiers dans la région à travailler de cette manière ». Une magnifique harmonisation de voix gospel, de rythmes locaux (malipenga, ingoma, kamchoma) et d’arrangements électroniques complexes (pourtant créés avec des équipements techniques rudimentaires), Katula est le deuxième album du groupe.
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Diré
Idrissa Soumaoro
Quel plaisir de retrouver le guitariste et chanteur malien, 13 ans après son dernier disque et près d’un demi-siècle après la parution du disque de l’orchestre l’Eclipse qu’il dirigeait, à l’époque où il enseignait à l’Institut des Jeunes Aveugles du Mali. On y retrouve sa voix singulière, son goût immodéré pour le blues et son aisance à le marier avec les rythmes et les instruments d’un Mali -qui en est certainement l’un des pères.
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Dynastie 2 Volume 2
Ferre Gola
Le « padre » Ferré Gola est décidément prolifique depuis deux ans. Après Dynastie en 2022, l’année 2023 se poursuit par Dynastie 2 – en 2 volumes. De la même facture, ils méritent également de figurer dans cette liste, suite logique de cet ambassadeur de la rumba actuelle. On y retrouve les featurings de Modogo, le désormais doyen Malae de Lugendo, ou le redoutable prodige Michel Bass. Avec les 40 chansons de Dynastie 2, les amoureux du genre ont de quoi passer les fêtes, et même toute l’année 2024.
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Early Instrumentals
Duke
2023 n’aura pas échappé à la fièvre Singeli. Le label Nyege Nyege Tapes, évidemment, nous a livré l’album d’un artiste complet capturant l’essence taraab du Singeli, son style club dur et rapide, et l’humour joyeux qui accompagne souvent sa danse. Démarrant avec ce qui ressemble à une publicité pour Vodacom, le reste du projet avance rapidement et audacieusement entre rythmes endiablés, productions croustillantes et tourneries futuristes. Duke, qui concocte des rythmes pour le légendaire Pamoja Records depuis l’âge de 18 ans, a rassemblé ici ses dernières mutations sur un seul disque. Si le terrifiant « sebene funguo duke » a de quoi provoquer une crise d’épilepsie, il y a tout de même suffisamment de temps pour apréhender les mélodies insolentes de « Duke sebene AK47 » ou de « Wada Panga 1 ». Un disque à savourer sur des systèmes de sonorisation usés.
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Ends Meet
3Phaz
Pilier de la scène électronique cairote, resté anonyme jusqu’à présent derrière son nom d’artiste, 3Phaz est réputé pour ses combinaisons sombres et explosives de shaabi traditionnel, mahraganat, grime, techno et de musique club. Pourtant, sur End Meets, le producteur embrasse une tout autre atmosphère, moins tendue et peut-être plus légère. Les 7 morceaux du projet, produits à base de kicks puissants, de percussions, de rythmes épiques et de flûtes traditionnelles, posent un décor brut et intriguant, qui ne vous laissera pas indifférent.
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FEELING BODY
Nyokabi Kariũki
Nyokabi Kariũki, praticienne expérimentale du son, est une pionnière avant-gardiste de la musique afro-ambiant. FEELING BODY, EP dense de six titres et de 33 minutes, mêle musique occidentale contemporaine, électronique expérimentale, pop, cinéma et traditions musicales d’Afrique de l’Est, formant au final une œuvre très personnelle. Considéré par Nyokabi comme une « méditation sur la guérison et la maladie », ce travail est le fruit d’un processus de guérison faisant suite à une dure pandémie. Chaque morceau s’attarde sur une forme de soin, « Subira » signifiant « patience » en swahili et le dernier morceau s’intitulant « Nazama », soit « je m’enfonce ». Portant haut le flambeau de sa langue, utilisant des enregistrements de terrain et des instruments comme le mbira, cet album est le portrait de Kariũki en tant que personne et celui d’un Kenya qui entre dans l’ère expérimentale.
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For Life
B-Threy
Leader de la Kinyatrap et figure de proue de la scène rap rwandaise, B-Threy en a produit l’un des EP les plus puissants cette année. Ecrit en kinyarwanda, l’EP combine toutes les influences qui ont coulé dans la scène rap rwandaise au fil des ans : un peu de trap, un peu de drill, la vague plus récente du shatta, et les expérimentations singulières de l’énigmatique producteur et chanteur Yannick MYK. L’album accueille également les participations du chanteur/rappeur Angell Mutoni et du rappeur/poète Icenova sur « Love & Hate », qui insufflent une nouvelle vigueur au projet et témoignent du large potentiel de la scène de Kigali. Alors qu’un album est en préparation, For Life est un amuse-gueule qui annonce de grandes choses à l’horizon.
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Fountain Baby
Amaarae
La téméraire artiste ghanéenne Amaarae revient avec son deuxième album Fountain Baby. La nouvelle voix incontournable de l’alté dévoile un album sensuel qui entretient la surprise grâce à cette fusion des styles qu’Amaarae maîtrise sans égale. Foutain Baby est un somptueux mixe d’alté, de R&B et de pop qui n’hésite pas à voguer vers la baile funk, la dream pop, ou même le rock avec le tumultueux « Sex, Violence, Suicide ». Laissez votre âme s’envoler aux rythmes du koto (harpe japonaise plate), du dundun (percussion mandingue) ou encore de la kora sur cet album éthéré en phase avec une jeunesse qui veut s’exprimer.
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Hostile Environment
Creation Rebel
Hostile Environment est un retour en force pour Creation Rebel, groupe légendaire de reggae composé de Crucial Tony, Eskimo Fox and Magoo. En 40 ans sans sortir de projet, le trio n’a pas perdu de sa verve et de son engagement, le titre de l’album faisant référence à la politique de l’ancienne Première ministre britannique Theresa May à l’égard des demandeurs d’asile. Utilisant des enregistrements d’archives de leur ancien leader ainsi que des contributions de Cyrus Richards, Gaudi et Daddy Freddy, le groupe nous présente ici une vision moderne de leur son dubwise version poids lourd.
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HOLD ON TO DEER LIFE, THERE’S A BLCAK BOY BEHIND YOU!
Kabeaushé
Kabeaushé décrivait il y a quelques années sa musique comme étant « complètement à l’opposé » de la musique électronique hardcore de ses collègues du label Nyege Nyege Tapes. Sur HODLTABBBY, son nouveau projet, cette distinction semble être un peu plus confuse. Car après avoir été exposé à toutes sortes de musiques radicales dans plusieurs tournées de festivals électroniques, sa musique semble désormais être empreinte de beaucoup plus de bizarrerie, de crudité et d’énergie rave. « Kabeaushé peut devenir n’importe quoi », nous déclarait l’artiste en 2022 . « Kabeaushé pourrait être une licorne, Kabeaushé pourrait être un arc-en-ciel, Kabeaushé pourrait être une chouette, Kabeaushé pourrait être un vampire ! ». A bon entendeur…
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Inventor Vol. 1
DJ Znobia
À la fin des années 1990, DJ Znobia, né Sebastião Lopes, se lance dans la création d’un nouveau genre, tentant ainsi de capturer l’énergie survoltée de la ville de Luanda qui entame alors sa dernière décennie de guerre civile. De nombreuses nuits blanches devant Fruity Loops, associées à une sensibilité pour la danse, donnent naissance à un nouveau type de musique qui envahira le monde lusophone en quelques années : le kuduro. L’utilisation innovante de boîtes à rythmes, de synthétiseurs et de voix comiques font rapidement de Znobia l’un des principaux producteurs et pionniers du genre, l’amenant à collaborer avec Buraka Som Sistema ou M.I.A. Le label ougandais Nyege Nyege Tapes s’est plongé dans les 700 titres archivés par l’artiste et en a tiré quatre compilations. A écouter presque comme une pièce historique, les 11 titres du Vol. 1 sont un fascinant retour aux toutes premières pièces du modernisme musical digital angolais, qui a depuis largement dépassé les limites de l’ordinateur de DJ Znobia.
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Jail Time, Vol. 1
Jail Time Records
Jail Time Records, organisation à but non lucratif née à l’intérieur de la prison centrale de Douala en 2018, a publié cette année sa première compilation de morceaux écrits par des détenus et anciens détenus enregistrés pour beaucoup à l’intérieur des murs de la prison, entre hip-hop, afrobeats amapiano et r&b. Producteur et cofondateur, Steve Happi encourage ces artistes en devenir à introduire dans leur musique des sons provenant de leurs cultures régionales respectives. Les morceaux présentés ici sont énergiques et profondément personnels. Ils expriment parfois la tristesse brute d’une vie qui a conduit à la prison, d’autres fois la libération cathartique d’une joie refoulée. Qu’il s’agisse du rap hardcore de l’ancien soldat de la guérilla Stone Larabik, du râle contagieux d’Empereur, de la drill ataluku local de Kengol DJ ou des douces sonorités de la détenue nigériane Jeje, chaque morceau est une aventure dans un monde souvent méconnu, produit et exprimé avec une qualité étonnante au vu du contexte et des moyens modestes.
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Jbal Rsas
Deena Abdelwahed
Titré en hommage au djebel Ressas, deuxième montagne la plus haute à proximité de Tunis, le deuxième album de la DJ et productrice tunisienne Deena Abdelwahed est tout aussi vertigineux. Pensé comme une exploration électronique et techno des différents courants musicaux de ce qu’on appelle communément le « Monde Arabe », la productrice mêle rythmes de tambours traditionnels avec des éléments de production électroniques qui ont fait sa marque de fabrique : basses techno, synthétiseurs futuristes, et atmosphère apocalyptique. Enfin, on notera les clins d’œil appuyés au mahraganat, cette musique électronique des rues égyptiennes devenue « la plus écoutée du pays », bannie par le gouvernement conservateur. Un tableau fantastique de ce que représente la « musique post-club arabe ».
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Dip Doundou Guiss
LFLF
Lep Fi Laniou Fek : « Nous avons tous été témoins ». Le nouvel album LFLF du rappeur Dip Doundou Guiss, taulier du hip-hop sénégalais, se présente comme un voyage introspectif, explorant les expériences personnelles de l’artiste ainsi que son héritage culturel. 4ème album de de Dip, ce projet confirme les qualités de parolier du rappeur, ainsi que le talent et la vitalité indéniable de la scène rap sénégalaise.
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Mádibá
Blick Bassy
De retour après 4 ans, l’artiste camerounais marque son retour avec une ballade militante. Mádibá, « l’eau » en douala, c’est le nom et le thème central du nouvel album de Blick Bassy. Un projet dans lequel l’artiste incarne toutes sortes de formes de vie pour dépeindre l’urgence écologique que nous vivons. Tantôt animal, tantôt esprit, il se glisse dans chaque rôle avec perfection et nous plonge au cœur d’un univers paradoxal où l’urgence et la sérénité cohabitent. L’artiste qui a depuis longtemps montré son appétit d’explorer et d’hybrider les genres, nous offre un album d’une sublime contemporanéité. Des mélodies blues portées par la douceur de sa voix, des synthétiseurs et des productions électroniques viennent accompagner la guitare folk de l’activiste, et font entendre de manière sublime cet appel à l’aide.
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Nakibembe Embaire Group
Nakibembe Embaire Group
La troupe de xylophones Nakibembe Embaire Group, originaire d’Ouganda, est connue pour ses chants et ses interprétations sur un grand instrument d’ensemble appelé embaire. Un grand xylophone en bois joué par jusqu’à huit musiciens simultanément, qui tissent ensemble de courtes phrases mélodiques. Les membres du groupe chantent également à l’unisson ou en appel et réponse, en jouant avec d’autres instruments de percussion pour enrichir le rythme. Sur ce premier album, le groupe qui a déjà joué au club Berghain de Berlin nous offre cinq morceaux en tant qu’ensemble et trois accompagnés du trio indonésien Gabber Modus Operandi. Les phases percussives alternent avec les voix chantant en lusoga (langue parlée par la population soga en Ouganda), créant un nuage d’harmonies sur des beats s’accélérant parfois, flirtant avec les sonorités qui se sont infiltrées dans l’électro expérimentale européenne. L’album, qui porte simplement le nom de la troupe, semble se détacher de toute forme de temporalité : c’est un manifeste, une carte d’identité(s).
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Ngo Ma
IzangoMa
IzangoMa a été fondé en 2016 par les sud-africains Sibusile Xaba (voix/claviers) et Ashley Kgabo (synthés/caisse claire /boîte à rythmes). En février 2021, le duo s’est transformé en un collectif composé de musiciens issus de la bouillonnante communauté d’artistes basée à Pretoria. En décembre de la même année, IzangoMa est prêt à enregistrer ses expériences. Ils ont décampé pendant une semaine entière au KwaZulu-Natal, où le groupe mozambicain de Sibusile les a rejoints. Quelques membres supplémentaires sont arrivés et le collectif s’est transformé en un orchestre de quinze musiciens qui livrent l’impressionnant Ngo Ma, une hybridation cosmique d’harmonies, de chants spirituels et de sons électroniques subtilement mélangés. Une expérience qui déséquilibre les sens tout en gardant une insouciance rafraîchissante, pour un magnifique voyage musical.
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O Paraíso
Lucas Santtana
Neuvième album solo du Bahianais Lucas Santtana, O Paraíso nous conjure en dix chansons de modifier nos vies et nos manières de penser : le paradis, proclame-t-il, c’est ici. Le génie brésilien consistant à traiter des sujets graves avec une élégance joyeuse, ce disque se construit tout en douceur par des enregistrements de guitare acoustique, de percussions organiques et de cuivres, enrichis de textures jouées au synthétiseur. Forró, samba, bossa nova : O Paraíso croise les genres et se met au service d’une idée plus actuelle que jamais : c’est nous, humains, qui appartenons à la terre, et non l’inverse.
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Off The Grid
ONIPA
Le collectif afrofuturiste ghanéen-britannique ONIPA nous est revenu en 2023 avec Off The Grid. Les auditeurs attentifs ne seront pas déçus par ce deuxième album, qui réunit une nouvelle fois les ingrédients qui ont fait le succès du groupe : groove puissant, mélodies irrésistibles du chanteur K.O.G, ainsi qu’une plongée surprenante dans des sonorités plus brutes et plus électroniques (« Danger », « Fine Tho »). L’album a été conçu comme « un voyage qui relie l’histoire de l’origine des rythmes de danse d’Afrique à la musique de danse électronique des clubs et festivals d’aujourd’hui ». Parmi les collaborateurs figurent David Walters, Dele Sosimi, Moonchild Sanelly et Theon Cross.
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Ozoror
Meryl
Ozoror navigue entre trap et productions plus solaires d’inspiration shatta. Rien de surprenant, au fond, quand on sait que l’album a été produit en collaboration avec DJ Natoxie, producteur extrêmement reconnu notamment pour ses hits shatta. L’album est aussi une déclaration d’amour de Meryl à ses fans et son île, et celle qui rappait en 2020 « je veux pas mourir ici comme Johnny » réalise deux sons en créole « Lovestory » et « Dumb ».
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PANICO NO SUBMUNDO
DJ K
Submundo : « groupe de marginaux ou de délinquants considéré comme un groupe social organisé ». Le décor est ainsi posé pour PANICO NO SUBMUNDO, nouvel album de DJ K, jeune prodige des baile funk de São Paulo. Les pics stridents, les voix lugubres, les transitions toutes les 30 secondes et les basses à faire trembler les oreilles nous plongent directement dans l’univers fantasmagorique et le bazar organisé du baile d’Helipa. Car l’album vous plonge sans filtre dans le son explosif que diffusent de nos jours les murs d’enceintes des favelas.
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Quand on refuse on dit non
Awadi
Le « vieux père » du hip-hop sénégalais, membre du Positive Black Soul, signe un nouvel album solo, dix ans après le précédent. Son titre est une célèbre citation attribuée à Samory Touré, le farouche résistant à la colonisation française. On y retrouve, en français et en wolof, la verve de son flow, la précision et la franchise de ses vues mises au service d’un engagement comme on n’en fait plus tant. Et des featurings de qualité : Baaba Maal, PBS…ou celui de Kwame Nkrumah, en archive, qui rappelle la nécessité pour l’Afrique de s’unir sur une très belle reprise du standard « Il n’est jamais trop tard » que chantait autrefois le Bembeya Jazz de Guinée.
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Bombino
Sahel
Cinq ans après Deran, l’album culte du guitariste nigérien nominé aux Grammy Awards, Bombino revient avec Sahel, enregistré à Casablanca au Maroc. Alors que l’artiste est connu pour être l’ambassadeur du « blues touareg », on retrouve dans ce nouvel album de nombreuses hybridations avec d’autres styles, comme le reggae dans certaines rythmiques (« Si Chilan », « Ayo Nigla »), ou le rock dans l’électricité de certains morceaux (« Darfuq », « Tazidert »). Les thèmes des différentes chansons alternent entre messages politiques, comme l’appel à l’unité touarègue de « Aïtma », et vécu personnel, comme dans le morceau « Mes amis » et sa dédicace à l’auberge d’Azel à Agadez.
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Société Suspecte
Suspect 95
PAM vous avait plongé dans les coulisses du studio abidjanais où s’était enregistré « Société suspecte », la chanson qui a donné son titre à l’album d’une des étoiles montantes du rap ivoire (du « rap africain », corrige-t-il dans un de ses morceaux). Youssoupha – qui a élu domicile à Abidjan- en est l’invité, mais au-delà des featuring de choix, l’album rassemble les facettes d’un artiste qui sait parfaitement marier un flow et des textes percutants, et des couleurs musicales qui naviguent entre sons du terroir, choeurs zouglou, et prods hip-hop aux basses gonflées comme les biscotos des « syndicats » (du nom de la communauté de ses fans).
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Source of Denial
Nihiloxica
Fruit du télescopage réussi entre des percussionnistes ougandais du Nilotika Cultural Ensemble et deux jeunes producers de Leeds fans de Refused et d’Aphex Twin, le groupe polyrythmique Nihiloxica est en train d’épingler Kampala sur la carte des villes africaines qui bouillonnent fort. Sur Source of Denial, leur deuxième LP, le groupe brouille encore plus les lignes entre techno et tradition, fusionnant les tambours ngoma du royaume Buganda avec de lourdes sonorités de club pour imposer une atmosphère apocalyptique et dystopique. La démarche est bel et bien volontaire : l’album est en effet une réaction aux récentes politiques « d’immigration hostile » et de restriction aux libertés de circulation mises en œuvre au Royaume-Uni. « Nous voulions créer l’impression d’être dans l’interminable enfer bureaucratique d’une tentative de voyage vers un pays étranger qui se considère supérieur à celui d’où l’on vient. […] Cette arrogance est insupportable. […] Malgré de graves lacunes humanitaires, l’Ouganda accepte un nombre de réfugiés parmi les plus élevés au monde. Pendant ce temps, le Royaume-Uni essaie de les renvoyer au Rwanda. Tout est dit. » – Nihiloxica
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Superman
Kenny K-Shot
Figure historique du rap rwandais, Kenny K-Shot prend un nouveau tournant avec son album Superman. Sur ce projet, l’artiste explore un côté plus doux, s’ouvre à une forme d’afro-fusion et se penche davantage sur l’anglais. Une orientation qui a suscité des doutes parmi ses pairs, comme le rappeur nous l’a confié lors d’une récente interview, mais qui n’a pas déstabilisé celui qui nourrit désormais des ambitions mondiales. Un leader dans sa scène, Kenny réunit ici le chanteur rwandais Kivumbi King et la star du rap Logan Joe, et frappe fort sur la production jersey drill de « Low Key », en featuring avec la chanteuse rwandaise de néo-soul Nikita Heaven. Superman bouillonne d’un potentiel international dans une scène qui commence enfin à s’épanouir.
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Sweet Justice
Tkay Maidza
Après la trilogie Last Year Was Weird, la rappeuse zimbabwéenne-autralienne Tkay Maidza est de retour avec Sweet Justice, un tournant pour l’artiste qui s’est ici appuyée psychologiquement et musicalement sur Kaytranada, alchimiste hypnotique de deep house et de r&b. Pourtant, Tkay ne peut pas s’éloigner de son essence. « Wuacv » (« woke up and chose violence »), « Silent Assassin » (produit par Flume) et « Ring-a-Ling » renvoient tous à la rage qui poussait Tkay à « s’imaginer en super-héros » dans sa chambre d’enfant. L’album combine sans vergogne les éléments de pop ringarde, d’EDM avant-gardiste et de rap hardcore pour lesquels Tkay s’est fait connaître. L’artiste confiait récemment à PAM : « Je trouve ça amusant de s’appuyer sur la rage… c’est ma vocation et je peux le faire d’une manière sarcastique, et ça peut être cool, mais vous pouvez quand même vous éclater dessus ». Un bon résumé de l’album !
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Synthetic Hearts
Msaki x Tubatsi
En avril 2021, Msaki, Tubatsi Mpho Moloi (chanteur du groupe Urban Village) et le violoncelliste français Clément Petit s’installaient pour une semaine à Nirox, résidence artistique à une heure de route de Johannesbourg. Les trois musiciens ont travaillé pendant une semaine dans le froid lumineux de l’automne sud-africain. Le résultat ? Synthetic Hearts, projet de folk intime et alternative, témoignage poétique de la parenthèse belle et éphémère que les trois artistes ont partagée pendant ces jours froids et paisibles.
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Taa! Our Language May Be Dying but Our Voices Remain
Various Artists
Taa! Our language may be dying but Our Voices Remain (« Notre langue, le taa, est sans doute en train de se perdre mais nos voix demeurent ») est un sublime album, mais aussi bien plus que cela : un magnifique projet de sauvegarde d’un riche patrimoine culturel. Le producteur Ian Brennan s’est rendu au Botswana dans le cadre de la série Hidden Musics de Glitterbeat pour enregistrer des chansons en langue taa, qui posède 112 sons, ce qui en fait l’une des langues les plus riches du monde. Mais avec à peine 2500 locuteurs, elle est en voie de disparition. L’album est avant tout composé de chants chamaniques et de prières, des « mantras » répétés dans une atmosphère fantomatique. Ces répétitions sont porteuses d’une vision du monde complexe, véhiculée tant par les paroles que par les sonorités cliquetantes du taa. Accompagné de la douceur des kalimbas et de quelques notes percussives, cet album est un bijou musical mais aussi la trace importante d’une langue subtile qui mérite d’être sauvegardée.
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Tchêpoya des Tchêpos
Lesky Le Tchêpo
Lesky, nouveau venu du rap ivoirien, a pris d’assaut la scène locale. Avec sa voix colorée qui rappelle celle de certains trappeurs d’Atlanta, l’artiste est capable de mêler son flow aux rythmes trap, drill et parfois coupé-décalé (comme sur « Djakoum »). En adoptant une approche critique de la société ivoirienne sur « Y’a Pas Travail » ou sur « Tout est Loué », le rappeur sait user de son style moqueur et plein d’humour pour faire passer des messages forts.
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TEARS OF THE SUN
Teni
C’est une Teni différente que l’on a découverte lors de la sortie des premiers singles de TEARS OF THE SUN. En effet, la chanteuse nigériane a troqué son allure de fifille rigolote, qui avait fait son succès sur des morceaux comme « Case », pour un look beaucoup plus stylisé largement inspiré par la culture « alté » locale, et une artiste beaucoup plus confiante et jusqu’au boutiste dans sa proposition. Le succès du morceau « No Days Off » en témoigne, ainsi que l’énergie nouvelle que la chanteuse apporte sur « Ino » avec Made Kuti ou « Devil Dance » en featuring avec Odumodublvck. Tears of the sun est bel et bien un renouveau pour celle qui s’appelait encore « The Entertainer » il n’y a pas si longtemps, et qui semble désormais se concentrer plus sur la profondeur de sa musique que sur le divertissement.
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Tounga
Babsy Konaté
Le rappeur malien Baba “Babsy” Konaté est la figure de proue du « Gao Rap » un mélange de sons traditionnels, de guitares électriques de rythmes ragga et d’autotune. Tounga est la première sortie solo de Babsy, un hommage au kitsch des années 2000 avec des voix autotunées, des boucles de batterie, un clavier numérique et des packs de sample fruity loops. Ce qui n’empêche pas le projet de nager dans un océan d’influences : la takamba traditionnel du Nord Mali (utilisé par les Songhois mais aussi les Tamacheks), les bandes sons de films hausa du Nigéria, du hip-hop de Bamako et du ragga de Niamey. Avec ses collages hyper kitsch et son univers lofi, il serait facile de percevoir le projet comme une expérimentation SoundCloud mais la diversité des thématiques donne un brio certain à cette mixtape. De la ballade amoureuse au son spirituel, Babsy teste sans limite et crée un style nouveau qui lui appartient.
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Viral Wreckage
AUNTY RAYZOR
Après le succès populaire de « Kuku Corona », il ne restait plus qu’à transformer l’essai pour la rappeuse nigérienne Aunty Razor. Challenge remporté haut la main avec Viral Wreckage (« destruction virale »), qui comme son nom l’annonce, pousse l’énergie survoltée de l’artiste encore plus loin. Pour atteindre sa vision, Bisola Olugbenga de son vrai nom a réuni une équipe de choc, capable d’explorer les facettes les plus dynamiques de la sphère afro-club mondiale : le vétéran japonais Scotch Rolex, le producteur de funk carioca DJ Cris Fontedofunk, le chanteur et producteur nigérian Slimcase, ou encore Kabeaushé et sa future-pop kenyane. Le résultat, bien qu’expérimental et multiforme, reste cohérent, et c’est bien là la prouesse du projet : à aucun moment l’identité de la rappeuse de Lagos n’est déformée. Ses textes en yoruba et ses placements incendiaires restent aussi explosifs qu’à ses débuts, et s’accordent même des incursions nostalgiques réussies sur des morceaux comme « Fall Back » ou « You are not worthy of my love ».
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Work Hard
King Ayisoba
Albert Apoosore, alias King Ayisoba est l’un des pionniers du revival de la musique traditionnelle au Ghana. Il débute sa carrière de musicien au début des années 2000 et attire alors l’attention du grand public au Ghana et à l’international grâce à sa voix tranchante et ses performances live ponctuées par son instrument préféré, le kologo. Ayisoba a commencé l’enregistrement de ce nouveau projetau Pays-Bas, mais à son retour au Ghana, Covid oblige, il continue à chercher l’inspiration. Pour cet artiste qui a toujours cru aux bienfaits du travail, l’oisiveté imposé par la pandémie fut une découverte. Empêché de sortir, il a continué à travailler dur sur sa musique : d’où le titre de cet album, Work Hard, aux neuf titres solaires.
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Work Of Art
Asake
Après Mr Money With the Vibe, dernier album en date, Ahmed Ololade aka Asake poursuit son ascension avec Work Of Art. Un album en forme d’hommage à la vie qu’il exprime à travers ses paroles mais aussi dans la production qui est bordée d’harmonies gospel et ponctuée de touches d’orgues. Mais c’est aussi l’amapiano qui est à l’honneur : ses basses caractéristiques sont omniprésentes et Asake déclare son amour au genre sud-africain sur l’entêtant « Amapiano ». Le son afrofusion d’Asake est la rencontre entre l’afrobeats nigérian, le dancehall, le fuji et les synthés deep house. Asake parle d’amour et de sa relation au succès, dans un album solaire qui confirme tout son talent.
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Ya Mizolé
Les Mamans du Congo & Rrobin
Le projet des Mamans du Congo est né en 2018 à Brazzaville lorsque le label Jarring Effects, l’Institut français du Congo et la Coopérative de Mai ont organisé une rencontre entre cinq chanteuses congolaises et le producteur français Rrobin, avec l’idée de fusionner les musiques électroniques avec des berceuses ancestrales Kongo chantées en Lari. Après un premier album éponyme en 2020, le groupe se reforme pour Ya Mizolé. Mélangeant astucieusement les rythmes expérimentaux de Rrobin, influencés par le hip-hop et la house, et les paroles des Mamans, les différentes chansons explorent l’héritage et les contes congolais : « Mpemba », par exemple, parle des valeurs du royaume Kongo et nous rappelle à tous de ne pas oublier d’où nous venons. Cependant, loin d’être conservateur, l’album a une touche clairement afro-futuriste, portée par des rythmes électroniques et percussifs. « Sala Sala » est le coup de cœur de la rédaction.
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Yallah Beibe
MC Yallah
La rappeuse du labl Nyege Nyege frappe encore, et fort. Yallah Beibe, produit en collaboration avec Debmaster est la suite logique de Kubali, projet sorti en 2019, déjà réalisé en duo avec le beatmaker français. L’album, conçu à Kampala en compagnie du producteur japonais Scotch Rolex et du producteur congolais Chrisman, témoigne de la puissance expérimentale de MC Yallah, à l’aise dans les ambiances de musique industrielle qui la font flotter dans un univers cyber rap futuriste. Mais la MC ne s’enferme pas dans un style unique, elle nous prouve son éclectisme avec des sonorités plus dancehall comme sur « Big Bung », ou encore sur de la trap ou des morceaux taillés pour le club. Yallah laisse libre court à ce flow d’une rapidité tranchante auquel elle nous avait habitués tout en parvenant à nous surprendre. Une réussite pour un projet qui, certainement, restera.
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Zango
WITCH
Après 40 ans sans nouveaux projets, le groupe le plus rock de Zambie revient avec le vibrant Zango. L’album respire encore l’air de leur zamrock des années 70, ce genre purement zambien à la croisée du rock psychédélique, du funk et des rythmes traditionnels. WITCH – acronyme de We Intend To Cause Havoc – n’avait pas sorti de musique à l’exception d’une réédition de leur catalogue en 2012 par Nov Again Records. Leur musique n’a pas pris une ride : les sonorités garage-psych-rock de Zango sont ensorcelantes et le groupe en a fait une fête à laquelle il a invité des artistes de toutes les générations : des vétérans du zamrock comme Keith Kabwe d’Armanaz, et de nouveaux piliers musicaux comme Sampa the Great. Bienvenue dans cette fête du groove psychédélique !
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