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TIF :  « Quand t’es artiste en Afrique, c’est un sacrifice »
© Samir Le Baptou

TIF : « Quand t’es artiste en Afrique, c’est un sacrifice »

L’enfant d’Alger a sorti 1.6 le 10 mars. Un second projet de 10 titres où se mêlent rap, musique d’enjaillement et sonorités du Maghreb. Rencontre en banlieue parisienne, entre deux sessions de studio. A découvrir absolument au festival Yardland le 1er juillet prochain.

18:00, un mercredi de février. Nous sommes à quelques semaines de la sortie du nouvel EP de Tif, artiste révélé sur le morceau « 3inyia » (les yeux) en 2020. Le rendez-vous est donné dans les studios de Volta, structure qui l’accompagne sur la partie live. Tif arrive avec cinq minutes de retard, le bonjour rieur et l’esprit à mille à l’heure.

Originaire d’Algérie, Toufik de son vrai prénom est arrivé en France sept ans plutôt avec des rêves de rap. Il s’est essayé à différentes formes : le boom bap, la trap, les battles. Et s’est trouvé bien plus tard au rythme des titres qu’il a réunis dans un premier EP Houma Sweet Houma (quartier mon doux quartier) sorti en mai 2022 sur le label qu’il a fondé avec ses manageurs Adil et le rappeur/acteur Younès. La construction dans l’exil, la musique chargée de nostalgie… Tif  a posé ses émotions, bercé par la houle des vagues de son enfance.

Avec 1.6, son nouvel EP, le jeune mélomane rêve aujourd’hui de faire danser les foules. Un peu comme Stromae qui excelle avec ses histoires universelles. En attendant, il perfectionne son style aux côtés de son acolyte marocain Khalil, enfant de l’exil lui aussi. Au son des percussions et autres instruments qui rappellent le raï et les musiques populaires du Maghreb, Tif est concentré sur sa mission : sa musique doit être là pour le présenter. Ses mots, à lire ici, complètent le tableau.

S’il fallait donner un point de départ à ta musique, tu choisirais une ville ? Un morceau ? Une émotion ? 

Une émotion. 

Laquelle ? 

La nostalgie. Comme quand tu manges un bon sandwich de tomatich (Felfel b’ tomatich – poivrons à la tomates ) à la sortie d’une baignade un soir d’été sur le trajet-retour à la maison. Après j’essaie de ne pas tomber dans le trop plein qui raconte le mal du pays. Je ne veux pas que ça devienne un automatisme. Ça doit rester un sentiment qui s’exprime avec le cœur. Ça peut être dans les mélodies aussi, avec une petite basse raï des années 90. 

Je l’avais dit dans un son « en vrai, en Europe il y a un bon service marketing ». On te vend ça comme si tu allais arriver en terre bénie. Sauf qu’en réalité c’est un peu froid. Après, je suis en France depuis sept ans maintenant. On s’y fait.

Plus jeune, ce service marketing te faisait déjà rêver ?

Toute ma vie a été construite autour de « quand est-ce que je me barre ? » Avant d’arriver ici, je parlais déjà le français que je voyais dans les vidéos de freestyles. Je voulais vraiment venir en France et faire du rap. Quand t’es artiste en Afrique, c’est un sacrifice. On le voit par exemple avec le Maroc : c’est des talents énormes, c’est des millions de vues mais ils ne sont pas payés. C’est triste à dire mais le rêve que l’on te vend, il ne peut pas vraiment se réaliser chez toi. 

Sur ton premier EP, on retrouve notamment le morceau « Emoji DZ » qui rappelle l’ambiance des stades de foot…

Quand tu vas au stade au bled, tu sens que tu sors un truc. Les gens chantent à une seule voix comme si c’était soir de finale à chaque fois. Il y a une forme de délivrance. Quand je fais un son, je pense toujours à ça : à l’époque du collège et du lycée lorsque je tapais des mains sur la table pour guider le chant. 

Houma Sweet Houma c’est aussi le nom de ton label…

J’avais ce nom Houma Sweet Houma en tête avant même de rencontrer Adil et Younès (ses manageurs). Ça exprime ce sentiment de « home sweet home » (douceur du foyer) mais avec le mot « Houma » en arabe (pour quartier). C’est une fierté pour nous d’avoir monté notre propre structure début 2021 parce qu’on a toujours voulu être indépendants même si ce n’est pas facile tous les jours. Tu découvres que c’est une entreprise à gérer avec de l’administratif et du financier. 

As-tu des routines dans ton processus créatif ? 

C’est toujours à la maison pour l’enregistrement parce que je peux mettre 4 jours pour écrire un refrain. Ça me permet d’essayer des choses. Le morceau « Hinata » (référence au personnage du manga Naruto) par exemple, ça rappelle l’époque où je rappais sur des prods funk dans ma salle de bain. Tu testes des freestyles sous la douche et ça t’influence. C’est comme ça que la musique a évolué entre mon premier et mon deuxième EP aussi. 

Justement, depuis ton premier EP, comment penses-tu avoir évolué dans ta vision du métier ? 

Houma Sweet Houma, j’ai mis 22 ans à l’écrire. C’est une bonne carte de visite d’un point de vue musical avec des bases très acoustiques et des sonorités du pays. Là, avec la sortie du deuxième projet, je suis dans un moment où il y a beaucoup de choix à faire : choisir la bonne cover, le bon mix…les bonnes textures sonores. Il y a des doutes, et pas mal de questions aussi. 

Lesquelles ? 

Je m’interroge beaucoup à chaque nouveau morceau parce que j’ai le syndrôme de la maquette. Dès qu’un élément bouge sur un titre auquel je me suis habitué, j’ai du mal à le reconnaître. Il y a aussi cette sensation qui arrive parfois quand tu as trop écouté une chanson, tu n’arrives plus à savoir si les intentions sont les bonnes. Est-ce qu’il faut mettre les voix en avant ? Ou la prod ? C’est vraiment des questions purement artistiques en réalité. 

D’où vient le nom de ton second EP 1.6 ?

1.6 c’est pour cette version de Counter-Strike à laquelle on jouait plus jeune. On sortait des années noires mais il y avait encore le terrorisme. On allait au cyber. Ça contrastait avec la période je trouve. 

16 c’est aussi pour Alger, le département. J’hésitais entre ce nom et Cauchemar d’un exilé égoïste. Mais ça semblait plus nuancé. Ce que je souhaite avant tout que l’on retienne, c’est l’émotion de ce projet. Nous on veut bicrave (dealer, NDLR) des émotions, c’est ça le but. C’est pour ça que je ne fais pas trop de sons rappés. 

Tu penses à comment ta musique peut être entendue en Algérie ?

Je suis conscient qu’il y a pas mal de monde qui ne comprend pas ce que je dis en Algérie parce que je rappe en français et que j’utilise pas mal de verlan et d’argot mais je pense qu’avec un morceau comme Shadow Boxing on va toucher plus de monde. Il y a les drums qui rappellent le style reggada et cette rythmique très chants des stades ici encore.

Tu as invité le rappeur algérien Flenn aussi…

Oui, c’est le seul feat du projet. Enfin pas tout à fait parce que les sons que je fais avec des beatmakers ce sont des feats aussi. Quand je bosse avec Khalil (qui l’accompagne sur la plupart des titres, NDA) et que l’on passe 48 heures sur une prod, c’est un feat. Il y a les voix de Djam (musicien algérien samplé sur Demain c’est B3id) sur l’intro aussi. 

Mais pour revenir sur Flenn, c’est un pote. Il est super connu en Algérie. Et je suis fier de cette collaboration, ça va vraiment dans la direction que je veux prendre. 

Tu veux aller où ?

À l’international. On sait faire de la musique qui peut s’écouter partout. Le français c’est une belle langue mais ça ne veut pas dire que demain je ne vais pas faire des morceaux en arabe.

© Julien Kudic
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