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Didi B : “50 % de talent et 50 % de travail”
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Didi B : “50 % de talent et 50 % de travail

L’étoile du rap ivoire a brillé sur l’Elysée Montmartre. Aux lendemains de l’une des dates-clés de sa tournée, PAM a rencontré un Didi B riche de sagesse, de bonne humeur et d’une confiance en lui à toute épreuve.

Les talents de la Côte d’Ivoire brillent de mille feux, et le 4 février dernier, l’Elysée Montmartre complet brillait de mille flashes. Embarqué dans une longue tournée intercontinentale, le rappeur Didi B s’est arrêté à Paris pour un show explosif, ponctué d’hommages émouvants à son équipe, à ses parents, à son épouse et à ses débuts. Game-changer du rap en terre de coupé-décalé, Didi B a connu bien des carrières avant de devenir celui que l’on nomme désormais Shogün (le général).

Bénédiction, chance ou hasard, la musique a toujours été le fil d’Ariane du jeune Bassa Zéréhoué Diyilem. Né de parents artistes dans le fameux village Ki-Yi à Cocody, il est très tôt figurant dans un clip du grand Meiway, puis acteur dans une réalisation de Joseph Muganga, et même danseur à ses heures perdues. Au début des années 2010, son père fait réciter Jacques Brel aux membres de sa bande de potes rappeurs, trop fougueux pour réviser leurs classiques. Plus influencés par les sonorités venues du Dirty South et le rap français, les cinq rookies deviennent en peu de temps le groupe d’anthologie Kiff No Beat. Commence alors un long règne, ponctué d’albums, de tournées et de collaborations avec les plus grands tels que DJ Arafat

Aujourd’hui, Mojaveli s’est emparé du pouvoir. Engagé dans une carrière solo, des titres comme « Assinie » ont fait de lui le nouvel héritier du rap ivoire, et son album History (Mojotrône II) sorti en mai 2022 a légitimé son couronnement. À seulement 30 ans, il est à son apogée, et ce nouveau départ est celui des grandes ambitions : se produire à l’international et marquer l’histoire. Autour d’un café et sur un fond sonore Afrobeats, Didi B nous a confié ses plans de conquête mondiale. Interview.

Tu es en pleine tournée depuis la sortie de ton album, et tu jouais à l’Elysée Montmartre il y a quelques jours. Comment était le concert ? 

C’était la première fois. Donc forcément, c’était grandiose, extraordinaire, magnifique, tous les adjectifs que tu veux. C’est inoubliable pour moi, parce que mes supporters m’ont bien accueilli, pareil pour l’organisation, mon équipe … Tout était parfait. 

Du Palais de la Culture d’Abidjan en passant par la Guinée et les salles parisiennes, tu es reconnu pour ton sens du spectacle. Tu dis souvent que tu tiens ça de tes parents artistes, tout particulièrement de ta mère. Comment t’a-t-elle transmis ses savoirs ? 

C’est en regardant. Je regardais beaucoup ses spectacles avec sa compagnie de danse. J’étais là, je les suivais souvent dans leur tournée. J’accompagnais ma mère aux répétitions. J’ai aimé la manière dont ils travaillaient. Ils se fatiguaient plus dans les répétitions. Vraiment, ils faisaient des répétitions comme si c’était le jour du spectacle. On appelait ça des filages. Donc ils jouaient à chaque fois le filage, juste pour maîtriser une heure de spectacle. C’est resté dans ma tête. À chaque fois que je dois faire un spectacle, même si c’est un showcase, il faut que je trouve une manière d’entrer en scène et de repartir, et d’ambiancer le truc. Je ne cherche pas à juste m’arrêter pour chanter mon morceau, parce que je trouve que tout le monde fait ça. Il y a plein d’artistes qui font ça. Si je veux faire la différence entre mon show et celui des autres, je dois prendre tous mes shows au sérieux. C’est de mes parents que vient cette manière de penser.

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Combien de pourcents de ta réussite sont dus au travail, et combien au talent ?

Honnêtement, je pense que je suis à 50 % de talent et 50 % de travail. Je pense que je n’ai pas encore bien exploité mon talent. Exploiter tout son talent, ça demande moins de paresse. Je sais jouer des instruments, mais je ne suis pas focus dessus. Je sais faire de la scénographie, je ne suis pas encore focus dessus. Je sais danser, mais je danse doucement, en mode rappeur. 

Sur scène, tu as notamment interprété les titres de ton dernier album Mojotrône II, sorti il y a maintenant neuf mois. Quelles attentes avais-tu pour cet album avant sa sortie ? 

J’attendais vraiment que le public ivoirien reçoive bien l’album. Avec toute la promo qu’on a fait en tout cas, je voulais que la Côte d’Ivoire en parle. Parce que d’habitude, quand tu sors ton album, deux ou trois jours après, les gars ne parlent plus de l’album. Mais les Ivoiriens ont parlé de mon album pendant plus de trois mois. Et quand j’ai enchainé avec les concerts, le Palais de la Culture, ça s’est passé comme je voulais. Mais j’étais un peu stressé. En fait, c’était la première fois en solo. Là, c’est toi seul qui à chanté, c’est toi seul qui va savoir ce que ça fait si l’album est mal reçu. 

Tu parles de Mojotrône II comme de ton “premier album solo”. Pourtant, il y a dix ans, tu sortais un premier projet : Mojotrône, vol. 1. Quel regard portes-tu sur cet opus aujourd’hui ? 

C’est le plus apprécié des Mojotrône. Jusqu’à aujourd’hui les gars ne veulent rien savoir. Une bonne partie préfère Mojotrône II. Mais il y a une autre partie qui dit que depuis Mojotrône I, je n’ai pas encore réussi à me dépasser. Ça me plaît parce que ça veut dire qu’il y a encore du boulot et qu’il y a encore une longue série de Mojotrône à faire. C’est un peu comme Culture de Migos : j’ai un titre, j’ai une identité, côté album. Je pourrais faire d’autres albums à côté, mais quand je vais revenir avec Mojotrône III … ça c’est une hype qui m’intéresse. En tout cas, les supporters sur Internet ont beaucoup aimé Mojotrône I. C’est mon coup de cœur. Je n’ai même pas fait de promo, j’étais en groupe, donc c’était un kiff de faire une mixtape et de la mettre sur les plateformes.

À l’époque, tu t’inspirais beaucoup de Booba, de La Fouine, de Soprano. Aujourd’hui, où trouves-tu l’inspiration ?

Aujourd’hui, je m’inspire de ce que moi-même j’ai déjà fait avec mon groupe. La discographie de Kiff No Beat, c’est une histoire extraordinaire. On n’a même pas idée, mais il y a des titres sous-côtés de malade dans le répertoire de Kiff No Beat. Donc moi je m’inspire de mon groupe. Et côté créatif, je m’inspire beaucoup du style de promo de Stromae ou même Kendrick Lamar, Drake aussi. Mais en France, honnêtement c’est Booba. C’est pour ça que j’ai accepté de bosser avec 92i. C’est Booba, son style d’écriture, tout.

L’attention portée au style d’écriture et au storytelling se ressent dès l’introduction de ton projet, « La Conspiration ». Qui est la voix derrière la narration ? 

Il s’appelle Mike Danon. C’est un grand acteur de Côte d’Ivoire, il a fait plein de films. C’est un grand frère qui était l’élève de mon père. Donc je le voyais venir faire des chansons chez mon papa. Je lui ai fait appel. Il était chaud, et il a écrit comme je voulais. Je me suis inspiré de « Tallac » de Booba : moi, c’est Booba, Booba, Booba. J’aime beaucoup les personnages : Booba, Arafat, … Charismatiques, obligé. Mike Danon était magnifique sur ce coup là. Il a fait le taf. 

Il y a trois invités sur ton projet : SDM du label 92i, Black K de Kiff No Beat et la chanteuse Josey. Tu es très demandé aujourd’hui, pourtant un marché semble toujours difficile à percer, celui de l’Afrique anglophone. Comment l’expliques-tu ? 

Je pense que je n’ai pas encore fait le pas. C’est dans mon programme. Là, je cherche à percer le mystère de cette zone. Je ne suis pas en train de négliger le côté francophone, mais je trouve qu’on a beaucoup à apprendre de là-bas. C’est important pour moi de me faire entendre par le monde entier, et il faut que je passe par là : faire des collaborations, traîner avec eux, tout faire pour être dans l’écurie, essayer de faire des tournées médias, des lives, … Se faire voir, c’est important. Et ce qui est difficile pour un artiste, c’est quand tu as déjà une bonne position dans ta zone. Parce que quand tu arrives là-bas, tu es un peu comme un rookie. On ne te connait pas, tu es obligé de travailler, et moi j’appelle ça l’humilité musicale. Moi en Afrique, en vérité, je suis le boss. Pas pour ma carrière solo : je suis le boss de par Kiff No Beat. Mais quand on n’est pas connu en France ou en Angleterre par exemple, on revient travailler pour reconstruire.

Lorsqu’on écoute des titres comme « Assinie » , on sent une approche de la mélodie assez similaire à ce que font des Nigérians comme Wizkid sur Made In Lagos. La connexion paraît toute trouvée.  

Ce qui me fait mal aujourd’hui, c’est que mon groupe a été mal géré, parce qu’on était parti pour aller le plus loin possible en tant que groupe francophone. Parce que Wizkid, tout ça, on les avait dans la poche. On était sur un concert en Guinée avec Wizkid. On devait jouer juste avant lui et son manager a demandé à nous voir. On a fait deux sons ensemble et ils nous ont relancé. Mais le seul feat qu’on a fait concrètement, c’est celui avec Burna Boy qui est sur les plateformes. On a un feat avec Tiwa qui n’est jamais sorti. Eux nous ont respecté, mais on n’a pas été vifs à chaque fois.

On avait des histoires de label, il y avait un manque d’ambition aussi. Il y avait plein de problèmes qui ont fait que le groupe a sombré un peu dans une période où on ne savait pas trop ce qu’on faisait. Mais sinon, ce que je suis en train d’essayer de faire là, Kiff No Beat était déjà très loin par rapport à ça.

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Tes réponses et les titres de ton projet laissent entrevoir une prise en maturité et en sagesse. Après plus de dix ans de carrière, quel premier bilan peux-tu dresser ? 

Franchement, le premier bilan, c’est que ma carrière a été remplie de problèmes, mais je m’en sors bien et je suis resté passionné. Lorsque j’ai viré à gauche, à droite, dans certains problèmes que vous ne pouvez même pas imaginer, je suis resté accroché à ma musique. Donc le premier bilan est positif. Là, je sais où je ne dois pas mettre les pieds ou remettre les pieds, et c’est un très beau départ pour moi de commencer comme ça, par un album et une tournée. Il va falloir que je reste plus concentré vue l’expérience que j’ai eue avec mon groupe. Il faut que je sois très bon pour me maintenir pendant longtemps.

Qui doit-on surveiller avec attention sur la nouvelle scène rap ivoire ? 

Surveillez Trippa [Gninnin], mais on ne peut même plus le surveiller, c’est fini. Après, il y a une belle pépite en train de monter. Elle s’appelle Marla. Les Ivoiriens la connaissent. On espère qu’elle va tenir bon. Surveillez aussi les petits du « Maïmouna ». C’est ceux qui ont fait le « mouvement des enfants ». Ils n’ont que 18 ans, 17 ans, et ils ont retourné toute la Côte d’Ivoire. Donc eux, ils sont à encadrer, même pas à surveiller. On va les encadrer pour qu’ils fassent une belle carrière.

Sur ton titre « History », on peut entendre la voix du grand Cheikh Anta Diop, dire qu’un jour « l’Afrique apportera quelque chose à l’humanité ». Qu’est-ce que Didi B va apporter à l’humanité ? 

Moi, je veux apporter l’image de l’Africain moderne, de l’Africain frais. « Wakanda », tout ça, on l’a trop fait. On arrive dans une zone, et on doit mettre un pagne pour qu’on reconnaisse qu’on est africains. Moi-même, je viens de ça. Je viens d’un village qui est un centre panafricain culturel de formation d’artistes africains. Ils ont fait des tournées dans le monde en jouant les Africains. 

Moi j’estime qu’on est dans une compétition internationale. Tout le monde vient avec sa culture, c’est vrai, mais il faut réussir à rendre notre culture encore plus belle. Sans être caricaturaux, à montrer qu’on est africains. On peut modeler ça encore plus. Wizkid, Burna le font très bien. Au début, Wizkid a sorti un album où il était en pagne. Ça n’a pas eu l’effet escompté. Aujourd’hui, il s’assume en tant qu’africain frais. Il fait des clips en Afrique, il montre que chez lui c’est beau. Je pense que c’est de ce côté qu’on doit aller. Nos parents ont déjà chanté l’Afrique comme ça. Nous on doit le faire de manière moderne.

Écoutez History (Mojotrône II), toujours disponible via 92i Africa.

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