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Acid Arab : Chicago - Alger sans escales
Crédit photo : Marie Flament Lores

Acid Arab : Chicago ‑ Alger sans escales

Le collectif qui s’est construit sur la passion des musiques maghrébines, de la house et de la techno vient de faire paraître son troisième album et prépare un concert de soutien aux victimes du tremblement de terre en Syrie et en Turquie. PAM les a rencontrés.

Tout a commencé bien avant le succès international de DJ Snake ou que le raï ne soit reconnu comme patrimoine de l’humanité par l’Unesco. A l’aube des années 2010, dans la fièvre de nuits sans tambours ni trompettes, sans frontières ni limites, sans format ni dictat de bpm politiquement correct, un collectif a commencé à dynamiter les musiques de France avec un point de vue résolument oriental ou plutôt avec un horizon arabe décalé, fondamentalement ancré dans le dancefloor. Après des nuits torrides, des soirées transpirantes et des concerts dessinés avec l’illustratrice libanaise Raphaelle Macaron, ces fans de remix et de Cheikha Rimitti ont fini par devenir Acid Arab !

Leur premier album, paru en 2016, avait un titre aussi provocateur que le nom du groupe : Musiques de France. Désormais stabilisé autour d’Hervé Carvalho, Guido Minisky, Pierrot Casanova, Nicolas Borne ainsi que du claviériste Kenzi Bourras, qui officiait longtemps pour feu Rachid Taha, le collectif Acid Arab n’en finit pas de retourner les scènes du monde entier, devant des public de mamies, de jeunes qui aiment le groove et de fans de galaxies orientales au sens large, venus se déhancher et se lâcher sur des bangers imparables et hypnotiques, sans perdre de vu les rivages chaouis, les influences raï ou le rock psychédélique turc, ni les racines deep house de Détroit ou de Chicago qui ont influencé le groupe. Bref, Acid Arab avance de la marge au do it yourself en passant par les grosses scènes internationales, sans réappropriation culturelle, et sans trahir l’esprit d’urgence du raï ou des premières heures de la techno, mais plutôt en inventant une posture unique, et un son neuf ( “Jdid”, qui veut dire “neuf” était d’ailleurs le titre de leur avant-dernier album).

Leurs trois albums témoignent de l’évolution de ce collectif réjouissant qui transfigure gasba (flûte bédouine) algérienne ,transe anatolienne, dabkeh (danse levantine) synthétique ou raï bionique en pépites de dancefloors transgénérationelles… Sur leur troisième et dernier album, ٣, qui  veut dire “trois” en arabe, les musiciens mutiques d’ Acid Arab ont invité huit voix : huit chanteurs et chanteuses (Wael Alkak, Cem Yıldız, Ghizlane Melih, Khnafer Lazhar, Sofiane Saïdi, Fella Soltana, Cheb Halim et la voix posthume de Rachid Taha)? PAM a rencontré Hervé Carvalho et Pierrot Casanova, tous deux à l’origine d’Acid Arab.

Quelle a été votre première porte d’entrée vers les sons algériens ?

Hervé : Comme la plupart des Français qui ont grandi dans les années 80, j’ai écouté du raï commercial à la radio. J’ai grandi dans le sud de la France, donc j’ai été en contact avec tout un tas de sons venant d’Algérie par mes copains et leurs parents, mais Cheikha Rimitti a été une grande claque dans ma vie musicale ! J’étais assez jeune. Je devais avoir une vingtaine d’années à l’époque. En fait, c’est un de mes professeurs qui me l’a fait connaître pendant une séance d’écoute qu’il organisait régulièrement. On se mettait dans le noir et on écoutait de la musique, c’est probablement le meilleur souvenir de toute ma scolarité ! Et en écoutant Rimitti, j’ai eu un choc !

C’était tellement différent du raï populaire qu’on entendait à la radio. C’était vraiment très brut, très intense, très profond. Et là j’ai découvert que Rimitti c’était l’arbre qui cachait la forêt de sons incroyables que j’allais découvrir par la suite. Je ne comprenais évidemment pas les paroles parce que je ne parlais pas arabe. Mais je sentais la force de ce que Rimitti  disait, la puissance des rythmes au Guellal (tambour typique de l’Oranais), un rythme spécifique qui vient des chants de femmes algériennes, les Medahates. Ensuite, j’ai approfondi mes connaissances, j’ai fouillé, j’ai cherché plus loin, et tous ces sons sont devenus une source d’inspiration pour le projet Acid Arab.

Pierrot : Rimitti c’est vraiment hypnotique, c’est vraiment ce qui nous a plu à tous. Comme nous écoutions de la musique techno, de la jungle, de la house, Rimitti ça nous parlait vraiment !

Hervé : Et dans l’esprit raï des débuts, il y a cette urgence de la musique que l’on retrouve aussi dans les clubs house de Chicago ou de Détroit : on fait un morceau dans la journée avec les moyens du bord pour le jouer le soir en club devant un public. C’est la musique et le public qui sont au cœur de tout notre esprit.

(c) Philippe Levy Lores

Vous avez d’ailleurs rendu hommage à la grande diva rebelle algérienne du raï dans « Rimitti Dor », avec Sofiane Saïdi, sur votre album précédent ?

Hervé : Oui les influences de Rimitti restent très palpables dans notre musique, même si notre son est bien différent.  Sur ce titre, on avait envie de partir des rythmes traditionnels des cercles de femmes, les Medehates, dans lesquels Rimitti a commencé sa carrière.

On est partir de ce beat qu’on a fait écouter au chanteur Sofiane Saïdi, qui collabore avec nous depuis nos débuts avec le titre La Hafla. Ca lui a plu, et il a écrit des paroles sur la table du studio, très vite, comme la plupart des chanteurs de raï. C’est plus de la poésie de l’urgence que de la littérature. Et cette chanson raconte l’histoire d’un type qui se fait arrêter par la police, et pendant ce temps dans sa voiture Cheika Rimitti passe à la radio… Il l’entend chanter pendant cette aventure.

Sur votre dernier album « Trois », vous avez invité nouveau Sofiane Saïdi, mais aussi d’autres chanteurs, puisque vous êtes plutôt DJ , musiciens et producteurs…

Pierrot : Oui, on invite des voix sur nos albums. Notre but dans tout ça c’est d’enrichir ce que l’on fait, de participer à ce mélange que l’on défend. On a des invités récurrents, comme Sofiane Saïdi, qui font partie de la famille Acid Arab maintenant, et c’est un plaisir de travailler avec lui, et puis on invite aussi de nouvelles voix, au gré de nos envies et de nos rencontres -, et aussi grâce à Kanzi, notre clavier qui connaît beaucoup, beaucoup d’artistes, on a la chance de découvrir des artistes incroyables ! C’est très émouvant !

Hervé : Il n’y a pas de stratégie, tout se fait au feeling. Au début, on commence une ébauche de morceau, et puis souvent Kenzi vient nous voir et nous dit :  «ah je connais quelqu’un qui pourrait aller sur ce morceau » ou inversement, il nous fait écouter une voix et on compose pour cet artiste grâce à la Kenzi Connection de Paris, d’Algérie et d’ailleurs ! On a même invité un joueur de Gasba de Constantine car on n’en trouvait pas à Paris. On a fait une session en visio et puis c’était parti ! On se faisait des visios pour peaufiner, mais c’est allé très vite, c’était génial ! C’est pour ça qu’on n’utilise pas de samples, on travaille uniquement avec des musiciens, car on marche au feeling.

Et aller enregistrer en Algérie ce serait possible pour vous ?

Pierrot : L’Algérie, c’est un peu la terre promise pour notre groupe. On a envie d’y aller, mais c’est un peu compliqué pour l’instant.  Mais on s’accroche, on ira jouer là-bas un jour ! On ne désespère pas !

En attendant, vous faites voyager ces musiques au-delà des frontières communautaires ?

Hervé : On essaie à notre petite échelle de diffuser ces sons et cet esprit. Après, on n’est pas des porte-drapeaux. On fait ce qu’on aime avec ce qu’on a ! Cette fusion, même si c’est un mot un peu bizarre, et un peu galvaudé, mais en tous cas ce mélange nous permet en effet de toucher un public très large, à la fois très jeune, moins jeune, et de partout dans le monde, et ça c’est très gratifiant pour nous. C’est ça notre engagement ! Il y a quelque chose de beau et d’émouvant dans cette transe collective. Un jour à Marseille un spectateur m’a dit : « vous Acid Arab vous êtes Marseille, vous êtes ce mélange », et ça m’a beaucoup touché. Si les gens se retrouvent et retrouvent leurs racines dans notre musique, c’est fabuleux !

Le 28 mars prochain Acid Arab produit un grand concert avec invités en soutien aux victimes du tremblement de terre du 6 février en Turquie et en Syrie. Le dabkeh syrien a été une source d’inspiration importante pour Acid Arab, qui a aussi collaboré avec l’artiste syrien Rizan Said sur leur premier album.

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