Les 20, 21 et 22 octobre 2018 s’est tenu au Moods, à Zurich, le premier marché international live et digital pour musiciens auto-entrepreneurs.
Organisé par le musicien Blick Bassy et la journaliste Elisabeth Stoudmann, Show-Me est une plateforme internationale pour musiciens auto-entrepreneurs. Sélectionnés par un jury composé de programmateurs de festivals, onze artistes préalablement sélectionnés via un concours ouvert du 1er avril au 25 mai 2018 présentaient des showcases devant un parterre de professionnels ouvert au public. De retour de Zurich, on vous fait découvrir 4 artistes et groupes qui nous ont marqués.
Robin Thirdfloor (Durban, SA)
Pourquoi ce nom, Robin Thirdfloor ?
Robin vient de Robin Hood. J’aime beaucoup le concept de Robin Hood, pas simplement la légende qui dit qu’il vole les riches pour donner aux pauvres, mais plus le fait qu’il rassemble des personnes pour défendre une cause. Et Thirdfloor c’est parce que c’est mon troisième nom que j’utilise en tant que rappeur.
Il y a une scène très active à Joburg avec beaucoup d’événements et de structures pour les artistes, comment ça se passe à Durban ?
Pour moi, être à Durban est une opportunité incroyable. Durban a tellement de potentiel. Je pense qu’il y a tellement de choses que je peux faire ici pour la ville. Mon objectif est de rassembler au travers de projets et d’inviter les gens à partager cette même passion. Tout ce que je fais maintenant concerne les jeunes. On essaye de créer des plateformes et des opportunités pour la nouvelle génération, de créer des structures. Ce n’est pas juste à propos de moi, tu sais… L’idée est de montrer aux jeunes qu’on peut mettre en place quelque de durable ici à Durban. Il y a tellement de gens qui quittent Durban pour aller à Joburg avec l’espoir d’avoir de meilleures opportunités là-bas. C’est pas si facile que ça tu sais. Je pense que le moment est venu pour nous de créer une industrie musicale à Durban. Nous le faisons maintenant, nous organisons nos propres événements et, fondamentalement, nous essayons de créer une industrie ici structurée par et pour les artistes. Pour moi, ce n’est pas une fin en soi de voyager, ce qu’il faut arriver à faire c’est aller là-bas, s’inspirer et ramener ici pour aider le développement culturel et artistique ici.
Quels sont les thèmes que tu abordes dans tes chansons ?
J’ai mon propre mouvement que j’ai nommé Bhotela Republic. C’est aussi le nom de mon dernier EP. A travers Bhotela Republic, nous essayons de promouvoir l’unité et la paix. Nous voulons que les choses changent dans ce monde. On voit bien qu’on a tous besoin de ça. Quoi que vous fassiez, vous pouvez contribuer à faire de bonnes actions. Nous avons besoin que les gens se rendent compte qu’ils sont capables de faire bouger les choses, il faut avoir confiance en soi. Bhotela Republic c’est ça, Ma musique c’est aussi ça.
Si tu avais le choix, avec qui aimerais-tu collaborer ?
Il y a un gars nommé Raury, j’ai l’impression de partager la même vision, les mêmes vibrations et les mêmes valeurs. Du moins sa musique son art me donne cette impression. Je ne sais pas si nous pourrions collaborer sur une chanson, mais je pense que nous pourrions être de très bons amis. Il y aurait Tyler, the Creator bien sûr, c’est un artiste tellement talentueux. Je dirais Jaden Smith aussi, il est tellement cool. Mais j’aimerais aussi collaborer avec des Sud-Africains comme Spoek Mathambo que j’apprécie vraiment et le duo génial Darkie Fiction.
Eliasse (Bordeaux, FR)
Peux-tu nous dire comment tu t’es mis à la musique ?
J’ai commencé très tard a me mettre à jouer de la musique pour en faire quelque chose de « concret ». J’ai toujours écouté de la musique, mes parents m’offraient tous les ans des instruments de musique, c’était juste comme ça pour que je joue. Ce n’est qu’en 1999, alors que j’allais avoir 21 ans, je passais mon bac à cette époque, j’ai commencé à avoir de envie d’apprendre la guitare avec un pote. On a enchaîné des petits concerts, je jouais aussi de la percussion en plus de la guitare. Et après le bac, lors d’un concert de quartier on a été repéré par un artiste qui s’appelle Maalesh, un Comorien qui avait reçu le prix Découvertes RFI en 1995. Il m’a proposé de l’accompagner sur sa tournée. L’aventure a duré pendant 6 ans avec Maalesh.
En 2005, je suis parti des Comores indépendantes pour aller vivre à Mayotte et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à travailler sur mon projet solo. J’ai sorti un album en 2008, Marahaba qui veut dire « merci ». Cet album m’ a permis de jouer dans l’océan Indien mais aussi en France. Ca fait maintenant 10 ans, d’une certaine manière cette période m’a servi à prendre le temps. Aujourd’hui, je me sens vraiment prêt, l’envie est là et les idées aussi.
Il y a un riche patrimoine musical dans l’Océan indien. Quelles sont les musiques qui t’inspirent le plus ?
Par exemple sur scène je joue au Kayamb (instrument idiophone utilisé dans le maloya), aux Comores on le joue de manière circulaire, moi je le joue à la manière maloya de gauche à droite. Je m’inspire beaucoup du maloya, c’est une musique que j’écoute beaucoup qui a de l’influence dans ma musique. Dans cette recherche de la culture comorienne, il y a les rythmes certes, mais je puise aussi dans les chansons traditionnelles que je détourne ou adapte en fonction du sujet ou thème que j’aborde. Mais je garde souvent la même mélodie traditionnelle pour que, d’une certaine manière, le Comorien qui écoute reconnaisse la mélodie. J’adore les langues donc dans une chanson je mélange les dialectes comoriens.
Tu sais, ma mère vient d’Anjouan, mon père de la Grande Comores et j’ai vécu 3 ans à Mayotte. Je peux aussi chanter en swahili en anglais et même en français. Pour moi, mélanger, métisser les influences les cultures c’est ma base. A travers ce mélange j’essaye d’unifier et de réunir.
Est-ce que le sujet des expulsions des Comoriens de Mayotte figure parmi les sujets que tu abordes ?
C’est un sujet central dans ma musique. D’ailleurs je joue une chanson qui est à la base une chanson traditionnelle « Shaya Bere », Shaya signifie le doigt, Béré la bague. Quand on dit le doigt, la bague il y a une histoire de mariage. J’ai repris le refrain de cette vieille chanson pour l’adapter à l’histoire de Mayotte et les autres îles (des Comores) en disant : » il n’y a qu’une histoire politique qui nous sépare aujourd’hui. On peut toujours changer de nationalité mais jamais ces origines ». Je ne suis pas pour ni contre, ce n’est pas ça qui m’importe. Le plus dangereux c’est le lien social entre les populations. Il y a une politique de haine qui s’est installé dans les deux camps, c’est ce qui a attisé les débordements récents … Ca peut devenir très grave cette haine entre les Mahorais et les Comoriens. Comment allons-nous faire si Mayotte revient aux Comores alors qu’on installe une haine de l’autre. C’est pas logique d’avoir ce discours de haine, c’est contradictoire. Essayons d’abord de réouvrir le dialogue avant tout, d’avoir des bonnes relations. C’est mon avis …
Un proverbe comorien qui t’a marqué, pour conclure ?
Il y a une chanson que j’ai repris qui dit : » je ne voyagerais plus, je ne voyagerais plus, parce que le travail du blanc est trop dur. » J’ai repris ce même refrain en le transformant, ça dit : « moi je voyagerais, moi je voyagerais parce que la richesse c’est de connaître l’autre. »
Les Soeurs Hié (Bordeaux, FR)
Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Melissa Hié : On vient de bordeaux et nos parents sont originaires de Burkina Faso. Notre père est musicien il joue du djembe et le balafon. Depuis toutes petites on a toujours été curieuses et intéressées par les sonorités du balafon. C’est notre père qui nous a appris à jouer. C’était pour lui aussi une manière de nous transmettre sa culture au travers de la musique.
Ophélie Hié : Avec nos frères, on a tous été élevé à la même enseigne, 2 heures de balafon et de percus par jour en parallèle de nos études. Depuis, on a toujours joué. On avait un groupe avec notre père avec lequel on faisait des concerts. On a commencé comme ça, et ensuite on a joué dans des formations annexes en plus du groupe familial.
Mélissa : Maintenant que nous sommes tout récemment diplômées (Mélissa est avocate et Ophélie fait de la couture), on a décidé de consacrer plus de temps à nos projets musicaux, d’aller plus loin dans notre démarche et de se consacrer pleinement à la musique en se professionnalisant. On a donc décidé de créer le projet Les Soeurs Hié et ont suivi d’autres projets annexes.
Quels sont les thèmes que vous abordez dans vos chansons ?
Mélissa : On aborde plusieurs thèmes mais un thème majeur c’est la femme, la femme en général notamment sur un titre « Fama ». Ce titre c’est une éloge aux femmes, la Femme dans toute sa splendeur. On parle aussi du fait d’avoir confiance en soi, de croire en ses rêves et de ne pas trop se faire influencer par ce que les gens peuvent penser.
Ophélie : On aborde aussi le thème de l’amour, d’espoir, d’hommage à l’Afrique et plus précisément au Burkina Faso. Le premier titre qu’on a joué, c’est un morceau qui remercie les ancêtres.
A quel moment avez-vous décidé de vous concentrer pleinement à votre carrière musical ?
Mélissa : A la fin de mes études, j’avais deux choix possibles, soit j’allais chercher du boulot, soit je me laissais le temps pour la musique. Et puis on a eu le chance de collaborer avec l’artiste Broken Back sur une date à l’Olympia l’année dernière. Ce fût une révélation pour nous. Cette sensation de jouer devant un public est tellement agréable et enrichissante. On s’est dit, il faut qu’on essaye de faire quelque chose.
Comment on s’en sort quand on fait tout tout seul (DIY) ?
On se concentre sur les priorités. La musique bien sûr mais aussi on essaye de se structurer, notamment avec un entourage professionnel. On a tous besoin de s’entourer de partenaires avec chacun des compétences bien spécifiques (tourneurs, éditeurs, managers, etc.).
Et la suite ?
On sera au festival Africolor. On jouera deux fois, un concert avec notre frère aux percussions et aux pads et nous toutes les deux. On a une autre formation « Hié Electro » avec deux autres musiciens. On enregistre des nouveaux titres en Novembre et on espère sortir l’EP en Janvier prochain.
Ariel Ariel (Paris, FR)
Peux-tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Ariel, je suis né à Fort-de-France, j’ai grandi à Bordeaux et je suis tout fraichement parisien depuis quelques mois. J’ai commencé à faire de la musique très jeune, c’est mon père qui m’a mis à la musique. Je suis allé au conservatoire et j’ai ensuite arrêté pendant plus de 5 ans. J’ai repris la musique il y a quelques années, par la composition et la production.
Pourquoi ce nom Ariel deux fois ?
Il n’y a pas vraiment de raison, c’est arrivé comme ça. Un label indépendant m’ a contacté parce qu’ils voulaient sortir un de mes titres. Au début je leur ai dit que je ne voulais pas et qu’en plus je n’avais pas de nom d’artiste. Ils m’ont mis la pression pour le sortir, je leur ai dit mettez deux fois Ariel et on verra par la suite pour changer. Et puis en fait, une fois le titre sorti je trouvais ça plutôt bien, et aujourd’hui ça me va bien je suis content avec ce nom.
Que racontes-tu dans ta musique ?
La musique pour moi aujourd’hui c’est l’occasion de puiser dans mon histoire, mes souvenirs et mon enfance. C’est la raison pour laquelle je chante en créole. C’est une manière d’aller à la recherche de qui je suis. Je parle pas uniquement de mes origines c’est plus un travail d’introspection. C’est ce que j’ai envie de faire pour le moment. Je fais des recherches j’apprends sur mon histoire au travers de la musique. Je travaille à chercher qui je suis et je le propose au travers de ma musique.
Peux-tu nous expliquer ton parcours et ta démarche dans la production de ta musique ?
J’ai eu plusieurs groupes avec qui je faisais de la musique, maintenant je suis plus dans une démarche de monter un projet solo mais je continue de collaborer avec différents artistes en fonction des rencontres que je fais. Malgré le fait d’avoir fait le conservatoire, je suis un peu autodidacte parce ce que j’ai appris ne m’a pas vraiment aidé dans ce que je fais aujourd’hui. C’est même l’inverse le conservatoire m’a donné des mauvaises habitudes. C’est très difficile de s’en séparer de ces habitudes mentales et d’exécutions. Je suis dans une démarche de dé-construction de ce que j’ai appris. Je suis très curieux des nouvelles manières de travailler, des logiciels virtuels (VST) et des techniques modernes de composition. Ces nouvelles techniques m’ont amené à travailler sur de la musique à l’image, sur des films et publicité mais aussi pour le théâtre. Je touche à plein de choses différentes et toujours de façon très autodidactes. je suis avec mon ordinateur, un clavier et 3 logiciels, c’est de la débrouille j’essaye de faire sonner l’ensemble avec trois fois rien.
Tu composes ta musique en DIY, et pour développer ton projet tu travailles avec du monde ?
Après la sortie de mon premier disque, j’ai eu de nombreuses propositions de managers, tourneurs, éditeurs que j’ai refusé. Je me vois un peu comme mon propre petit label, j’embauche des attachés de presse, des graphistes et des vidéastes. En parallèle, je joue avec d’autres groupes qui me permettent d’avoir mon intermittence. Je m’auto-finance et je peux me produire assez facilement vu que je suis tout seul sur scène. Pour le moment je m’en sors plutôt bien. J’envisage de trouver des partenaires pour essayer de me développer aussi à l’étranger. Avec des initiatives comme Show-Me c’est l’occasion de rencontrer des programmateurs du monde entier.
Et la suite ?
Continuer de rencontrer du monde, d’échanger et de multiplier les collaborations, pour des groupes mais aussi pour mon projet. Par exemple, mon prochain disque je le co-produis avec un artiste brésilien et on travaille avec un ami batteur qui vit aussi à Paris. On se partage des sessions de travail on échange et on avance malgré la distance. C’est une chance aujourd’hui de pouvoir faire ça. En parallèle je continue de jouer en tant que musicien. C’est tout récent mais je viens de signer pour faire la tournée d’Angèle … c’est une grosse tournée qui risque je pense de décaler la date de sortie de mon prochain EP.
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