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The Pan African Music Magazine
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Daara J : les ambassadeurs du hip‑hop africain

Le groupe sénégalais Daara J Family, ambassadeur international du hip-hop africain depuis près de 20 ans, marque son retour en 2018 en faisant une tournée européenne jusqu’à la fin de l’été tout en préparant un nouvel album pour la fin de l’année. Rencontre en toute humilité avec Ndongo D et Faada Freddy, deux hommes au grand cœur, engagés autant dans la musique que dans les causes humanitaires…


Vous êtes en tournée européenne depuis le mois de mars et jusqu’à la fin de l’été, avant même la sortie de votre nouvel album. Pourquoi ce choix de stratégie inversée ? La scène est si importante pour vous ?

Ndongo D : Oui, la scène c’est toujours important et je crois que ça doit être le pôle de la création même de ce que nous faisons. C’est-à-dire que l’on a déjà entamé les enregistrements et le travail en studio, mais on n’a jamais laissé de côté la scène. Et ça nous permet aussi de trouver le juste milieu entre ce que l’on fait en studio et ce que l’on doit présenter au public. C’est une manière aussi de tester les nouvelles chansons.

Faada Freddy : Oui, c’est même une stratégie plutôt de création parce que pour nous c’est une manière efficace de créer les morceaux, de les sonder auprès du public, c’est-à-dire que quand tu es en création et que tu les joues sur scène tu peux voir en direct les réactions du public, ce qu’il y a à améliorer… Parfois on joue des morceaux qui ne sont pas encore des produits finis et on les joue parce qu’au fur et à mesure les morceaux se construisent. Chaque fois que l’on sort un album et que l’on joue en live, on se rend compte que les morceaux évoluent. Donc dans ce cas-là autant commencer par cette évolution avec une tournée et finalement faire les enregistrements définitifs en studio.


Au fait que signifie « Daara J » ?

ND : En Wolof quand on dit Daara J ça veut dire « cette école-là ». Pour nous c’est plutôt un concept pour dire « l’école de la vie » car il y a plusieurs écoles : la traditionnelle, l’occidentale, de la rue, de la maison. Et nous on est un peu la synthèse de toutes ces écoles — là… Ce qui nous amené à prendre le concept de « Daara J ».


Et pourquoi être passé de « Daara J » à « Daara J Family » ?

ND : Il y a eu une transition entre les années 2005-2006 jusqu’en 2008 qui nous a permis de faire évoluer le concept de Daara. Comme je le disais tout à l’heure quand on dit l’école c’est aussi l’école de la famille donc on a plutôt fait évoluer le concept en disant Daara J Family. Mais aussi le groupe était composé de trois membres, mais finalement on s’est recadré à 2 membres et aussi à cause du travail sur scène avec plusieurs musiciens ; parce qu’avant ce que l’on faisait était très électronique, en mode DJ qui lance le son sur lequel on chantait. Là il y a plus d’instruments, même si on utilise toujours cette base musicale.

FF : Même si on utilise toujours en composant une base électronique. Il y a de plus en plus une marque instrumentale avec des musiciens, dont nous même ! Moi je joue de quelques instruments : la guitare électrique, acoustique, n’goni, basse, batterie, piano.

ND : Moi il m’arrive de temps en temps de toucher un clavier, mais je ne suis pas focalisée sur les instruments, mais c’est vrai qu’en studio Faada est beaucoup plus sur la composition et touche à tout et est toujours dans l’apprentissage…



Durant votre processus de création, Il y en a un qui écrit et l’autre qui compose ? Comment ça se passe ?

ND : Faada est plus dans la composition, moi je suis plus dans l’écriture et la recherche de thèmes aussi, mais c’est un travail d’équipe… Parfois on fait travailler d’autres personnes aussi. Mais Faada est très compos ! Le gars il arrive avec 5000 instrus (rires !)

FF : Parce que pour moi la musique c’est aussi de la sociologie et le fait de le réaliser m’amène à actualiser un langage, que l’on peut comprendre et qui peut justement démontrer les différentes palettes de vie qui a dans le monde que ce soit africaines, asiatiques, européennes c’est un voyage, c’est une recherche quotidienne de sonorités, de vibrations jusqu’à trouver le point simple de la musique. C’est souvent une sorte de folie parce qu’on devient un laboratoire, on fait des mélanges d’un peu de tout, parfois il y a des choses qui marchent et qui nous explosent dans la figure. On se rend compte qu’il y a des instruments qui font collision jusqu’à ce qu’on épure le son et… comme on dit en anglais « Less is more » et moins tu as et plus c’est une satisfaction… c’est quelque part trouver la bonne alchimie !


Vous êtes plus qu’un groupe de musique, et êtes très impliqués dans des projets sociaux et humanitaires. Pourquoi un tel engagement ?

ND : Déjà on est en Afrique dans un environnement qui fait qu’on ne va pas rester les bras croisés quoi ! C’est normal. Et en tant qu’artistes activistes dans le social, je pense qu’on a été amené à travailler avec des associations, on est très souvent contacté. Récemment on l’a été par l’association française Epsylone qui faisait un évènement contre le cancer au Sénégal et naturellement on les a accompagnés et on a fait un grand concert au côté de Kerry James au grand théâtre de Dakar dont les recettes ont aidé des personnes atteintes du cancer. On est aussi très proche du village pilote : une association qui recueille les enfants de la rue… Mais nous aussi je pense que nous irions vers elles d’une manière ou d’une autre, on est sur le terrain et on veut y être actif, très actifs.

FF : C’est pour la conscience aussi parce que lorsque l’on dispose d’un outil de communication aussi fort que le nôtre, on se dit que c’est un cadeau de la vie et que l’on doit quelque chose en retour… Et ça nous soulage de participer et de nous rendre utile par rapport à cet outil, cette arme de construction massive puissante !


Et comment vous palier toutes ces actions avec votre carrière et vie privée ?

ND : Et bien ça demande de l’organisation, mais de toutes les façons c’est lié parce effectivement ça nous amène à nous structurer un peu plus et l’on pense vraiment aussi à élargir notre activité au domaine social. On verra dans le futur où ça va nous amener, mais pourquoi pas une fondation. Donc on pensera à organiser les 2 champs que ça soit ma partie musicale de la sociale. Mais il y a des moments où on est soit beaucoup plus dans le social, soit plus concentré dans notre carrière musicale ce qui fait que parfois on n’entend pas parler de nous musicalement parce que l’on est sur le terrain, sur le front…


Vous avez plus de 20 ans de carrière et êtes considérés à travers le monde comme les ambassadeurs du hip-hop africain. Comment vivez-vous cela ? Quelle maturité avez-vous acquise ?

FF : on le vit très bien en étant de plus en plus conscient de notre responsabilité. On vient d’être nommés ambassadeurs de la destination Sénégal. On a il y a 2 jours fait un discours devant le président allemand sur la responsabilité de l’Europe et de l’Afrique par rapport à l’immigration. Donc les responsabilités deviennent de plus en plus lourdes c’est vrai, mais c’est partagé avec une conscience sociale même si on ne s’engage pas politiquement, il y a une conscience diplomatique qui nous amène à essayer de fédérer le monde dans ce qu’il peut construire de manière positive l’Afrique et à amener un équilibre dans les accords de partenariats entre l’Afrique et le reste du monde.

C’est quelque chose que l’on prend avec plaisir et honneur d’autant plus que ça nous oblige à prendre conscience de la responsabilité qui vient avec la notoriété musicale et aussi le fait de savoir que l’on peut aussi encourager l’entrepreneuriat et différents secteurs de développement surtout au Sénégal parce qu’il y a pas mal de failles politiques et on a l’impression qu’il faut que chacun apporte sa petite pierre à cet édifice-là pour qu’enfin les choses puissent se concrétiser. Il y a beaucoup d’influence des États-Unis et de l’Europe. Jusqu’à présent on a beaucoup cultivé le rêve américain et le rêve européen. On essaye à notre niveau en tant que leader aussi d’encourager le rêve africain.


La musique africaine a le vent en poupe depuis quelques années. De nombreux artistes que ce soit J. Martin, P Square, Yemi Alade sont connus à l’international. Que pensez-vous de ce phénomène ?

ND : Déjà en 2003 on « prédisait » ce qui allait se passer pour l’Afrique. Musicalement on avait parlé d’un effet boomerang, du fait que la musique urbaine africaine allait percer, que tout allait revenir chez nous. Et c’est intéressant ce qui se passe parce qu’au moins il y a maintenant une loupe sur le continent. Aux États-Unis les gens en parlent, en Europe aussi même si j’ai l’impression que c’est un peu moins. En Afrique n’en parlons même pas : aujourd’hui les gens qui font de la musique dans la sous-région par exemple, en Afrique anglophone étaient moins écoutés en Afrique de l’Ouest avant. Mais depuis qu’il y a eu l’avènement d’internet, les choses ont bougé. Vraiment pour moi c’est une bonne chose. Mais après le danger aussi c’est que ça devienne mainstream et que le côté authentique soit perdu, dilué.

FF : Aujourd’hui l’Afrique donne le ton et les plus grands artistes américains comme Beyoncé, Rihanna, Childish Gambino nous fait bien comprendre que nous avons une grosse richesse artistique, donc ce n’est que du plaisir, même la musique française. Mais le danger serait que l’on ait l’impression de toujours entendre la même chose, mais je pense que tant que l’on reste dans une démarche créative c’est une musique validée et revalidée dont on est fiers !



Si vous n’étiez pas artistes, quel métier feriez-vous ?

Et bien… On a fait des études de comptabilité, mais on n’aime pas ça… (rires !), mais on a tous les 2 des projets d’agriculture, de cultiver la terre… Donc je pense que ça serait un peu des deux !


Quand l’un d’entre vous sort un projet solo – comme Faada il y a 3 ans avec Gospel Journey – comment vivez-vous la séparation du groupe ?

ND : Moi je n’ai pas l’impression que l’on est séparé.

FF : On s’accompagne l’un l’autre en fait. Non seulement c’est lui qui m’a convaincu de signer mon dernier solo, parce que j’ai eu des propositions avant, mais je n’y suis jamais allé, mais c’est lui qui a apporté les bons arguments pour que je signe et ça reste une très belle expérience. Et puis à chaque fois que j’ai fait des gros évènements comme le Zénith, l’Olympia il était là. C’est encore d’autres preuves de notre amitié. Et là encore Ndongo prépare son album solo et je suis présent sur cet album.
En plus de vos 20 ans de carrière, vous êtes amis d’enfance. Comment êtes-vous arrivé à vous supporter chacun avec ses qualités, mais aussi ses défauts, tout ce temps ?

ND : je ne sais même pas en fait ! (Rires !) On se supporte c’est tout !

FF : Et puis on kiffe vraiment être ensemble, partager du temps, on a toujours des choses très intéressantes à se dire et à communiquer aussi. Et souvent on communique sans ouvrir la bouche, en un regard on se comprend. On a une vraie complicité. Parfois on se retrouve même avec les mêmes tenues de scène sans se dire quoi que ce soit !

C’est comme quand on s’est rencontré aussi : quand il allait à l’école pendant 2, 3 ans on se croisait tout le temps, on se disait juste bonjour et encore à peine jusqu’au jour où quelqu’un nous a présentés et depuis on est devenu les meilleurs potes ! Aujourd’hui j’ai mon enfant qui porte son nom.


Qu’est — ce qui vous a motivé à écrire et sortir ce single : Oyé ? Quel est le message ?

FF : Je pense que les premières phrases du titre déclinent un peu ce que l’on entend communiquer c’est-à-dire « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, certes on a vu le pire, mais on n’est pas mort, anesthésié à la douleur on invente de nouvelles couleurs, face à l’abîme de l’indifférence ». Et donc c’est un peu lié à cette période trouble de notre histoire humaine avec les migrants à cause des guerres ou du climat et dire qu’au fil du temps on n’en va pas se considérer comme des victimes. Chaque peuple traverse des choses, mais chacun peut trouver le moyen de s’en sortir, et même inspirer le monde à se relever.

ND : Oyè c’est le battement de cœur positif du monde. On traverse une période où tout est obscur, ça ne va pas trop, quand on allume sa télévision on ne voit que des problèmes, que des choses négatives, et je pense que le monde a besoin des messages positifs, toujours, toujours, toujours car dans la majorité les gens sont pessimistes… Faut préserver l’espoir et en concert le public est très réceptif.


Et l’album prévu pour la fin de l’année, de quoi parlera-t-il ? Quelles ont été vos sources d’inspiration ?

FF : Il y a surtout l’empire mandingue qui sera la base, le thème de cet album, donc ça touche à — désolé c’est un peu technique ! — tout ce qui est pentatonique, phrygien… Quand on entend le hip-hop qui est né en Afrique, a grandi en Amérique et a fait le tour du monde, nous on revient sur les bases de la similitude entre le hip-hop et ces ancêtres qui sont donc les musiques de chez nous, que l’on essaye aussi de mettre en valeur. Ce qui explique qu’il y aura vraiment un côté tribal, un côté ou le n’entendra avec des grosses infrabasses, c’est ce que l’on est en train de préparer en ce moment et c’est ce qui rend cet album très original.


Un dernier message pour vos fans ?

ND : On arrive avec des scènes à travers le monde et du nouveau son, donc suivez-nous. Force à tout le monde et soyez heureux !


Lire ensuite : En Tanzanie, le hip-hop a le goût du Bongo

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