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The Pan African Music Magazine
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De Londres à Lagos, le son d’Ekiti

Nous l’avions rencontré à la veille de son concert décisif festival des Transmusicales de Rennes, Leke, rappeur et producteur électro d’origine nigériane nous présente la genèse de son projet Ekiti Sound. Son premier album Abeg No Vex sort le 26 avril sur le label belge Crammed Discs. Retrouvez sa toute première interview pour PAM.


Gagnez vos places pour le concert de Nyokō Bokbaë + Ekiti Sound le vendredi 15 novembre au Hasard Ludique à l’occasion du festival NYOKOBOP. Pour participer, envoyez votre nom et prénom à [email protected], en précisant ‘Ekiti’ en objet.



Tu as partagé ta vie entre Lagos et Londres ?

Mon père était ingénieur dans le bâtiment et nous avons passés pas mal de temps en Angleterre. J’étais un bébé d’aéroport. Je suis né au Nigéria, à 1 an j’étais à Londres, lorsque j’ai eu 5 ans nous sommes rentrés à Lagos, à 10 j’étais scolarisé en Angleterre puis à 16 retour au Nigéria, mais on faisait beaucoup d’allers et retours. Ensuite je me suis installé à Londres et fait de la musique dans l’industrie du cinéma pour les studios Pinewood, là où ont été tourné tous les James Bond.


Quelles musiques t’ont influ
encé ?

Un des moments les plus décisifs a été la découverte de Fela à Lagos. J’avais onze ans, il y avait un mariage près de ma maison et à travers la clôture du jardin j’ai entendu le morceau Teacher Don’t Teach Me Nonsense.  Je pouvais juste distinguer la batterie « keleke keleke keleke ».  

Je n’avais jamais rien entendu de semblable, c’est resté fixé dans mon cerveau. Ensuite, j’avais un petit poste de radio où j’enregistrais ce que j’aimais. J’ai découvert les Four Tops, les artistes du label Tamla Motown (devenu Motown), James Brown ou encore Al Jackson Jr, le fabuleux batteur de Stax Records. Comme je voulais que les morceaux se suivent sur la bande, je coupais ce qu’il y avait entre eux et les recollais, et en coupant davantage je me les appropriais en les raccordant sur le rythme comme une sorte de remix. J’ignorais alors que c’était un travail d’édition.

Mes premiers disques résument la polarité de mes goûts. Vers 12 ans j’ai acheté Porgy and Bess de Gershwin et Turtle Power le rap du film Ninja Turtle. C’est le Ying et Yang de mes goûts. Il y a aussi bien sûr le hip hop, découvert à la fin des années 90 avec Biggie, Goody Mop et Mobb Deep.  J’avais pris ces CDs au hasard. Je les ai écoutés, réécoutés, compris de quoi il était question et je me suis engagé dans cette musique. 
 


En Angleterre tu as aussi du découvrir pas mal de choses ?

A la fin des années 90, à Londres, le gros truc c’était la drum’ n’ bass. Il y avait aussi le gabber, l’électro, la house garage qui comme le reggae ou le hip hop sont des musiques basées sur la basse et les tambours. On a toujours besoin de basse et de tambours. Ce sont les variations entre ces deux éléments qui résument mon propre son.


C
omment s’est construit Abeg No Vex ?

Ca n’a pas démarré comme un album. De temps en temps je faisais quelques petites choses, mais je n’avais pas de plan. Lorsque je suis rentré à Lagos pour voir mon père qui était très malade, j’ai mis la musique de côté pour m’occuper de ses affaires, de ma famille et me concentrer sur ma vie.  Quand j’ai commencé à réécouter mes compo, il y en avait trois qui fonctionnaient bien ensemble. Cet album est sincère, il s’est construit de lui-même pendant mon séjour au Nigéria. J’avais besoin de comprendre mon identité. Il fallait reconnecter les morceaux. D’un côté il y avait mon identité sonore londonienne et, lorsque mon père est décédé, je me suis retrouvé au centre de la tradition. Je me suis occupé de l’enterrement avec ma mère, des relations avec la famille. J’ai du plonger dans cette culture et j’ai pu vérifier que je n’avais pas perdu mon identité. La musique m’a permis de trouver qui j’étais vraiment. Abeg No Vex n’est vraiment pas le résultat d’une décision, mais une recherche, un choc culturel, un mouvement émotionnel.


Tu travaillais aussi pour Nollywood (le Hollywood Nigéria). C’était comment ?

Un vrai baptême du feu, c’était dingue. C’est une industrie « Do it Yourself » comme le punk ou le hip hop d’où je viens. Tu dois  être autosuffisant. Je bossais pour une compagnie qui avait lancé une plateforme télé pour les jeunes. On sortait en ville, on tournait et c’était diffusé tout de suite. Moi j’étais obsédé par l’idée de produire un son de meilleure qualité en Afrique.


Tu trouvais le temps de faire de la musique ?

A Nollywood je devais écouter l’avis de tout le monde… sauf le mien et lorsque ma voix intérieure revenait, je mettais les idées dans Ekiti Sound. J’y travaillais quand j’avais vingt minutes de libre ou quand le réseau électrique tombait en panne  dans la maison et qu’il restait trente minutes d’autonomie sur mon ordinateur.


Tes idées se précisaient ?

Je me sens davantage artiste sonore que producteur de musique. Dans ce que je fais il y a beaucoup de sound design, dans lequel les gens peuvent s’immerger. Au début je voulais faire un album sans voix. Mon challenge était d’exprimer ce voyage sans utiliser un mot.

J’ai mis beaucoup de Talking drum (littéralement « tambour parlant », tambour d’aisselle appelé Tama dans l’aire mandingue, NDLR). C’est là où dans l’album, on peut m’entendre raconter la majeure partie des histoires.

Quand j’ai commencé à faire écouter le résultat, je sentais que les gens comprenaient exactement ce que je voulais, ils n’appréciaient pas seulement la musique, ils ressentaient les émotions. J’avais réussi mon pari et je me suis alors senti plus à l’aise pour m’exprimer avec ma voix en yoruba, en pidgin (argot local) et un petit peu d’anglais.


Tu as aussi des invités ?

Tout s’est passé de façon organique, l’album s’est fait avec des amis comme le rappeur Ladipoe ou le duo Show Dem Camp qui représente l’avant-garde du rap africain depuis dix ans.

Sur le premier single Ife, comme sur Oba Oluw, il y a Prince G. qui est un véritable prince, descendant de l’ancien royaume d’Ijebu (Sud-Ouest du Nigéria). Ife signifie « le plus grand amour ». C’est un vieux chant traditionnel, un proverbe sur l’amour et la connaissance : « plus tu connais les gens, mieux tu les aimes ». Ca m’a aidé parce que tout le disque s’est fait pendant que mon père nous quittait. Par moment j’étais très triste et lorsque j’ai fait Ife ça m’a remonté.

Sur Timeless, il y a Nneka que j’ai rencontrée lorsque j’ai travaillé pour la première édition de la Red Bull Academy à Lagos. Timeless est un morceau important pour moi. Il démarre avec le chant African Time qui dit que le temps ne compte pas, il t’appartient quoi qu’il arrive. Ton rythme dépend des battements de ton cœur et je ne peux pas le contrôler. Pour faire cet album j’ai pris le temps qu’il me fallait. Au début je ne savais pas que cela allait être un album, ce sont les chansons qui me l’ont dit et ce sont elles qui m’ont crié leur noms. J’ai pris le temps d’écouter ce que la musique attendait de moi.


Au fait pourquoi ton projet s’appelle Ekiti Sound ?

Ekiti, c’est l’état nigérian d‘où vient mon père. C’est une façon de rendre hommage au lieu d’où je viens. Ca va faire voyager ce nom qui représente l’énergie que m’ont donnée mes parents.

Abeg No Vex  est prévu pour le 26 avril prochain via le label Crammed Discs.

Lire ensuite : Bonaventure et ses mélanges électroniques maison contre toute forme d’oppression

Interview publiée une première fois le 5 décembre 2018.

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