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The Pan African Music Magazine
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Ferre Gola : ces musiques qui lui ont montré la voie

Qu’on l’appelle Le Padre, Chair de Poule ou encore Jésus de Nuances, Ferre Gola est l’un des ténors de la scène congolaise. À Paris, il nous parle de son parcours et de ses influences musicales. Mais aussi de son envie de rejouer en Europe. Rencontre.

À l’époque où tu t’appelais encore Hervé, petit, quelles sont les premières chansons dont tu te souviennes ?

Je me souviens d’un morceau des Choc Stars. Ma mère m’avait envoyé acheter du coca, et j’ai entendu ce morceau-là : « Jardin abandonné ». C’était une chanson de Carlyto Lassa, qui aujourd’hui fait de la musique chrétienne. Cette chanson, je continue de l’écouter aujourd’hui encore. Elle parle d’amour et dit à peu près : « je suis foutu, depuis que tu n’es plus dans ma vie, je ne suis plus rien ». La voix de Carlyto, c’était tellement mélodieux, que je me suis dit « est-ce qu’un jour je pourrai chanter comme ça ? »

Je ne savais pas encore que j’avais une voix.


Qu’est-ce que tes parents écoutaient ?

À la maison, moi je suis resté avec ma maman parce que mon papa est décédé quand j’étais petit. Aujourd’hui si je suis musicien, c’est parce que j’écoutais ma mère chanter, elle chantait à la maison comme à l’Église, et elle écoutait beaucoup l’OK Jazz. À travers elle j’ai commencé à découvrir Franco puis nos autres artistes. J’avais huit ans, et à partir de là j’ai commencé à écouter vraiment la musique. Je me souviens bien sûr de Mario, ou encore d’« Eau bénite » du poète Simaro Lutumba.


Franco n’avait pas lui-même une belle voix, mais il avait de super chanteurs comme Josky Kiambukuta, Carlyto Lassa, Pepe Ndumbe Opetum… Et lui, Franco, sa guitare était tellement mélodique !

Rochereau lui, était un grand chanteur, mais Franco était très mélodique et j’ai plus tard compris que c’est cette manière de jouer la guitare qui me ferait chanter bien.

La guitare c’est fondamental : moi je chante dans les trois temps, et ça, c’est le chemin de Franco. C’est pourquoi j’ai gardé la guitare, cette base que l’OK Jazz a développée.


Tu as parlé de Franco, et quid de Tabu Ley ?

C’est grâce à lui que j’ai amélioré ma corde vocale : j’aimais Adios Tété, Mazé, ou cette chanson avec Franco,  » Suite, Lettre 1″.


C’est vraiment grâce à Tabu Ley que j’ai pu améliorer ma voix. Ce que j’ai appris des autres, c’est qu’il a ramené dans la rumba la batterie et ça a changé la manière dont on la jouait depuis Grand Kalle.


Et tes débuts ?

Quand j’ai eu mes treize ans, on a fait un petit groupe dans le quartier (Bandal Nord) : il s’appelait Rumba des jeunes et on a commencé à chanter. On me disait « tu chantes grave, il faut que tu rentres dans le Wenge ». Moi j’étais trop petit, les Wenge ça faisait peur. On disait qu’ils avaient les gris-gris, qu’ils mangeaient les gens… (rires). Et puis ma mère ne voulait pas que je chante. Moi j’adorais les Wenge, je disais toujours que mon rêve c’était de les rejoindre. Quand j’y suis arrivé, je connaissais tout leur répertoire. JB Mpiana, Werrasson, Blaise Bula, Alain Mpela, Alain Makaba, Aimelia Lias…


Et puis quand ma mère est partie en Angola pour chercher la vie et pourvoir à nos besoins, moi et mes trois frères, alors là j’ai eu l’occasion de faire de la musique.

En 1994, j’ai intégré les Wenge Musica, qui m’avaient remarqué dans une kermesse avec mon groupe. Mais j’ai souffert, on me frappait, on ne me laissait pas chanter, je devais marcher à pied quand on jouait, j’ai souffert ! C’était comme un entrainement militaire. C’était comme ça à l’époque, on disait que Viva La Musica c’était aussi très dur. Mais dans Wenge il y avait des jalousies par rapport à ma voix, et c’est quand le groupe s’est disloqué que je l’ai compris. J’étais tout jeune, et un peu naïf. Ma mère en rentrant a malgré tout accepté de me laisse chanter (elle ne connaissait pas mes difficultés dans Wenge). C’est là que j’ai reçu le nom de Ferré. C’est Adolphe Dominguez qui m’a donné ce surnom, il aimait trop les griffes… à l’époque je n’ai pas tout de suite compris que Ferré venait de Gianfranco Ferré (couturier et styliste italien, notamment directeur artistique de la maison Christian Dior, NDLR). Après, il y a eu la dislocation. J’ai continué avec Werra et Maison Mère, et j’ai fait une chanson, « Vita Imana », sur l’album Solola Bien (1999).


C’était une histoire d’amour. J’avais une femme, j’avais des enfants avec elle, et puis elle m’a trahi et moi je n’ai pas supporté ça… c’était tellement tragique. Je dis : « Ma chérie j’ai tout fait pour toi, je t’ai donné mon amour, mais tu es une femme avec plusieurs hommes. » Mes enfants sont toujours là, c’est l’histoire de leur maman. Avec cette chanson, j’ai ramené la rumba dans le répertoire de Wenge, où l’animation était plus importante et les parties chantées plus réduites.

Je suis le seul chanteur (hors Werrasson) qui signe alors un titre, car j’étais malgré ma jeunesse l’un des cofondateurs de Maison Mère. Werra, Didier Masela, Adolphe Dominguez et moi, nous tous on était là. Et comme moi j’étais le coéquipier pur de Werrasson, finalement on est restés tous les deux et on a repris de nouveaux musiciens. Là, je suis devenu chef d’orchestre, et Werra président. Par la suite, Werra a cherché à me faire partir, mais je n’ai pas voulu partir seul : j’ai pris Bill Clinton et je suis allé former les Marquis de Maison Mère avec des artistes à Paris.


À ce propos, peux-tu nous en dire un peu plus sur le fonctionnement des orchestres congolais… et leurs organigrammes qui n’ont rien à envier aux gouvernements ?

C’est tout un gouvernement ! Il y a le Président : c’est lui le propriétaire du groupe, il va nommer son premier ministre : le chef d’orchestre, qui a un adjoint, le directeur des répétitions, puis il y a le directeur artistique, et à part ça il y a le Secrétaire Général (SG) qui fait les contrats, qui prend l’argent et le ramène chez le président. Enfin, le SG tout ce qu’il ramène, il n’y a que lui et le président qui savent, c’est entre eux.


Après les Marquis, qui s’est aussi disloqué, Koffi (Olomoidé) m’a appelé, on s’est vus à Paris, il m’a proposé un contrat et on a travaillé, j’ai signé un titre chez lui, et puis ça n’a pas marché entre nous et j’ai préféré quitter. Quand je suis entré dans le Quartier Latin, les fans de Wenge étaient fâchés, ceux des Marquis aussi… ça a donné lieu à de nombreuses polémiques.


C’est après ça que tu as commencé ta carrière solo, en 2006. Et hors du Congo, quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Youssou Ndour lui m’a influencé par sa carrière, j’aime aussi la voix de Salif Keita… par exemple sa chanson « Africa » que tout le monde connaît.


J’aimais bien aussi Boys II Men, Phill Collins, Elton John, Rihanna… j’aime leurs mélodies. En France, j’aime bien Zaho ou Djadju. Certains rappeurs aussi, qui maintenant font l’effort de chanter, Gims c’est un rappeur mais on l’entend aujourd’hui chanter.

En rap, j’aime Booba, j’aime Karris aussi…


Ton dernier album QQJD (« Qu’est-ce que j’avais dit ? ») est un triple album de 33 titres décliné en trois disques, et trois couleurs. Pourquoi ?

D’abord le titre : « Qu’est-ce que j’avais dit ? ». J’avais dit plusieurs choses. J’avais dit que c’était Ferré qui allait hériter de la rumba, à ceux qui ont renoncé, moi je suis toujours là pour leur montrer qu’il ne fallait pas abandonner la rumba.

Donc 33 titres avec ceux des musiciens. D’habitude on fait dans les 22, là on a fait 3X11. Mais je voulais que les musiciens eux aussi puissent signer des titres.

Désormais je vais faire des disques de 10-11 titres, les artistes signeront 3 à 4 titres, et le reste c’est pour le président. Car nous on paie tout là-bas, rien que pour les autorisations pour faire passer les titres et les clips à la télé. On doit aussi prendre l’autorisation de sortie pour que les musiciens jouent à l’extérieur du pays, payer les cartes d’artistes, tout ça, on paie et on ne sait pas où ça va. Et autant te dire qu’on ne vit pas de nos droits. De la vente de disques non plus : on est piratés, on ne sait même pas combien ont été vendus. Une semaine après la sortie, on vend ton disque dans la rue, et personne ne dit rien. Par contre pour sortir le disque, toi, il te faut payer. Le jour où nos disques seront vendus dans les normes, on sera millionnaires !

C’est les concerts qui nous font vivre, à Kin comme dehors… et encore, les sponsors eux-mêmes ne paient plus autant qu’avant, tout s’est réduit.


C’est pour ça que les mabanga (les dédicaces, payantes) sont importants ?

Tu peux pas faire une belle chanson sans mabanga, si tu fais une chanson sans mabanga, personne ne va écouter ça. Alors aujourd’hui on fait une version sans mabanga, une autre avec, et une autre avec chœur. Les mabanga c’est ça au fond le plus écouté. C’est aussi une source de revenus. Mais ça c’est notre culture, va expliquer au gars de Western Union que tu envoies l’argent pour des mabanga, il ne comprendra pas (rires).


La musique congolaise, pendant plus de cinquante ans, a dominé l’Afrique. Aujourd’hui elle est concurrencée par celle du Nigeria, de Côte d’Ivoire, et de plus en plus d’artistes congolais cherchent à collaborer avec des artistes de ces pays. Est-ce parce que la rumba s’essouffle ?

On a eu le blocage des Combattants ici, on ne joue plus ici, donc on collabore avec certains artistes pour aller jouer ailleurs. Aujourd’hui, ça nous ouvre d’autres portes. Si je veux aller en Côte d’ivoire, je vais faire quelque chose qui ressemble à ce qu’ils font. Mais si on reprend les concerts en Europe, tout ça, ça va partir. Moi je suis apolitique, mais je souhaite que cette année, nous les artistes congolais, on reprenne les activités ici en Europe, avec la collaboration de nos frères de la diaspora. Il faut qu’on parle, il faut qu’on trouve un terrain d’entente… pourquoi pas, avec l’aide du gouvernement ?

Lire ensuite : Nostalgie congolaise : voyage au temps des pionniers de la rumba
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