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The Pan African Music Magazine
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Bakari Jan et la geste de Ségou

Le Mali est décidément une terre riche en Histoire, et généreuse en épopées que les griots ont forgées, ciselées, avant de les transmettre pour qu’à leur tour d’autres les perpétuent et les enrichissent. Après l’épopée de Soundiata, voici celle d’un autre héros : Bakari Sidiki Ndangana Koné dit Bakari Jan (Bakari le Grand).

Écoutez la playlist qui accompagne cet article.

Il fut le général le plus célèbre du Royaume Bambara de Ségou, celui qui repoussa les invasions peules qui le menaçaient. Bazoumana Sissoko, « le griot des griots » né dans la région de Ségou — l’année même dit-on — où les troupes françaises s’emparèrent de la ville (1890), a livré une des premières versions enregistrées de la chanson de Bakari Jan.

Bakari Jan s’intègre dans la grande geste des rois de Ségou. Avant de revenir à lui, offrons nous un retour en arrière, dans les galeries profondes où l’Histoire et le mythe s’enlacent et laissent, dans le sillage de leur étreinte, des récits dont on fait les plus belles épopées. 
 


Après les riches heures de l’empire du Mandé (13e-14e siècles), de l’empire Songhoy (15e-16e siècles), ce fut au tour de Ségou de briller. La ville étendit son influence sous la conduite des Coulibaly (1652-1755), dont le plus grand roi fut assurément Biton, celui qui prit le pouvoir en s’appuyant sur les hommes de son ton, la société qui rassemble les hommes de sa classe d’âge. Biton signifie d’ailleurs « fils du ton ». Et c’est ce nom que reprendra deux siècles plus tard l’orchestre le plus célèbre de la région : le Super Biton de Ségou. 
 

Super Biton de Ségou


Ségou atteint son apogée avec les Diarra, descendants de Ngolo Diarra.  Esclave affranchi, il épouse une des filles de Biton Coulibaly et s’empare du pouvoir après les années de trouble qui succèdent à la mort de Biton. La légende dit que sa mère, victime de fausses couches successives, avait fait un pacte avec le serpent sacré Sa ba, lui demandant  de lui donner un fils, et pour ce fils, une grande destinée. Ainsi, en hommage au serpent, Ngolo reçoit le surnom « Tutu » (le serpent). Un chant, Toutou Diarra, chante depuis lors ses louanges. Kouyaté Sory Kandia, le plus grand des griots de Guinée, l’a lui aussi chanté. 
 


Ngolo dit Tutu prendra, suite à ses victoires, le nom de Diarra (le lion). Son fils, Monzon Diarra, agrandit encore le royaume, défait l’éternel royaume voisin du Kaarta et s’empare de Tombouctou en 1800. Son histoire est racontée dans le sitcom historique « Les rois de Ségou ». 
 


Au père succède le fils, nous sommes en 1808. Da (Monzon) Diarra lui, se heurte à Sékou Hamadou, fondateur de l’empire peul du Macina, que chanteront aussi les griots et à leur suite les grands orchestres, comme l’Orchestre Régionale de Mopti (#6). Sory Bamba en fut l’un des membres, et il en proposa bien plus tard, en 2010,  une version magnifique (#7).

Mais revenons à Da Monzon Diarra, l’homme qui se bat contre les troupes peules venues d’Hamdallaye, capitale de l’empire du Macina, pour harceler les troupes Bambara de Ségou. Da Monzon est lui aussi chanté (#8) et le fameux chant Duga, destiné aux grands héros revenus vivants du champ de bataille, a repris du service sous son règne. Mais son général a laissé tout autant de traces dans les mémoires.

La légende veut qu’un terrible Peul demandât un tribut en viande chaque jour plus grand aux habitants de Ségou, qui désespéraient. Seul devant les murailles de la cité, c’est Bakari Koné « Jan » qui l’aurait défié, et défait. D’autres versions font carrément de l’envahisseur un monstre à sept têtes, incarnation d’Ibliss, l’ange déchu (Satan) qui refusa de se prosterner devant Adam. C’est cette histoire, dans une version électrique, que chante le Super Biton de Ségou, en reprenant le même thème que Bazoumana Sissoko. 
 


Bakari Djan fut aussi chanté par l’Orchestre National A de la République du Mali ou en Guinée, par Keletigui et ses Tambourinis… et bien d’autres après eux. Assurément, il n’était pas un petit. Comme le disait le vieux griot aveugle, Bazoumana Sissoko, au soir de sa vie : « Les héros morts ont fait bien plus pour moi que nos chefs d’aujourd’hui. On ne doit chanter que ceux qui le méritent. Aujourd’hui la plus petite parcelle d’autorité tourne la tête de nos chefs et fait d’eux des oppresseurs. »

Bazoumana Sissoko est mort en 1987. Quant à au Royaume de Ségou, il céda sous les coups d’El Hadj Oumar Tall, qui entra dans la ville en 1861, inaugurant l’ère d’un nouvel Empire, celui des Toucouleurs.

Article publié une première fois en février 2017.

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