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The Pan African Music Magazine
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"Cigarette Abana" : la chanson pour arrêter de fumer en ce début d’année !

Le guitariste malien Habib Koité nous raconte l’histoire de « Cigarette Abana », le tube qui, à la fin des années 80, lui a ouvert les portes du succès.

Avant de figurer sur le premier album d’Habib Koité (1995) puis d’être revisité à la sauce latino (2001), « Cigarette Abana » (La cigarette, c’est fini en bambara) avait déjà été plébiscité dans toute l’Afrique de l’Ouest. Habib Koité nous raconte la genèse de ce titre joyeusement anti-tabac qui l’a fait sortir des bars et autres clubs de Bamako où, avec son groupe Bamada, il se produisait « 7 nuits sur 7 ». 
 


« Ce morceau est né à Bamako à la fin d’une soirée chez des amis libanais et français. La nuit tard, la cigarette commençait à manquer. À 4 heures, tout le monde demandait : « t’as pas une cigarette ? » Personne n’en avait plus. Sur ma guitare, j’ai fait : «  tschang, tschang, oooh cigarette, oooh cigarette, a bana ! » Tout le monde m’a suivi à la queue leu-leu autour de la piscine, certains même se sont fait pousser dedans.

Tout est parti de là ! Plus tard, une hollandaise m’a conseillé de rajouter  « no more ». Je lui ai dit : « qu’est-ce que ça veut dire ? » Elle m’a répondu : « que tu ne fumes plus ». Voilà que « no more » est arrivé. Ça c’était en 88 ou 89. Et là c’est devenu sérieux !

À l’époque, parallèlement à mes fonctions de professeur de guitare à l’Institut Nationale des Arts (INA) où j’avais d’abord été élève, je jouais dans des clubs et des restaurants de Bamako où venaient beaucoup d’Européens. Avec mon groupe Bamada (surnom donné aux résidents de Bamako se traduisant littéralement par « dans la bouche du crocodile » NDRL), on jouait presque 7 nuits sur 7 et on a fait ça pendant des années et des années ! Ce morceau, je le chantais donc plusieurs fois dans la même soirée. À « L’écuelle » au quartier du fleuve, au bistrot qui est à côté de l’ancienne ambassade américaine, à « L’Akwaba », au « Blue Moon » ou encore au « Blue Note ». Et puis je jouais aussi pour l’arrivée et le départ de tous les groupes de Peace Corps. Et là, attention, c’étaient des grosses fêtes ! C’est comme ça que j’ai développé des amitiés avec des Américains, des Italiens, des Français, des Espagnols, des Japonais, etc. 


C’est justement grâce à l’aide d’un ami français que je suis allé à Perpignan (France), en 1991, pour participer au Festival Voxpole. J’y ai obtenu le premier prix : une semaine de studio avec un ingénieur son ! Malheureusement, comme j’étais tout seul, je n’ai pu enregistrer que deux morceaux : « Cigarette Abana » et un morceau traditionnel, « Sira bulu », qui parle de l’épopée de Soundiata.

« Cigarette Abana », c’est des années de scènes, je racontais plein de choses pendant la chanson. Pour l’enregistrement, il a fallu raccourcir. Au final, je commence comme ça : J’en connais qui préfèrent matin bonne heure comme café : qui préfèrent fumer le matin de bonne heure. J’en connais qui aiment chaud au chaud : quand je vois des gens avec une cigarette sous le soleil alors qu’il fait 45 degrés à Bamako, je me dis « ce n’est pas possible, ils doivent vraiment aimer ça ! ». Chaud au chaud : c’est aussi pour le riz, notre plat principal, que l’on mange chaud. J’en connais qui aiment au lit : dans le lit avec leur copine, je ne sais pas ce que ça fait comme effet, mais voilà ! Et ainsi de suite…

À la fin, la référence à Toto vient du livre syllabaire amené par les colons pour l’apprentissage de la langue française chez les tout petits. On apprenait les voyelles et les consonnes, jusqu’à l’alphabet. C’est de là que j’ai tiré la phrase « Toto, ne fume pas la pipe de papa ! » Et j’ai rajouté : « Toto s’est entêté ». Les enfants sont curieux quand il voit leur grand-père fumer la pipe. Quand le grand-père dépose la pipe et s’endort dans le hamac, Toto vient prendre la pipe en douce et essaye d’imiter son grand-père. Mais la fumée lui monte à la tête et sa tête tourne « toute la journéeeeeee ». Depuis ce jour, Toto a compris que ce que son grand-père fume là, c’est pas pour les petits ! Et c’est comme ça qu’on dit « cigarette abana ». 


Après le festival VoxPole, de retour au pays, j’ai fait une version instrumentale de chacun des deux morceaux. Donc s’est devenu 4 morceaux sur la cassette que j’ai pu vendre un peu. Et puis, bien sûr, j’en ai donné partout. Et ça a plu à tout le monde !

Mais le morceau est vraiment devenu un tube grâce au clip. Parmi les gens qui venaient m’écouter dans les restaurants, il y avait une dame qui travaillait pour Helvetas-Mali, une association Suisse pour le développement. Je lui ai dit : « votre association là, vous aidez aussi la culture ou vous ne faites que des puits ? » (Rires). Ils m’on financé et j’ai pu faire deux clips, vraiment bien, avec des chevaux et tout. J’ai mobilisé beaucoup de monde, que j’ai pu payer.

Ça c’était en 1992. Pendant toute l’année, le clip de « Cigarette Abana » a été beaucoup diffusé et je suis devenu connu au pays. Même les enfants petits-petits, qui ne savent même pas parler disaient « abana ». Je te jure ! Les parents venaient avec les gosses chez moi en disant : « il veut te voir, il nous nous fatigue à la maison avec abana, abana » ! Des enfants un peu plus grands prenaient le paquet de cigarettes de leurs parents pour le mettre dans le seau d’eau. Ça a vraiment eu du succès. Dans le clip, à un moment, on va dans un gymnase. On saute, on fait de la gymnastique quoi, c’était un peu le sport contre le tabac. Le réalisateur du clip a fixé l’image pendant qu’on saute, alors qu’on est tous en l’air. Tous les gosses voulaient imiter ça !

À l’époque, il existait une Union des Radiodiffusions et Télévisions Nationales d’Afrique (URTNA). Ils s’envoyaient des programmes. Pour le Mali, c’est ce clip qui a été retenu pour souhaiter la bonne année. Il a donc été envoyé et diffusé sur toutes les télévisions nationales africaines le 1er janvier 1993. C’est comme ça que : boum ! Je suis sorti des bars quoi !

L’émission de Gilles Obringer, Canal Tropical (RFI), avait beaucoup d’impact à ce moment là. Nous les artistes ont avait l’espoir qu’il nous remarque. Lui aussi a beaucoup aidé à la diffusion de ce morceau. Et après, fin 93, j’ai gagné le Prix Découvertes RFI. Grâce à ça, l’année suivante, avec Bamada, on a suivi un stage de formation musicale à Paris et puis on a fait notre première tournée hors d’Afrique (Francofolies de La Rochelle en France, Festival des Nuits d’Afrique à Montréal…).
 



La 2
ème version du morceau, avec beaucoup plus d’instruments, est sur mon premier vrai album : Muso Ko (1995). Plus tard, sur mon troisième album, Baro (2001), j’en ai fait une troisième version que je chante en espagnol. Il y a un lien entre la musique afro-cubaine et la musique mandingue, il y a des trucs cycliques, des riffs qui tournent. On se sent proches. On a donc essayé cette version salsa et ça a plu. Et puis il y a une guitare 12 cordes, ça a changé un peu le début du morceau. 
 


Parfois, à l’international, on me demande ce morceau. À Bamako, c’est systématique. Avec Bamada, on le joue plus rapidement maintenant. Moi, je le joue même en dormant ! Est-ce que j’ai arrêté de fumer ? Non, je ne peux pas dire ça. Mais je ne suis pas un vrai fumeur. Je fume seulement dans le paquet des autres (rires) ! »

Merci à Habib Koité d’avoir partagé avec nous ses archives personnelles.

Lire ensuite : L’hommage d’Habib Koité aux guitar heroes de la musique mandingue

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