Aujourd’hui, si vous voulez parler aux Acid Arab, comptez sur une interview à cinq voix. Et si, plus que jamais, le groupe dit « Nous », c’est parce qu’il cache sous son bras un étendard brûlant : Jdid, leur second opus, qui est enfin prêt.
Photographie Une : Frank Loriou
Acid Arab est une histoire de potes. La fondation même du groupe est liée à une amitié fondatrice, celle entre Hervé Carvalho et Guido Minisky, qui, au hasard d’un festival organisé en 2012 sur les rives de Djerba, vont s’entendre pour chérir une nouvelle muse : les musiques panarabiques et le panthéon musical de l’autre rive. Trois compilations, une création de label et des dizaines de dates turbulentes aux quatre coins de la planète plus tard, le binôme de DJs est maintenant devenu un quintet. Les producteurs Pierrot Casanova et Nicolas Borne ont rejoint le line-up du groupe, ainsi que Kenzi Bourras, beatmaker et claviériste du regretté Rachid Taha.
Aujourd’hui, si vous voulez parler aux Acid Arab, comptez sur une interview à cinq voix. Et si, plus que jamais, les membres du groupe disent Nous, c’est parce qu’ils cachent sous leur bras un étendard brûlant : Jdid, leur second opus, qui est enfin prêt. Le nouvel album du groupe paraîtra le 18 octobre, chez l’excellent pot belge Crammed Discs. Ce 11 titres est une balle, un album serré, tendu, farci de featurings hyper excitants — d’Ammar 808 à Sofiane Saidi — et pourtant très cohérent. Jdid est un bloc, sûrement car les Acid Arab ont trouvé leur son.
On a rencontré les Acid Arab dans leur QG de l’hyper centre parisien, au Shelter Studio, là où tout s’est joué pour Jdid.
Les gars, vous partez d’ici quelques heures pour Metz, à l’occasion d’une résidence pour préparer le live de Jdid… Et vous partez tous les cinq. À quel moment êtes-vous devenus un groupe ?
Dès nos débuts, alors qu’Acid Arab n’était encore qu’un simple concept de soirées, qui établissait un pont entre Acid House et musiques orientales, on s’est vite entourés de Pierrot (Pierre-Yves Casanova, producteur déjà croisé — notamment — sur la route de FCom, NDLR). Pour des besoins de production justement. Depuis, cette manie d’être toujours entourés, en studio, de plein de musiciens et de producteurs ne nous a jamais quittés. Acid Arab est une expérience collective, au line-up variable. On est devenu un groupe sans s’en rendre compte en fait !
Jdid est justement un album serré, très compact, avec un son qui lui est propre…
On ne savait évidemment pas où l’on se dirigeait pour ce nouvel album, mais nous cherchions justement quelque chose de serré comme tu dis. Nous voulions livrer quelque chose de moins compliqué, de plus recevable et évident… Et qui rentre plus facilement dans nos DJ set aussi. Peut-être qu’on a cherché la simplicité. On a le sentiment que les parts arabes et la techno sont complètement mêlées désormais. On ne distingue pas qu’est-ce qui est où. Jdid fait plus corps aujourd’hui. C’est notre projet le plus homogène à ce jour.
Est-ce lié au processus de composition ?
Pas sûrs, puisque la composition est différente pour chaque morceau. Sur le morceau « Rimitti Dor », on est parti d’une boucle d’un morceau algérien du début des années 90 de Cheikha Djenia par exemple. Et on est parti de ce beat pour construire le morceau autour justement. Pour d’autres tracks, on a démarré à partir de démos de Kenzi qui se sont retrouvées ensuite retravaillées en studio. Il est arrivé également que les morceaux soient composés en parallèle, avec le beat qui sortait d’un côté du studio parisien et de l’autre, avec Kenzi installé en studio à Sétif, qui enregistrait des musiciens et chanteurs sur place. Acid Arab n’a pas de modèle prédéfini, mais on tient à ce que notre patte soit prégnante sur chaque morceau. Et puis, l’autre dénominateur commun, ce que tout est finalisé ici, au Studio Shelter.
Comment s’est organisé, dans ce contexte de composition, le choix des featurings ?
On adore ce que fait Ammar 808 ! Énorme consensus sur sa musique au sein d’Acid Arab. Son album Maghreb United nous a retournés, il nous a vraiment mis un claque. On l’a déjà croisé sur la route, il y a un respect mutuel entre nous, cette collaboration était donc une évidence. Pour Sofiane (Saidi, NDLR) ou Cem Yıldız, nous avions envie de poursuivre des travaux déjà initiés sur Musique de France. Beaucoup des autres apparitions sont le fait de Kenzi. Les Filles de Illighadad, c’est Kenzi. En fait, Kenzi est hyper investi sur l’album. Et dans la vie du groupe en général d’ailleurs. Son rapport à Acid Arab a changé. À force de se côtoyer, de tourner ensemble, il y a quelque chose de très fort qui s’est noué entre nous tous. Kenzi, il est membre à part entière du groupe c’est clair. Ce qui est intéressant musicalement, c’est que l’on parvienne tous à se nourrir mutuellement. Dans les lignes de basses qu’il compose, on peut désormais ressentir des choses acides. À l’inverse, sa présence, son jeu à nos côtés nous a permis aussi d’arrêter de fantasmer une musique arabe. C’est ce qui fait que Jdid est plus simple. Il y a moins d’essais, de tentatives de faire « à la manière de ». C’est Kenzi qui s’en charge maintenant. Kenzi ne fait pas « à la manière de » c’est son jeu naturel qui est ainsi.
Justement Kenzi, tu peux nous parler de ta rencontre et de ton travail avec les garçons… Comment as-tu perçu dès le départ ce qu’ils tentaient de faire avec Acid Arab ?
Moi, je ne connaissais pas la musique électronique, j’ai vraiment découvert le genre avec Acid Arab en fait. Je viens principalement du raï, tu sais. Cette rencontre m’a donné l’occasion de me frotter à quelque chose de nouveau, et surtout d’opérer un métissage entre les deux. Quand j’ai rencontré le groupe, ils ne faisaient pas forcément la différence entre musique orientale et raï.
Le reste du groupe : Tu nous as tellement saoulés dans le van que depuis on a compris (rires) !
Kenzi : Mais en même temps, ils faisaient quelque chose de déjà très bien senti. En fait ils n’avaient pas une approche très académique, disons. Aujourd’hui, ils maîtrisent très bien la musique arabe dans son ensemble je trouve. Et puis, maintenant, il y a une vraie base Acid Arab. Sur « Club DZ », nous sommes partis d’un beat composé au studio. Je l’ai trouvé dingue et on a bossé mes parties clavier par dessus.
L’Algérie innerve une bonne partie de l’album, est-ce que vous allez enfin réussir à y jouer ?
On espère que ce sera pour cette année. C’est un souhait annuel en fait, qui ne se réalise toujours pas pour mille et une raisons, mais oui, nous espérons qu’avec la tournée de Jdid nous pourrons enfin nous y rendre. On a pas mal de live prévu, mais l’activité DJ reste également importante chez Acid Arab. Cela permet de nous rendre disponibles à des structures moins importantes que les gros festivals habituels. Et le DJ set permet de rendre hommage aux musiciens du monde entier, c’est essentiel.
Qu’attendre de votre label Acid Arab Records, hébergé chez Crammed Discs ?
Un rythme de parution plus important on espère (rires) ! Plus sérieusement, on continue de voyager dans le bassin méditerranéen, et à y assouvir nos envies de diggers… La scène Cairote est passionnante, toute l’ébullition autour du club VENT (un club qui du Caire accueillant bien des DJ’s, aujourd’hui disparu malheureusement, a toute notre attention.
Jdid signifie ‘nouveau’ en arabe. L’album sortira le 18 octobre chez Crammed Discs.
Acid Arab et son nouveau Club des 5 partent en tournée worldwide à partir de la semaine prochaine. Deux dates hexagonales, de taille, sont à noter : les Transmusicales de Rennes le 7 décembre 2019, à l’occasion d’un live spécial avec de nombreux guests présents sur Jdid, ainsi que le 31 janvier 2020 à l’Élysée Montmartre.