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The Pan African Music Magazine
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Sofiane Saidi : la nouvelle vie du raï, made in Paris

En tournée pour son deuxième album El Ndjoum, retour sur la carrière du chanteur parisien Sofiane Saidi.

Sofiane Saidi a une voix unique. Un timbre rare et assez élastique pour avoir tourbillonner dans les courants de la world des années 90 (chez Transglobal Underground, Natacha Atlas ou Tukuleur) sans se noyer, ni perdre son grain. Il a resurgi dans les années 2000 avec Smadj, Bojan Z, Ibrahim Maalouf ou Ballaké Sissoko, et plus récemment en invité dans La Hafla du duo Acid Arab. Après presque trois décennies de hafla (fête intensive) à Paname, où il a atterri après avoir quitté Sidi Bel Abbes, Sofiane Saïdi a sorti son deuxième album, El Ndjoum. Une vision bien parisienne du groove oriental.

Ca sent le kebab, le bobun, et la Malboro fumante. Un solo déchire l’atmosphère, c’est la trompette de Gilles Poizat qui embrasse Saïda, une reprise planante et désertique de l’immense Cheikha Rimitti. On est à Sidi Bel Abbes, au Caire, à Oran, à Barbès ou en Sicile. Ou plutôt en plein cœur du monde, au centre de Paris, près de Strasbourg Saint-Denis, là où Sofiane Saidi a enregistré son dernier album cet hiver, avec son excellent groupe Mazalda. Une dizaine de parisiens, biberonnés aux cassettes raï et mbalax, qui réinventent le groove oriental avec Sofiane, à coup de darbouka, bendir, gongs, sabars, guitares électriques, et synthés analogiques vintage. Un brin de nostalgie hantée par des cuivres venus ailleurs, mais habitée par cette urgence actuelle qui regarde vers le troisième millénaire sans perdre pied ni racines.

« Quand on a assassiné Cheb Hasni j’ai senti qu’il fallait se faire la malle. »

« On aurait pu faire ça en Algérie au studio de Rachid Baba Ahmed, construit à l’identique de Studio One, mais finalement, ici on est chez nous, et dans ce quartier, on a l’impression de vivre au milieu du monde. Ca ressemble à ma musique, explique la voix profonde de Sofiane. Moi j’ai jamais compris ce que voulais dire la world, j’ai toujours été traversé par pleins de cultures, rock, jazz, electro, etc. Mes musiciens sont de Lyon, d’Auvergne, de Sicile ou des Vosges, mais ils ont intégré les cultures africaines comme faisant partie de leur culture. Quand ils entendent des quarts de tons, ça ne les choque pas. Alors que moi arrivant en France, il y a 27 ans, j’osais pas jouer ça de peur qu’on me dise c’est quoi cette fausse note ?! »

On pourrait l’écouter parler pendant des heures, se laisser bercer par sa voix profonde aux accents de Paname. On y entend l’échos de son enfance aux portes du désert, à Sidi Bel Abbes, cette ville de garnison construite pour la légion étrangère en Algérie où Sofiane Saïdi a grandi, et aussi les nuits d’Oran où il s’est émancipé en commençant à chanter à 15 ans. Deux ans plus tard, dans les années 90, quand le GIA, le FIS et autres islamistes commencent à menacer sa liberté et les fêtes aux Andalouses ou au Dauphin, deux clubs bouillonant dans les nuits d’Oran, Sofiane met le cap sur la France.

« Quand on a assassiné Cheb Hasni j’ai senti qu’il fallait se faire la malle. Naturellement la France m’est apparue comme une deuxième patrie, malgré notre passif douloureux et les années de prison qu’avait fait ma mère (à cause de son engagement au FLN), j’avais des liens très forts. Je n’ai jamais été élevé dans la haine. Quand je suis arrivé, pour moi la France, c’était une version HD de l’Algérie, avec des couleurs et des magasins. C’était en décembre, j’ai découvert Père Noel, et j’avais envie d’y croire … »

« J’ai cet esprit de Paname en moi : sortir à 2 heures du matin, acheter une flasque de whisky chez l’épicier, aller dans un club à 3h du mat’, puis écouter du jazz et aller manger des huîtres à Gare du Nord quand le jour se lève ! »

Très vite, Sofiane tombe sous le charme du Louvre, découvre le jazz et voit son premier concert : Pink Floyd. Après deux ans de galère sans chanter, il intègre le milieu raï des cabarets parisiens où jouent Mami et Khaled, un monde underground comme en Algérie, avec ses prostituées, escrocs, dealers, et fêtards en tout genre. « Je me sentais riche ! Chaque soir je gagnais un Pascal (billet de 500 francs) et un quart de bouteille de whisky. Maintenant, ça n’existe plus vraiment les lieux raï à Paris. C’était dangereux, aujourd’hui j’ai du mal à imaginer Paris comme ça. »

Quand Didi et Khaled vont conquérir le monde, Sofiane doit s’éloigner de cet univers rugueux, il quitte Paris un moment, et travaille dans le milieu associatif. En organisant une Fête de la Musique, il rencontre le groupe Tukuleur qui va signer chez Universal, et le faire sortir de l’underground. Le voilà de retour à Paname. Viendront des collaborations avec Natacha Atlas et Transglobal Underground et enfin des projets plus personnels, au carrefour de plusieurs univers trempés dans la magie des nuits de Paris. « Quand on me demande, si je suis Français Algérien, c’est une question qui m’agresse, j’ai pas envie de décider. Je réponds que je suis parisien, voilà ! J’ai cet esprit de Paname en moi : sortir à 2 heures du matin, acheter une flasque de whisky chez l’épicier, aller dans un club à 3h du mat’, puis écouter du jazz et aller manger des huîtres à Gare du Nord quand le jour se lève ! Pour connaitre Paris, il faut glander et trainer ! » propose Sofiane.

Après des décennies d’errances nocturnes, de fêtes, de hype, d’histoires d’amour, de doutes et d’explorations, Sofiane est sûrement devenu le plus Parisien de tous les « railleurs » gouailleurs. Un roi de Paname qui sait emmener celui qui l’écoute jusqu’au bout de la nuit, vers le tarab, l’extase, le meilleur chemin vers l’ivresse poétique ou l’euphorie cathartique…

El Ndjoum disponible  dès le 30 mars, chez Carton Records.

Article publié le 1er février 2018, mis à jour le 28 octobre 2019

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