Le programmateur du festival Musiques Métisses d’Angoulême animait lors de la dernière édition une « sieste musicale », consacrée aux relations entre le jazz et les musiques du monde. Il la partage avec PAM, et donc, avec vous.
J’ai choisi ce thème parce que moi je viens plutôt du jazz, et j’aime bien cette question des relations entre le jazz et les musiques du monde. C’est aussi parce que j’aime bien rappeler, je le fais chaque année, que Musiques Métisses au tout départ c’était un festival qui s’appelait « Jazz en France », quand Christian Mousset l’a créé (1976). Moi personnellement je venais à Angoulême écouter les concerts de jazz du festival, et j’ai découvert plein de choses à ce moment-là, donc je trouve important de rappeler le point de départ du festival Musiques Métisses. Et bien sûr, ensuite, parce qu’entre jazz et musiques du monde, c’est des liens naturels. Le jazz, c’est la musique métissée par excellence, celle qui s’ouvre aux autres naturellement. Tous les grands noms du jazz, à un moment ou un autre, ont été intrigué par des sons d’ailleurs que ce soit Miles Davis dans les années 70 avec les musiques indiennes, les musiques du Brésil, etc. ou encore Dizzy Gillespie avec les Cubains, la liste est interminable. Si Coltrane n’était pas mort en 1967, il aurait forcément intégré ces musiques-là dans la sienne. Il en écoutait beaucoup, et il ne faut pas oublier que son dernier concert a eu lieu dans le club de Babatunde Olatunji, le percussionniste nigérian. Il y a des liens évidents, et il y a quantité de perles à écouter, qui sont autant de passerelles réussies.
Ce que je trouve fascinant quand on s’intéresse à ces liens entre jazz et musiques du monde, c’est de voir l’évolution des mentalités. Don Cherry par exemple, qui dès les années 70 travaillait avec des musiciens turcs… à l’époque, la presse spécialisée le considérait comme un illuminé. Ça a été un précurseur qui annonçait plein de choses. Et quelque part, le travail de Christian Mousset s’inscrit complètement là-dedans, une sorte de passerelle : il venait du jazz et a fait évoluer le festival.
Moi aussi je viens du jazz et j’ai été amené à écouter plein d’autres musiques. Et aujourd’hui je trouve qu’il y a plein de choses passionnantes notamment du côté de Londres avec des gens comme Shabaka Hutchings, Yussef Kamaal, une scène géniale qui n’est pas loin de tout ce qu’on vient d’évoquer.
Shankar – « All for You » (Vision, ECM, 1983)
Avec Jan Garbarek (saxophone) & Palle Mikkelborg (trompette)
Le saxophoniste norvégien Jan Garbarek, au son reconnaissable entre tous, a participé à de nombreuses expériences musicales (musiques du Pakistan, musique indienne, etc.). Ici, invité par le violoniste L. Shankar, avec un autre musicien venu de Norvège, le trompettiste Palle Mikkelborg, on (re)découvre le lyrisme et le son aérien de ce trio magique.
Ethnic Heritage Ensemble – « All Blues » (The Continuum, Delmark Records, 1997)
Avec Kahil El Zabar (percussions, chant, sanza), Joseph Bowie (trombone, perc.), Ernest Dawkins (saxophones, perc.), Harold Murray (perc., voix)
Ethnic Heritage Ensemble avec Kahil El Zabar (percussions, chant, sanza), Joseph Bowie (trombone, perc.), Ernest Dawkins (saxophones, perc.), Harold Murray (perc., voix) : « All Blues » extrait de l’album The Continuum, Delmark Records
Pilier de la scène afro-américaine de Chicago, le percussionniste Kahil El Zabar a toujours été fasciné par les musiques venues d’Afrique. Ici, il nous livre une version en apesanteur de « All Blues », le célèbre morceau de Miles Davis, en passant tour à tour du chant aux percussions et à la sanza.
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Conrad Herwig – « Impressions » (The Latin Side of John Coltrane, Astor Place Rec, 1996)
Avec Ronnie Cuber (sax. Bariton), Eddie Palmieri (piano), Jose Clausell (timbales), Brian Lynch, Mike Ponella, Ray Vega (trombones), John Benitez (basse), Adam Cruz (batt), Milton Cardona (congas), C Herwig (trombone)
Le tromboniste new-yorkais Conrad Herwig réunit ici la fine fleur de la scène musicale latino de New York pour une relecture de la musique de John Coltrane.
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A ngá – « A Love Supreme » (Echu Mingua, World Circuit, 2005)
Avec Baba Sissoko (voc), « Cachaito » Lopez (basse), Dee Nasty (platines), et bien d’autres… « A Love Suprême », extrait de l’album « Echu Mingua », World Circuit.
Ang á Diaz, le percussionniste cubain disparu trop tôt, élément important du Buena Vista Social Club, était aussi un arrangeur ingénieux, comme on peut l’entendre sur cette version étonnante de la composition de John Coltrane « A Love Supreme », avec les samples de Dee Nasty (un des premiers DJ français).
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A Filetta – « I Vostri Sguardi » (Danse, Mémoire, Danse, Tük Music, 2017)
Avec Paolo Fresu (trompette) et Daniele Di Bonaventura (bandonéon) : « I Vostri Sguardi », extrait de l’album « Danse, Mémoire, Danse », Tük Music.
Rencontre au sommet pour les polyphonies corses de A Filetta avec le trompettiste de jazz Paolo Fresu. Cette rencontre insulaire entre la Sardaigne et la Corse est une belle réussite !
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Dave Douglas Quartet – « Facing West » (Charms of The Night Sky, Winter & Winter, 1998)
Avec Dave Douglas (trompette) Guy Klucevsek (accordéon), Greg Cohen (basse) et Mark Feldman (violon) : « Facing West », extrait de l’album « Charms of The Night Sky », Winter & Winter.
Habitués des fêtes de la communauté juive de New York, ces 4 musiciens soutenus par John Zorn proposent ici, sous la direction du trompettiste Dave Douglas, un mélange de ce qui peut se faire de mieux entre le jazz et les musiques klezmers, ces musiques des juifs d’Europe de l’Est. Beaucoup de nostalgie et de tendresse dans les différentes compositions.
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Don Pullen & The African-Brazilian Connection – » Listen to the People », (Kele Mou Bana, Blue Note, 1991)
Avec Carlos Ward (saxophone), Nilson Matta (basse), Guilherme Franco ( bérimbau, percussion), Mor Thiam (djembe, perc.), Keith Pullen & Tameka Pullen (voix).
Pianiste virtuose entendu pendant plusieurs années aux côtés du contrebassiste Charlie Mingus, Don Pullen a réuni à la fin des années 80 différents musiciens de la diaspora brésilienne et sénégalaise. Le résultat est surprenant, par l’énergie qui se dégage de ces compositions où le jazz « vif » n’est jamais très loin.
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Chris McGregor’s Brotherhood Of Breath avec Archie Shepp – « Sangena » (Live En concert à Banlieues Bleues, 52è Rue Est, 1989)
Rencontre au sommet entre le pianiste sud-africain contraint de quitter l’Afrique du Sud de l’apartheid au milieu des années 60 et le saxophoniste afro-américain Archie Shepp. Deux symboles de l’engagement pour les droits de l’homme, de la lutte contre les discriminations, chacun à leur manière.
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