65 artistes, trois couchers de soleil enflammés, des afters bruts au fond du club… C’était le Moga 2019, qui n’a de cesse d’augurer une nouvelle ère radieuse pour les festivals électroniques au Maroc. On y était, on vous raconte.
Photo : Fanny Lopez
“Je pense qu’il existe ici de grandes possibilités en termes d’orga de Festival et de diffusion de musique en live…” Voici les mots du DJ italien Luca Bacchetti , alors qu’il découvre pour la première fois le site du Moga Festival. Nous sommes samedi, à J+1 de l’édition 2019 et d’ici deux heures, le producer électro mettra la scène “Garden” en orbite bass music et chill-house, à l’occasion d’ailleurs d’un set racé et délicat.
Après 72 heures passées sur les différentes terrasses du Sofitel d’Essaouira, peut-être est-ce là l’épilogue que l’on peut tirer de l’étonnant événement, organisé au crépuscule de l’été sur les rives de l’Atlantique. Le Moga est une expérience préliminaire, un prélude assez réussi à ce que pourrait devenir une certaine culture des festivals électroniques ici au Maroc.
Vendu comme un Festival “au cœur de la ville”, le Moga se joue en fait sur les pelouses bien gardées du Sofitel Essaouira Mogador Golf & Spa. Différentes initiatives ont certes été saupoudrées préalablement en ville – par exemple l’atelier Retro-Cassetta, un workshop de sampling sur des bandes de K7 chinées aux souks –, mais le cœur du festival a véritablement lieu à dix minutes en navette des remparts d’Essaouira. Au cœur d’un Five Star, soignement cloisonné du reste de la région et de ses habitants.
C’est d’ailleurs le seul vrai reproche que l’on peut honnêtement faire au Moga : son hermétisme face à la ville. Une dimension sélect qui n’est évidemment pas le fait des organisateurs : comme 90 % des grandes réunions électroniques au Maghreb, la fête y est ici préalablement négociée, copieusement sécurisée, son accès est soigneusement cadré et les tarifs, généralement assez élevés. Mais au-delà de ces portes bien gardées, vibre l’Eden.
Déjà, et c’est suffisamment rare pour le mentionner de ce côté-ci de la Méditerranée, la sécu est discrète, assez diplomate et loin d’être sur les dents. Les mecs en costards noirs bossent bien, et sont vraiment mis au service d’un public qui du coup, danse apaisée. En trois jours et trois nuits de fêtes intenses sur le Moga, je n’ai pas vu la moindre embrouille, pas entendu un mot plus haut que l’autre. L’événement est très attendu, et aucun ravers ici ne compte faire retomber la vibe pour un coup de coude involontaire ou un bar en rupture de stock.
Ensuite, le Moga peut se targuer d’être un beau festival. Le light show est fin, la scéno bien pensée, le son de qualité. Le Sofitel est organisé en une suite de cinq scène et terrasses, qui ferment au fur et à mesure de la soirée et de la nuit, alors que d’autres ouvrent à l’autre bout du site. La circulation y est donc plutôt douce, et on y déambule de façon progressive : avec une programmation quotidienne qui rayonne de midi à 5 heures du matin, le public n’est jamais saisi d’ennui.
Les couchers de soleil en bord de piscine ont donc constitué l’écrin rêvé pour les sets de d’Amine K, Behrouz, Chaim, Geju ou du néerlandais Matthew Dekay pour la dernière, tandis que les festivaliers glissaient gentiment vers le Garden. Le Garden ou les néo-jardins suspendus d’Essaouira, une scène plus intimiste et serrée, et qui a concentré selon moi, le cœur de la proposition artistique du Moga. Noritsu, Oxia, Konstantin Sibold – malheureusement un peu décevant – ou l’Égyptienne Bosaina, du collectif Kairo is Koming, y ont défilé, dans des sets hyper travaillés et agiles.
Le dimanche final, l’enchaînement Louise Chen puis ڭليثرGlitter٥٥ aura été un régal, tandis que la veille, la sortie de création, sur la même scène, entre le duo Parallells et le Maâlem Omar Hayat rappelait aux festivaliers qu’Essaouira est d’abord et avant tout une des grandes capitales mondiales de la culture musique Gnaoua.
Détendu et généreux en journée, l’événement s’est resserré chaque soir, jusqu’à finir au cœur du Sofitel, sur le dancefloor du So Lounge Club, qui, pour le coup, ne portait pas si bien son son. C’est ici, dans le ventre de l’hôtel, que les dernières lignes de basses ont rebondis sur des festivaliers absolument éreintés mais heureux. Au crépuscule du Moga, le Club et son dancefloor nappé de rouge reprenaient ses droits, hypnotiques, bruts et tendus.
Praslesh, Enzo Siragusa et bien sûr Kenny Dope – moitié du binôme Masters at Work – y auront assénés des finish intenses, en guise d’au revoir et d’une promesse, simple : à l’année prochaine Essaouira.
Écouter à nouveau la playlist du Moga, édition 2019.
Moga Festival, l’aftermovie de la dernière journée, ici.
Moga Festival, octobre 2020, Essaouira, Maroc.