Le reporter propose un voyage en Afrique à travers ses musiques, servi par une sélection de ses meilleures photos.
Après le succès de « Route du jazz » paru en 2014, le journaliste photographe d’origine camerounaise Samuel Nja Kwa revient avec nouveau bébé. Cette fois, accompagné par la plateforme Deedo, il pose son objectif sur l’Afrique de la musique. Des photos imprenables, des textes de passionnés et des contributions de penseurs pour une plongée unique dans l’univers de la musique africaine. Samuel Nja Kwa a ouvert ses portes à Pan African Music. Propos recueillis par Amadou Bator Dieng.
Après Route du Jazz, pourquoi un livre dédié à la musique du continent noir ?
Je suis africain et depuis que je travaille dans mon domaine, l’unique livre sur la musique africaine que j’ai connu, Musafrica, est celui du photographe camerounais Bill Akwa-Bétotè. Ce livre est une source d’inspiration, Bill y raconte la musique africaine à Paris dans les années 80.
Après avoir réalisé La Route du Jazz, je me préparais à faire un tome 2, puis j’ai commencé à regarder ce que j’avais dans mes archives et je me suis rendu compte que ma route du jazz m’avait aussi emmené en Afrique. C’était ma quête d’Afrique.
Il faut savoir que je suis né à Paris et que j’ai connu l’Afrique, le Cameroun, à l’âge de 7 ans. J’en suis reparti à l’âge de 15 ans pour étudier en France puis au Canada. En Amérique du Nord, j’ai écouté et rencontré pas mal de musiciens de jazz qui tous me ramenaient à l’Afrique. A la fin de mes études, devenu journaliste, je me suis rendu pour la première fois à Dakar en 1996. J’en suis tombé amoureux et je me suis dit qu’il fallait que j’aille à la rencontre d’autres villes africaines. C’est ainsi que j’ai été à Abidjan, à Bamako et plein d’autres villes. Dans mes voyages je me suis éduqué en découvrant les musiques de ces pays. Africa Is Music s’est imposé comme une évidence, il fallait que je partage mes expériences.
Chaque fois que je vais en Afrique, je photographie ce que je vois, ce qui me paraît pertinent. Dans le livre il y a des images datant de 1996 jusqu’en 2018. A vous de faire le compte.
Traverser l’Afrique en musique, c’est donc l’ambition d’Africa Is Music. Comment ressort-on d’une telle traversée ?
Africa Is Music est un œuvre autobiographique : j’y raconte l’Afrique que je traverse à travers la musique, mes rencontres avec les artistes africains. C’est une œuvre de partage et d’échange.
On en sort à la fois enrichi et surpris. Les cultures africaines sont d’une densité profonde. La musique joue un rôle important en Afrique, elle est partout, elle est historique, sociale, politique et économique. Elle sert aussi d’éducation, elle est présente dans notre quotidien, elle est aussi thérapeutique. Raison pour laquelle dans le livre je raconte l’Afrique à travers différents thèmes : Par exemple, « Qu’est-ce qu’un griot ? », « Bantu Spirit », « L’Afrique insulaire », « Musique et cinéma », « Musique et football » etc. C’est ainsi que j’ai découvert l’Afrique au fil de mes voyages.
Y’avait-il des « incontournables », autrement dit, des musiciens africains qui ne pouvaient pas ne pas être présents dans cet ouvrage ? si oui lesquels ?
Je n’ai pas réfléchi de cette façon. On retrouve plusieurs thématiques dans le livre. C’est ainsi qu’un artiste comme Youssou Ndour a pu se retrouver à la fois dans la thématique « musique et football », et dans celle « musique de conscientisation » par exemple. Idem pour Miriam Makeba ou Manu Dibango. Le livre contient plus de 200 images et pas que de portraits de musiciens.
Pourquoi le choix de Alune Wade pour la préface et la couverture du livre ?
Alune Wade a du talent, c’est un fait. Il représente une génération qui va de l’avant. Il connaît toutes les musiques d’Afrique. Il a joué aussi bien avec des musiciens d’Afrique du Nord que ceux ou celles d’Afrique de l’Ouest, centrale, du sud ou de l’Est. Il a joué avec des Américains, des Européens, des Brésiliens, bref des musiciens de tous les horizons. Dans la préface, il raconte son ambition, son parcours qui est exemplaire. C’est un musicien d’une grande humilité et qui est reconnu.
En ce qui concerne la couverture je recherchais une image qui raconte l’Afrique, qui raconte la modernité et la tradition. Je me suis retrouvé en 2017 à Jazz à Saint-Louis. Alune y performait et en rappel de son spectacle, il a invité des joueurs de Sabar de Saint-Louis. J’ai trouvé cela formidable, je ne pouvais pas rater cette occasion et cette image s’est imposée.
Des contributions de penseurs et de passionnés de musiques et des interviews d’artistes accompagnent vos photos (parmi lesquels Mamadou Samb, Manu Di Bango, Clement Osinondé, Coumba Sylla, Blick Bassy, Clémentine Farah). Les photos seulement ne suffisaient pas pour raconter l’Afrique en musique ?
Je n’ai pas rencontré que des musiciens, j’ai rencontré aussi des journalistes, des passionnés de musique. La musique est un partage et je voulais que ces personnes partagent avec moi leurs émotions et leurs sentiments. C’est un livre panafricain pour une musique panafricaine.
Les artistes maliens et camerounais sont les plus représentés dans cet ouvrage. Cela veut-il dire, pour vous qui voyagez beaucoup, que les musiques malienne et camerounaise sont les plus dynamiques du continent ?
A vrai dire je ne les ai pas comptés et comme je l’ai dit tantôt je n’ai pas réfléchi de cette façon. Il y a des Sénégalais qui jouent de la musique camerounaise, des Camerounais qui jouent de la musique mandingue, des Ivoiriens qui jouent de la rumba etc. La musique n’a pas de frontières. Il y a tant d’artistes que je voulais mettre dans ce livre, j’ai dû m’abstenir.
Le livre va faire l’objet d’expos un peu partout en Afrique, parlez-nous un peu de ce calendrier…
Pas seulement d’expositions photo. Il y aura aussi des instants de rencontres et de partages, des signatures. Je travaille avec une commissaire d’exposition, Nadine Bilong, qui est en train de mettre en place un calendrier. Je peux vous dire que les expositions passeront par Durban, Abidjan, Lagos, Dakar, Douala, Bamako…
Je serais en signature à la bibliothèque l’Alcazar à Marseille le 16 novembre, puis du 21 au 24 novembre au festival Visa for Music à Rabat sur le stand de Escales Bantoo.
Pour celles et ceux qui veulent me suivre rendez-vous ici.
Si L’Afrique était un instrument de musique ?
La sanza, likembé, mbira ou kalimba… C’est un instrument que l’on trouve un peu partout en Afrique et tout le monde peut en jouer. Et puis j’aime le son de cet instrument. Francis Bebey disait que c’est en jouant de cet instrument que Dieu a créé le monde. Je vous invite à écouter (son morceau) Mbira dance.
Photos : Samuel Nja Kwa, tirées du livre Africa is Music, 2018 éditions DUTA