fbpx → Passer directement au contenu principal
The Pan African Music Magazine
©2025 PAM Magazine - Design par Trafik - Site par Moonshine - Tous droits réservés. IDOL MEDIA, une division du groupe IDOL.
Le lien a été copié
Le lien n'a pas pu être copié.

Wizard Chan « ce que je veux, c'est durer pour toujours »

À la croisée de la culture des Ijaw – communauté de la rivière au sud du Nigéria – et d’incartades spirituelles et urbaines, l’enchanteur contemporain Wizard Chan façonne une musique d’élévation à nul autre pareil. Présentations.

La musique de Wizard Maxwell Fuayefika Chan oscille entre rap, highlife, reggae, hip-hop, soul ou pop africaine. Un creuset d’influence, qui trouve également sa source dans son identité Ijaw, une communauté issue de la rivière et établie dans le delta du Niger. Les Ijaw composent à grands renforts de bouteilles, de gongs et de cloches. Côté paroles, l’artiste égrène pensées philosophiques, proverbes et messages de motivation. Il collabore fréquemment avec les Boma Nime, une trio de guérisseuses traditionnelles qui utilisent la musique, les chants et les chœurs de prière autochtones dans leurs thérapies médicales.

Maxwell est devenu le magicien qu’on appelle aujourd’hui Chan dans un studio du centre d’Accra en 2015, à l’occasion d’un freestyle : « j’ai prononcé le mot Chan et j’en ai trouvé la tonalité très belle. Après cette session, tout le monde a commencé à m’appeler Chan. Je suis un magicien de la musique » confie le sorcier.« J’ai écrit ma première chanson pour un camarade de classe qui venait de mourir des suites d’une anémie falciforme », explique-t-il d’une voix douce. « En 2011, après le collège, je suis entré pour la première fois dans un studio de musique pour y enregistrer une chanson. À l’époque, je détestais déjà la façon dont sonnaient la plupart des projets musicaux africains. Ils m’avaient l’air si peu cohérents. J’ai donc voulu créer quelque chose d’unique et d’évident. » 

Chan, le sorcier qui guérit 

Tout au long des neuf titres de The Messenger, son premier album sorti l’année dernière, ainsi que des huit pistes de son deuxième LP, « Time Traveler », sorti une poignée de mois plus tard, Wizard Chan égrène des pépites rappées, hantées, farcies d’un groove reggae-ragga chaud, et de nombreuses sonorités traditionnelles. Ici, la nouvelle fusion hiplife baptisée  du titre « HighLife » prend tous son sens.

La musique de Wizard Chan est aussi largement imprégnée d’une foi profonde. Dans un titre comme « Mr Sailor Man », il aspire à la stabilité et s’en réfère aux conseils du Créateur : « Ô toi le marin, prie Jah pour qu’il protège tes mains / Et navigue vers la terre promise / L’amour du Père est tout ce que nous avons » («Oh Mr Sailor Man, Pray to Jah to guard your hands / Sail that boat to the promised land / Father’s love is all we have »). Bien qu’il ait, dans le passé, fait partie d’une chorale d’église, Chan refuse que sa musique soit perçue comme religieuse. Mais l’influence du gospel tout comme les esthétiques chrétiennes sont omniprésentes dans sa musique : dans « Demons and Angels », il confesse sans complexe être « en négociation avec mes anges / mais ces satanés démons se disputent pour moi » («I am in talks with my angels / But them demons they are fighting over me»), tout le reste de la chanson étant dédiée à cette bataille entre anges et démons. 

Truffées de proverbes et de mots d’esprit en anglais et en izon, le dialecte local parlé par la plupart des membres de la tribu de Chan, les chansons de Chan opèrent de véritables plongées au cœur de la psychée humaine : sur l’excellent « Loner » extrait de The Messenger, morceau en featuring avec Joeboy, le Sorcier parle du danger de l’alcoolisme comme mécanisme de défense, en chantant : « à l’aide, mon Dieu, sauvez-moi de moi-même, car je réfléchis trop quand je bois du rhum » («Someone save me, Lord, from myself, because I think a lot when I mix my rum»). Toujours sur « Demons and Angels », il aborde la gestion de la colère, expliquant que « pour gérer la colère je me renferme sur moi-même / Dans ma chambre, cette cellule qui me protège du manque de respect » («anger management is me locking up myself/ In my room, making it a cell to avoid some disrespect »).

« Les voix sont fêlées, les sons sont tendus »

L’homme est persuadé que ses compositions spontanées, traditionnelles et ultra-mélodiques découlent de sa propre spiritualité : « j’appelle ma musique « afro teme » [prononcez « afro tè-mè »], ce qui dans ma langue maternelle signifie « musique spirituelle africaine ». Je suis un Ijaw, originaire de la région sud du Nigéria, mais ce n’est qu’à l’âge adulte que je suis retombé dans le côté traditionnel de notre culture » explique Chan. « La musique que je faisais à mes débuts ne sonnait pas comme ça ; il m’a fallu écouter énormément de sons locaux. »

Au sorcier d’ajouter : « j’aime l’idée que sur le continent, on se concentre davantage sur les émotions et sentiments que sur la théorie musicale. Lorsque nous chantons, c’est avec le cœur, de façon instinctive. Nous sommes bien plus spirituels que nous ne le pensons. C’est pourquoi j’évite sciemment d’en apprendre trop sur la théorie musicale et les aspects techniques. Il ne s’agit pas de jouer la note parfaite. Si vous avez déjà côtoyé des Ijaw, vous avez alors remarqué que nous chantons à l’unisson. Nous chantons comme si c’était notre dernier souffle, et que tout le monde était sur le point de mourir. Les voix sont fêlées, les sons sont tendus. À l’écoute, on a l’impression d’être en transe, comme s’il y avait une connexion spirituelle. »

Lorsqu’il compose, le sorcier s’enferme « seul et dans des pièces sombres » la plupart du temps. Pour Chan, les idées s’expriment mieux « quand je traverse un moment important ou juste après », une singularité qui lui est restée depuis l’écriture de sa première chanson, le garçon était encore au lycée : « j’ai commencé à faire de la musique juste pour moi et pour mes enfants qui étaient sur le point de naître. En vrai, je ne pensais pas que je pouvais connaître le succès. Les gens dont la carrière explosait étaient plus jeunes que moi, un trentenaire. Et puis, finalement, j’ai décidé de ne plus me soucier de mon approche artistique, d’opérer uniquement librement, à l’instinct. »

« Il s’agit de se déployer. Le son lui, doit rester le même. »

Un instinct qui le pousse à ignorer tous les conseils des observateurs, prompts à jeter le magicien dans la pop africaine contemporaine : « je n’aime pas et ne recherche pas la célébrité. Ce n’est pas ma motivation première. Ce que je veux, c’est durer pour toujours, pas juste pour une minute ou quelques mois. »

L’omniprésence de l’imagerie cultuelle de Chan est souvent confondue avec de l’occultisme, parfois même au sein de sa fanbase : « je comprends pourquoi on parle de musique occulte, puisque de nombreux groupes sectaires ont utilisé des sonorités proches des miennes. Il faut savoir qu’elles appartiennent à certaines personnes et au territoire d’où elles sont originaires, c’est-à-dire nos villages. » Dans un récent post sur X, Chan ajoutait : « ma musique n’a rien à voir avec les cultes. C’est une pratique de chant qui a pour but de redonner le moral. C’est la manière dont mon peuple chante et quiconque a émis l’idée que nos chansons étaient de la musique de culte ne fait que détruire la culture de quelqu’un d’autre. »

Wizard Chan est fermement convaincu que son catalogue doit rester ancré dans sa propre histoire, dans les sonorités africaines relevées, qui se parent d’atours parfois ésotériques comme de percussions africaines complexes : « suivre des règles musicales strictes peut limiter la créativité. Si tu es capable de rassembler des sons provenant de différents endroits, de différentes régions et que tu essaies de les intégrer dans ton univers accompagné d’un bon message, alors tu obtiens un son intemporel. Pour moi, il s’agit juste de me déployer, le son lui, doit surtout rester le même. »

Chargement
Confirmé
Chargement
Confirmé