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The Pan African Music Magazine
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Vaudou Game revient encore plus funky, encore plus vaudou, encore plus vintage

Chronique d’Otodi, troisième album de Vaudou Game.

 

Au cours des décennies post indépendance, bon nombre de pays d’Afrique Subsaharienne, surtout ceux d’obédience socialiste, instaurèrent des semaines ou biennales artistiques afin de stimuler la production, théâtrale, musicale ou chorégraphique. Le Togo comme tant d’autres pays organisait en fin d’année scolaire ses semaines culturelles pour distinguer les meilleurs artistes en herbe des différents établissements. C’est à la faveur de l’un de ces événements, qu’un jour de l’année 1985 le destin du guitariste chanteur Viwanou Déboutoh sera scellé. Aujourd’hui, il se nomme Peter Solo et son band : Vaudou Game.

Otodi, son nouvel album, porte en lui l’histoire singulière du studio analogique construit dans les années 70 à Lomé, la capitale du Togo, par le président Étienne Gnassingbé Eyadema. Le complexe de l’Office Togolais du Disque (OTODI) fut réalisé sur 300 m2 par l’acousticien Scotch. Il offrait alors un son d’une qualité exceptionnelle. Les têtes d’affiche de l’époque y affluent pour enregistrer leurs musiques, notamment les Zaïrois Abéti Massikini, Sam Mangwana ou l’Ivoirien Daouda « le Sentimental ».

Après plusieurs années d’intense activité, voici qu’un jour le président Eyadema convoque les gestionnaires. Ces derniers, coupables d’une gestion scabreuse, s’en étaient mis plein les poches. Ils disparaissent alors dans la nature. Furieux, le chef de l’État met OTODI sous scellés, et le studio croupira sous la poussière plus d’un quart de siècle avant que Peter Solo, boulimique de son vintage, n’obtienne sa réouverture, le retape sur fonds propres et y enregistre l’album baptisé « Otodi ». Le premier album de sa formation enregistré en Afrique. 


Peter Solo veut y mettre en avant le son authentique du terroir, et invite à nouveau au chant son oncle Roger Damawuzan, icône de la Soul des 70’s, quand les clubs de Cotonou et de Lomé vibraient de sons latins et funks. Il confie la section rythmique à ses compatriotes, Gilbert Al-Nho à la batterie, Gaétan Ahouandjogbe à la basse, Kossi Mawun et Mass Aholou Yao aux percussions.

Treize titres chaleureusement festifs vous propulsent d’emblée dans la Soul-Funk, ambiance Apollo Theater d’Harlem, ou vous téléportent dans les dancings High-Life d’Accra au Ghana et parfois – flirtant avec l’afrobeat, jusqu’au Shrine de Fela. Tous sont porteurs de l’obsession qui s’est emparée de Peter Solo depuis la publication de son projet « Analog Vaudou » en 2011. Le disque, selon lui, de la transition. Désormais, sa musique sera à l’image de la culture vaudou qui l’habite. « … avant cette production, je m’égarais sur les terres nébuleuses de la world musique où l’on nous demande de faire une musique africaine, ensoleillée, mais convenable aux oreilles des blancs, en m’y inscrivant, je mettais mes envies profondes sous le boisseau et fuyait mon devoir de raconter le vrai Vaudou, diabolisé par Hollywood. » 


Sur ces questions, Peter Solo, qui plaide non coupable dans « Not Guilty », premier titre de Otodi, le répète : il ne veut porter de jugement sur qui que ce soit, il ne revendique rien :
« Je veux juste montrer que le Vaudou, ce n’est aucunement cette magie noire que certains croient. C’est une philosophie, une spiritualité, un mode vie en adéquation avec la nature. Et l’importance de la nature, on doit l’enseigner aux enfants ». D’ailleurs, le titre « Pas la peine » s’en fait écho, rappelant les dangers des pesticides qui infestent les produits soi-disant « naturels » que nous consommons.

Mais cette troisième livraison de Vaudou Game ne traite pas que de questions spirituelles ou écologiques. « Tata Fatigué » constate à quel point l’on est contraint de travailler toute une vie sans relâche. Et pour beaucoup d’entre nous, combien il est difficile de satisfaire tous les besoins vitaux, malgré l’ardeur à la tâche. Sans parler de la masse de gens contraints de se contenter d’un boulot loin d’être excitant. Quant à ceux qui n’en finissent pas de se plaindre du froid en hiver ou du chaud en Eté, ils en ont pour leur grade dans « Soleil Capricieux ». Et dans « Bassa Bassa » Peter invoque l’esprit de sa mère, décédée très jeune, afin qu’elle continue de lui inspirer les enseignements de la vie depuis l’au-delà.

S’interroger sur nous même, sur notre relation avec nos semblables, sur ce que nous avons réalisé pour l’homme qui puisse demeurer après notre passage sur terre, tels sont les enseignements que Peter Solo a gardés en mémoire après son retour, en 2012, d’un séjour au couvent vaudou. Il y a raffermi et approfondi ses connaissances, renoué avec ses racines, et reçu l’onction des anciens lui l’autorisant à inscrire les rythmes du culte dans son art et à parler librement du Vaudou sur la place publique. C’est depuis lors la voie de Vaudou Game, et Otodi – en hommage à la matrice du son de Lomé, l’incarne brillamment.

Otodi de Vaudou Game, disponible chez Hot Casa Records depuis le 26 octobre 2018.

En concert à LaPlage de Glazart jeudi 29 août 2019. Plus d’infos.

Lire ensuite : « Essingan » : histoire d’un tube en souvenir du guitariste Zanzibar

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