2018 fut une année faste pour la réédition de trésors musicaux venus des quatre coins du continent. Revue de nos coups de cœur en 25 albums.
Qu’on se le dise, la redécouverte des merveilles du passé est en pleine expansion, et les labels qui s’y consacrent fleurissent à la faveur de la progressive disparition du CD et du renouveau du vinyle. Des pans entiers de l’histoire musicale du continent ressurgissent ainsi au grand jour, et sortent de leur zone d’influence traditionnelle souvent confinée à une région. C’est ainsi que l’Afrique orientale, de l’Egypte à l’Ethiopie en passant par le Soudan et la Somalie, est particulièrement bien représentée dans cette sélection, pour le plus grand bonheur de ceux qui aiment les déclinaisons multiples de la soul et du funk, acoquinées aux rythmes et mélodies directement puisées dans les riches traditions locales. Le temps poursuivant sa course inexorable, les années 80 sont elles aussi devenu vintage, et de l’Afrique du Sud à la France des quartiers, on redécouvre la fringale des artistes pour les synthétiseurs et autres machines prêtes à toutes les expériences. Sans oublier quelques grands classiques ouest-africains qui n’ont pas pris une ride et connaissent un nouvelle naissance.
Dans ce tour non-exhaustif, on ne saurait oublier les Antilles, en particulier françaises, dont la créativité jamais démentie n’est malheureusement pas jusqu’ici arrivée aux oreilles du plus grand nombre. Cette année aussi, les chansons d’exil, les chansons de lutte ou celles qui témoignent de la vie des communautés d’origine africaine sur les terres d’Europe sont mises à l’honneur, renouant peu à peu les fils d’une histoire pourtant majeure à laquelle des labels ont enfin donné droit de cité.
Notre sélection, qui a donné lieu à bien des débats, n’est qu’une photographie de nos coups de cœur. Les numéros ci-dessous ne renvoient pas à un véritable classement, tant les rééditions que nous avons choisies traversent des contrées, des époques et en somme racontent des histoires différentes. Autant vous le dire, toutes sont à réécouter, avant que 2019 ne nous en livre de nouvelles.
Écoutez la playlist issue de cette sélection sur Spotify et Deezer.
25. Orchestre Abass
De Bassari Togo
Analog Africa
Tout a commencé en 2008 explique le label, Analog Africa. « J’écoutais des cassettes qui appartenaient auparavant à PolyGram, l’une des principales maisons de disques basées en Afrique de l’Ouest. Vers la fin des années 80, l’instabilité politique et les couvre-feux ont paralysé l’industrie du disque, obligeant Polygram à fermer ses filiales ghanéennes. La majorité des enregistrements ont été emballés dans des cartons et laissés dans un entrepôt à Accra pendant trois décennies. » C’est grâce au regretté Malam Issa Abass, fondateur et guitariste du groupe ayant été tué en 1993, avec l’aide de Thon Komla et Abderaman Issa, respectivement auteur-compositeur et guitariste du groupe, que le label a pu reconstituer la biographie du groupe.
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24. Various Artists
Heads Records –South African Disco-Dub Edits
Soundway Records
Créé par le défunt producteur et chanteur sud-africain Emil Zoghby, Heads Records n’a malheureusement eu que deux années d’existence. De 1982 à 1984, la maison de disque a malgré tout produit quelques dizaines de disques d’excellente qualité et souvent convoités par les DJs et collectionneurs d’aujourd’hui.
Ce nouvel EP du label anglais Soundway accueille la version originale de « Picnic » – single de Starlight dont la face B faisait partie de la précédente compilation Gumba Fire – ainsi que les edits du New-Yorkais JKriv (Deep & Disco Recordings / Razor-N-Tape) et de Frankie Francis (Sofrito Sound).
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23. Ernesto Chahoud
Taitu: Soul-fuelled Stompers from 1970s Ethiopia
BBE Records
Directement imbibée de la sueur des clubs d’Addis-Abeba des années 1970, la compilation Taitu du DJ libanais Ernesto Chahoud comprend des oeuvres compilées et rééditées pour la première fois. Vingt-cinq titres qui témoignent de son amour pour le digging de trésors discographiques éthiopiens, comme le super « Emnete » du parrain de l’éthio-jazz Mulatu Astatke ou le « Honey Baby » de Alemayehu Eshete, le musicien que l’on surnomme le « Elvis éthiopien ».
Chahoud fait ainsi revivre des 45 tours éthio-soul historiques de la musique éthiopienne des années 70. Une époque essentielle où le jazz, le funk, la soul et le boogaloo joué par les groupes locaux fusionnèrent avec le R&B et le rock’n’roll. Difficilement classables, ces bouts d’histoires ont pour trait commun ce savoureux grain lo-fi lié aux conditions d’enregistrements rudimentaires.
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22. Various Artists
African Scream Contest 2
Analog Africa
Il y a maintenant dix ans, Analog Africa sortait la première compilation African Scream Contest, un disque d’une cohérence surprenante, et d’une solidité électrifiante, comme le serait n’importe quel classique de blues, funk, ou punk.
Pour ce nouvel opus, le label a fait appel au musicien béninois Lokonon André pour partir à la recherche des artistes et titres rares. Sa mission était de mettre en valeur l’intrépide expression créative des artistes du Bénin, au cours d’une époque, les années 60 et 70, marquée par d’importants spasmes politiques.
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21. Shams Dinn
شمس دين
Smiling C
Akim, alias Shams Dinn, alias Cyd Master « M », alias Mohamed Ben Bouchta commença le rap dans les boites de nuits lyonnaises au débuts des années 80. Sorti en 1987, le premier disque du chanteur marocain distribué à un millier d’exemplaires rencontra rapidement un succès d’estime, notamment dans le quartier Barbès à Paris, plaque tournante du raï en France, et passera même sur les ondes de Radio Nova. Shams fera également un peu de scène, dont une date avec son héros favori, le pionnier du rap new-yorkais : Afrika Bambaataa.
Une vingtaine d’années plus tard, c’est le label Smiling C qui nous fait redécouvrir Shams Dinn avec une compilation composée de six titres jamais sortis auparavant, ainsi que son one-hit-wonder « Hedi Bled Noum », en écoute ci-dessous. Tous ces morceaux débordent d’une énergie folle, notamment grâce au mélange explosif des sonorités funk, hip-hop et raï. Cerise sur le gâteau, le vinyle comporte des visuels et photos exclusifs, ainsi qu’une interview de l’artiste.
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20. Les Maxel’s
Le Retour de Toto
Atangana Records
Initialement sorti en 1976 sur le mythique label les Disques Debs, « Le Retour de Toto » refait surface sur le label Atangana Records. Aujourd’hui remastérisé, le titre original est un véritable dancefloor killer qui se situe quelque part entre le zouk, la musique latine, la biguine et le calypso. Le boss du label, Deni Shain, en a également profiter pour remixer le morceau, le rendant ainsi encore plus explosif.
Deni raconte : « Nous avons découvert cette pépite avec mon ami Likkle Ben, après une nuit de digging, et quand nous avons entendu le break au clavier… Nous sommes devenus fous ! »
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19. Various Artists
Gumba Fire : Bubblegum Soul & Synth-Boogie in 1980s South Africa
Soundway Records
La bubblegum music est né en Afrique du Sud dans les 1980, à partir des cendres du disco. Particulièrement dépouillés et lo-fi, les morceaux était composés à partir synthés et boiîtes à rythmes qui venaient contraster avec les vocal soul si propres à la musique sud africaine. La compilation Gumba Fire: Bubblegum Soul & Synth Boogie In 1980s South Africa redonne vie à un mouvement musical qui se situait entre les années 70 – période où le jazz, le funk et la soul était roi – et celle des années 90 – où la house musique s’est imposée sur tous les dancefloors du pays.
Le nom « gumba fire » est synonyme de « fête torride » et fait allusion à « gumba gumba », terme désignant les DJs des radios qui diffusaient la musique dans les townships et villages.
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18. Various Artists
French Boogie 82/89 Vol 2
Born Bad Records
Chébran – French Boogie 82/89 Vol 2 est une compilation salutaire pour se rappeler qu’il y a 40 ans, on a vraiment cru à la possibilité d’une France black-blanc-beur inspirée par les sonorités des States.
Il y a quelque chose du soleil de province dans cette compilation. Le soleil des routes nationales et des zones industrielles dans lesquelles les discothèques et boîtes de nuit – « Moonlight », « Sphinx » et autres « Manhattan » – ont élu domicile dans la France des années 1980. Ce pays des grands ensembles HLM, des villes nouvelles et des utopies sociales d’intégration pacifique, qu’on regarde aujourd’hui comme à travers un filtre suranné, jauni ou grisé — c’est selon si l’on se place du côté des optimistes ou des pessimistes. Cette compilation donne à entendre une totale décontraction avec l’usage triple et simultané du français, de l’anglais approximatif et parfois yaourtisé, et de la langue du pays d’immigration (l’arabe, souvent). Un usage linguistique et culturel décomplexé, oui, mais seulement pour ces productions à l’audience confinée, malheureusement pas représentatives des réalités sociales de l’époque.
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17. Kamal Keila
Muslims And Christians
Habibi Funk
Muslims And Christians est la première sortie du label Habibi Funk sur les musiques oubliées du Soudan. Elle est consacrée à Kamal Keila, un artiste dont le nom est souvent remonté lorsque Jannis Stürtz – le fondateur du label – enquêtait sur les groupes locaux et nationaux des décennies passées.
Muslims And Christians est tissée de chansons sur l’unité du Soudan, la contestation de la censure de rigueur à l’époque, la paix entre les Musulmans et les Chrétiens, le destin des orphelins de guerre… toutes sont portées par des grooves puisant dans les sons arabes, le funk américain tout autant que dans la culture éthiopienne voisine.
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16. Kwi Bamba & l’orchestre de Gama Berema
Kwi Bamba & l’orchestre de Gama Berema
Ouch! Records
Loin du répertoire mandingue, les chants en guerzé ou en kono comme les rythmiques saccadées habitent ce disque du Gama Berema, cet orchestre dont le nom est emprunté au chef-lieu de sous-préfecture dans la province de Lola, à la frontière ivoirienne.
Monté par Kwi Bamba, vétéran saxophoniste, l’orchestre Gama Berema renvoie aux grandes heures du Nimba Jazz de N’Zérékoré, un combo créé en 1960, dont la mission visait à promouvoir la musique traditionnelle guinéenne avec une instrumentation moderne. Un disque Syliphone Gön Bia Bia, daté de 1980, en porte trace : sur le thème-titre, le saxophoniste souffle les braises sur son ténor. « Les mystères de la forêt peuvent être percés en musique », conclut le court texte de pochette qui figure au dos de ce LP qui s’échange désormais à plus de 100 euros. Et c’est vrai que toute l’originalité du Nimba Jazz, par rapport notamment au plus reconnu Bembeya, consistait dans l’utilisation des rythmes et des chants si particuliers des ethnies animistes de la région de Guinée Forestière, peuplée principalement par les Guerzé (ou Kpellé).
La Guinée Walaye rappelle que la tradition ainsi électrifiée et boostée par une section de cuivres au taquet se jouait partout dans le pays. À plus de 1000 kilomètres de la capitale, la rythmique y est tout à fait singulière, basée sur de courtes boucles enchevêtrées.
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15. Asnakech Worku
Asnakech
Awesome Tapes From Africa
Awesome Tapes From Africa réédite Asnakech, un album de la fameuse musicienne, danseuse et actrice Asnakech Worku. C’est la première fois que ce disque sort en dehors de l’Éthiopie.
Asnakech était une icône de la culture éthiopienne, qui n’a cesser de casser les codes, et ce jusqu’à sa mort en 2011. Célèbre actrice de théâtre dans les années 50 – à une époque où les hommes mettaient des robes pour jouer les rôles de femmes –, Worku a aussi fait carrière sur le grand écran, a eu son propre club et était une des meilleures joueuse de krar, la harpe traditionnelle éthiopienne.
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14. Ali Hassan Kuban
From Nubia to Cairo
Piranha Records
Sorti en 1988, le label Piranha Records réédite pour la première fois le classique From Nubia to Cairo de l’une des plus grandes stars de l’Égypte dans les années 70-90, Ali Hassa Kuban. Il était connu comme « Le Capitaine » ou « Le Parrain » de la musique nubienne. Certains le surnommaient même « Le James Brown égyptien ». Autodidacte, la carrière du musicien commence quand il déménage de la Haute-Égypte au Caire. Connaisseur du répertoire musical pentatonique des racines de l’Égypte noire, il est devenu « l’un des musiciens de mariage les plus populaires du Nil », explique le label Piranha Records.
Ce disque unique, qui fusionne musique nubienne, salsa, funk, et musique arabe contemporaine, a été remasterisé à partir des bandes analogiques originales.
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13. Victor Démé
Victor Démé
Heavenly Sweetness
Il y a dix ans, le chanteur burkinabé Victor Démé sortait son premier album solo et se retrouvait propulsé sur les scènes du monde entier. Comme une revanche heureuse sur les années de galère qu’il avait traversées et sur les batailles qu’il avait dû livrer, jusque dans sa propre famille, pour s’adonner à la musique. Dix ans après, le label Heavenly Sweetness réédite en vinyle ce fameux album enregistré dans les locaux du studio Ouagajungle, à Ouagadougou, baptisé Victor Démé.
L’album justement. C’est grâce à la rencontre de Camille Louvel, jeune ingénieur du son français installé à Ouaga, qu’il va l’enregistrer. Dans le studio de l’association Ouagajungle, dont la cabine d’enregistrement est isolée par une épaisse vitre faite de pare-brises récupérés sur des camions. Il y fait chaud, mais l’endroit est vite devenu un repère fréquenté par des dizaines de musiciens de la capitale burkinabée. Camille Louvel et trois autres amis montent, pour publier le disque de Démé, leur tout premier label, Chapa Blues — Chapa en hommage au Chapalo, et blues certainement en hommage à la voix de Victor Démé lorsqu’il chante « Djon Maya ». Une chanson qui ressemble à son destin, celui d’un homme modeste qu’hier on regardait de haut, et qui, sans que personne ne l’ait vu venir, a gravi subitement les sommets.
Revisitez notre chronique de l’album ici.
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12. Zamaan Ya Sukkar
Exotic Love Songs and Instrumentals from the Egyptian 60’s
Radio Markito
Cette compilation sorti sur le label Radio Martiko raconte la créativité d’artistes égyptiens férus de musiques exotiques. Ce disque surprenant offre un voyage exubérant et résolument dépaysant. Est-on en Égypte, à Cuba, au bord d’une arène andalouse, ou dans un dancing algérois où se pressent des danseurs en pattes d’éph ? Un peu tout cela à la fois.
Les Américains comme Martin Denny, dans les années 50, puisaient instruments et sons dans les cultures d’Orient, d’Afrique et du Pacifique pour offrir des voyages musicaux dans des pays imaginaires. On appelait ce mouvement « exotica ». Voilà pourquoi les selectas du label Radio Martiko voient dans ces pépites des exemples d’exotica en version égyptienne. Le terme peut néanmoins se discuter, tant les influences musicales, particulièrement celles venues des Caraïbes et des États-Unis, circulent alors dans le monde entier. Ils ont une influence déterminante, comme en attestent le développement à la même époque du highlife ghanéen ou de la rumba congolaise.
Retrouvez la chronique de l’album ici.
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11. Various Artists
Disques Debs International, Vol.1 : An Island Story: Biguine, Afro Latin & Musique Antillaise 1960-1972
Strut Records
Créée par le défunt Henri Debs à la fin des années 50, la maison de disque qui porte son nom a incontestablement joué un rôle central dans la mondialisation de la musique créole et son ouverture à un public toujours plus large. Debs a produit plus de 300 singles et 200 albums en plus de 50 ans d’histoire, couvrant de nombreux styles allant de la biguine au bolero, en passant par le zouk ou encore le reggae.
An Island Story: Biguine, Afro Latin & Musique Antillaise 1960-1972 est le premier volume de cette série intitulée « Disques Debs International ». Il revient sur la première décennie du label, mettant en lumière les big bands et vedettes locales, les groupes en tournée de passage en Guadeloupe, ainsi qu’une toute nouvelle génération d’artistes qui émergea à la fin des années 60. On retrouve dans les premières sorties – enregistrées dans l’arrière-boutique à Pointe-à-Pitre – un sextet de biguine d’Henri, le jeune saxophoniste Edouard Benoit, leader de Les Maxels et arrangeur des différents groupes Debs ; de grands orchestres tels que Orchestre Esperanza et Orchestre Caribbean Jazz ; le poète et figure radiophonique Casimir « Caso » Létang ; l’artiste de gwo ka Sydney Lérémon. Enregistrés lors de leurs tournées en Guadeloupe, des artistes étrangers figurent également sur le label, dont le trompettiste haïtien Raymond Cicault et le chef d’orchestre trinidadien Cyril Diaz.
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10. The Scorpions & Saif Abu Bakr
Jazz, Jazz, Jazz
Habibi Funk
Réédité par le label Habibi Funk, Jazz, Jazz, Jazz de The Scorpions & Saif Abu Bakr est sorti en 1980. Composé de morceaux instrumentaux qui rappellent les B.O. de films noirs des années 70 et d’autres davantage ancrés dans la tradition soudanaise, beaucoup d’entre eux sont des versions modernisées de rythmes traditionnels des différentes régions du pays, et il y a même une incursion dans la rumba congolaise. Explications des maîtres d’oeuvre de cette réédition : « Alors que toutes nos sorties jusqu’ici ont été imaginées comme des compilations avec une sélection de nos titres préférés d’un artiste, cet album est notre première réédition stricto-sensu, tout simplement parce que la qualité de l’album n’est altérée par aucun morceau [plus faible que les autres ; NDLR]. Avec ses influences très éclectiques, c’est un album à nul autre pareil et un modèle pour ce que nous essayons de faire avec Habibi Funk. »
Cette première réédition d’album marque la neuvième sortie du label, juste après la série de compilations qui nous a fait redécouvrir le fameux Muslims and Christians de Kamal Keila.
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9. Ali Farka Touré
The Source
World Circuit
L’un des plus beaux albums du maître et du maire de Niafunké, déjà très connu au Mali et dans les pays voisins, mais qui aura explosé à l’international au cours de ses années World Circuit. Ali y gagnera plus tard deux Grammy Awards.
The Source est sans aucun doute l’un de ses plus beaux disques, quand sa guitare charie avec elle, comme le fleuve Niger, les histoires et les rumeurs du monde, les joies et les peines quotidiennes, enveloppant des chœurs qui prennent sur ce disque des airs sacrés. Comme si le disque tout entier était une cérémonie orchestrée par Ali Farka Touré. C’est d’ailleurs en petit comité, avec ses musiciens les plus fidèles (tels Afel Bokoum au chant, Hamma Sankare à la calebasse et Oumar Touré aux congas) que The Source a été enregistré. Avec le passage d’amis invités, comme Taj Mahal qui intervient sur deux morceaux, et Nitin Sawhney qui joue des tablas sur un autre.
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8. Various Artists
Antilles Méchant Bateau
Born Bad Records
Après une géniale compilation sur le Boogaloo créole, le label parisien Born Bad Records continue de redorer le blason de la musique antillaise avec une compilation de 15 titres des années 1960 et 1970.
Entre cadences infernales qui empruntent aux rythmes « latins » des îles voisines, biguines au tempo épicé de percussions et ballades plus à la coule, pas moins sombres, Antilles Méchant Bateau nous replonge dans les premières heures d’un mouvement de renaissance synonyme de reconnaissance. Un bain de jouvence où toutes les musiques de la diaspora née dans l’Atlantique noir s’entremêlent naturellement. Telle une vague de sons, de sens et de sang qui rappelle que du fond des cales de ces méchants bateaux a surgi une culture originale, dont la trace demeure des plus tenaces en 2018.
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7. Jess Sah Bi & Peter One
Our Garden Needs Its Flowers
Awesome Tapes From Africa
Our Garden Needs Its Flowers est un classique country-folk datant de 1985, en provenance de Côte d’Ivoire. Réédité par l’excellent label Awesome Tapes from Africa, ce disque a offert à Jess Sah Bi & Peter One l’opportunité de conquérir des stades entiers et de se produire devant toutes sortes de dignitaires en costume.
Certes, la Côte d’Ivoire n’est pas une terre fertile pour la country. Mais la musique du duo contrastait totalement avec les styles populaires dans les années 80 en Côte d’Ivoire, à savoir le ziglibithy ou le soukous joués par la pléthore de groupes que comptait Abidjan. La country et le folk-rock ne trouvaient pas écho auprès du grand public, jusqu’à ce que la population étudiante y devienne sensible, par le biais d’artistes protestataires anglais et américains. Après la sortie de After Our Garden Needs Its Flowers, la notoriété de Jess et Peter n’a cessé de croître, les poussant à remplir des stades, notamment au Togo et au Burkina Faso. L’engouement fût aussi médiatique, de la presse à la télévision, avec des apparitions dans des galas organisés par Marie-Thérèse Houphouët-
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6. Abu Obaida Hassan & His Tambour
The Shaigiya Sound of Sudan
Ostinato Records
Sorti sur le label Ostinato Records, derrière notamment le projet Sweet As Broken Dates nommé aux Grammy Awards, cette compilation fait partie d’une série en plusieurs volumes sur l’âge d’or musical soudanais. Ce premier volume The Shaigiya Sound of Sudan est consacré à la musique shaigiya du mystérieux et néanmoins génial Abu Obaida Hassan. Ce qui est certain, c’est le talent brut d’Abu Obaida Hassan. L’ajout d’une corde supplémentaire à sa tambur (harpe que l’on retrouve dans toute la vallée du Nil), soutenu par un chœur et deux percussionnistes, le portera en pionnier d’un nouveau son, une musique synonyme de modernité. Un son qui puise dans la grande variété de styles arabes et nubiens, pour allier mélodies hypnotiques et rythmes complexes.
Abu Obaida et l’équipe d’Ostinato ont collaboré sur une sélection de ses huit meilleures chansons retrouvées lors de ces dernières années. Abu Obaida a écrit plus de 100 chansons, dont seulement 30 ont été enregistrées.
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5. Hunee
Hunchin’ All Night
Rush Hour Music
Connu pour ses performances éclectiques, Hunee a une solide réputation lorsqu’il s’agit de créer des moments épiques dans les clubs et festivals du monde entier. Si vous n’avez pas encore eu la chance de vivre cette expérience, sa nouvelle compilation sortie sur le prestigieux label hollandais Rush Hour est déjà un bon très bon début.
En plus de deux morceaux house signés Larry Heard et Blak Beat Nik, Hunchin’ All Night accueille des titres ultra-dansants issus du monde entier, dont une belle brochette d’Afrique, allant du highlife à l’afrobeat : « Yesu San Bra: Disco Hi-Life » du Ghanéen Pat Thomas, « Stages » du Sud-Africain Don Laka, l’afro-soul sur « Owhaaou! » de Stanislas Tohon ou encore « Komya Hondo » du Malien Boncana Maïga.
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4. Stella Chiweshe
Kasahwa: Early Singles
Glitterbeat Records
Stella Chiweshe fait partie de ces icônes cardinales de la culture zimbabwéenne. D’abord parce que son parcours est inédit : elle fut, dès les années 60, l’une des premières femmes à jouer de la mbira, le « piano à pouce » traditionnel qui accompagne les cérémonies des Shonas (l’ethnie majoritaire au Zimbabwe). C’était déjà là une petite révolution en soi, défiant les mâles conservateurs. Les débuts de la chanteuse furent donc une bataille. Elle parvint même à enregistrer, et c’était là une première, plusieurs titres en 1974, dont le single « Kasawha » qui devint rapidement disque d’or et la fit connaître dans tout le pays.
Sur cette compilation sorti sur le label Glitterbeat on y retrouve les premiers enregistrements jamais publiés en dehors du continent africain, soigneusement restaurés. Y figure le titre fondateur « Kasawha », enregistré avec une mbira empruntée (personne ne voulait lui en fabriquer jusque là, au prétexte qu’elle était femme) mais aussi sept autres titres enregistrés entre 1978 et 1983. On peut y entendre le son pur et profond de la mbira, associé parfois à de sobres percussions, et bien sûr la voix de Stella, où résonne toute la spiritualité shona.
Revisitez l’album dans notre chronique ici.
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3. Dur Dur of Somalia
Vol.1, Vol.2 (Analog Africa N°27)
Analog Africa
Ce double album n’est que le premier volet d’une série, en trois parties, consacrée au Dur-Dur Band sorti sur le label Analog Africa. Avec ses guitares funky, ses claviers de l’espace et ses chants haut perchés, cette émanation du Bakaka Band — créé pendant la guerre qui opposa l’Éthiopie et la Somalie avec pour but de stimuler le moral des troupes — vint vite élargir la palette d’une scène foisonnante d’ores et déjà reconnue sous le nom de « Mogadishu Funk ». Le Dur Dur Band deviendra l’un des groupes les plus populaires de la Somalie et des pays frontaliers (Éthiopie, Djibouti et Kenya) avant de sombrer dans l’oubli.
Sur cette compilation on retrouve le titre « Yabaal », lui aussi porté par la voix aux accents bollywoodiens de l’unique chanteuse du groupe, Sarah Dawo. C’est avec ce morceau que le Dur-Dur prit d’assaut la scène musicale de Mogadiscio en 1986 : « Nous avons enregistré le Volume 1 dans la boîte de nuit de l’Hôtel Jubba un après-midi et c’est “Yabaal” (« fleur ») qui en est devenu le premier gros succès. C’est une chanson traditionnelle, mais la façon dont elle a été arrangée était très différente de ce qui se faisait à l’époque en Somalie », confie Abdulahi Shariif Hassan, plus connu sous le nom de Baastow, l’un des chanteurs de légende du groupe.
Redécouvrez notre chronique de l’album ici.
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2. Oneness of Juju
African Rhythms
Strut Records
Oneness of Juju est une comète qui a traversé le ciel des années 70, et qui n’a jamais cessé sa course depuis. Le groupe, rebaptisé Plunky and Oneness en 1988 continue d’exister sous la houlette de l’un de ses fondateurs, le saxophoniste James Plunky Branch. Réédité par le label Strut, African Rhythms paraît en 1975 sur le label Black Fire Music. À sa sortie, le disque marque les esprits, en particulier à Washington DC où le groupe est souvent invité à se produire, et où il partage à plusieurs reprises la scène avec Gill Scott-Heron, Hugh Masekela, mais aussi Funkadelic, Kool and the Gang, Mandrill…
L’album marque certainement le début de l’âge d’or du groupe, qui connaîtra également son heure de gloire dans les clubs londoniens au début des années 80 avec le single « Every Way But Loose » (12 minutes). On a dit du groupe qu’il était le chaînon manquant entre Pharoah Sanders et Kool And The Gang, à la croisée du jazz psychédélique, du funk et de la disco. Et toutes ces couleurs brillent déjà magnifiquement dans African Rhythms, à écouter absolument.
Chronique de l’album à redécouvrir ici.
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1. Rocé
Par les damné.e.s de la terre
Hors Cadres
Il y a deux sortes de compilation, soit une collection de titres sans forcément de lien entre eux, soit une sélection de morceaux présentant une scène musicale, documentant une époque, avec un lien fort entre chacun d’eux (souvent les compiles les plus marquantes). Par les Damné.e.s de la terre s’inscrit complètement dans cette deuxième catégorie, une compilation qui nous régale les oreilles, mais nous fait aussi réfléchir sur notre Histoire.
Après plusieurs années d’enquêtes incessantes, l’estimé rappeur français Rocé honore la musique francophone engagée, véritable mémoire patrimoniale des luttes sociales et/ou décoloniales. Rocé explique lors d’une interview qu’il nous a accordée : « J’ai souhaité être ambitieux. C’était plus qu’une simple compilation de titres et des pochettes de disques “classiques”, mais véritablement des bouts d’histoire qu’il fallait raconter. D’où la nécessité d’être aidé d’historiens. J’ai découvert le titre “Dansons avec les travailleurs immigrés” via la circulaire Fontanet qui réduisait les droits des travailleurs immigrés. Le titre “Versailles” a été enregistré, car un algérien, Mohamed Diab, a été tué dans le commissariat de Versailles. Cette histoire n’a pas été racontée. Je l’ai découverte en même temps que la chanson. Les titres de la compile sont envoûtants, car “envoûtés” ! Les morceaux et les artistes sont véritablement “habités”. »
À écouter et lire absolument.
Lisez notre interview fleuve de Rocé ici.
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