En Afrique francophone aussi, Johnny était l’idoles des jeunes, du moins ceux qui ont aujourd’hui plus de cinquante ans.
La star a donné dès les années 60 plusieurs concerts sur le continent. Il faut dire qu’il incarnait la vogue yéyé, popularisé par le magazine Salut les Copains que les aficionados de Dakar à Abidjan s’arrachaient, avant qu’il ne passe de main en main. Johnny pour couronner le tout était un rockeur, frayant avec « les blousons noirs », caïds urbains qui eurent leurs émules dans quelques capitales du continent.
Comme tant d’autres, Alpha Blondy a été « yéyé », et l’a même chanté dans une chanson :
« Quand nous étions petits
Nous voulions tous devenir yéyé, Hoya oh !
Et dans le quartier,
Tous les week-end c’était boom surboum Hoya oh ! »
(Yéyé, album Masada 1992)
Alpha, dont le surnom de jeunesse n’est autre que Jagger (en référence au chanteur des Rolling Stones), a réagi à la mort de Johnny : « C’est un vieux complice qui vient de terminer sa mission sur terre. Johnny est un pan de notre mémoire culturelle pour les gens de ma génération » confiait-il à l’AFP.
En 68, à la veille de la tournée africaine qui devait le mener à Dakar, Niamey, Ouagadougou, Kinshasa, Yaoundé et Fort-Lamy (aujourd’hui N’djamena), Johnny Hallyday était interrogé sur une radio française.
L’idole des jeunes certes ne brillait pas par sa connaissance de l’Afrique, vue comme « un pays » où on peut faire du safari… une manière de parler qui témoigne des préjugés largement partagés à l’époque (à commencer par la journaliste qui l’interroge).
Quoi qu’il en soit, cette fameuse tournée de mai 68 ne se fit pas sans accroc. Au Cameroun, comme le relatait récemment jeune Afrique, il se fit expulser après une altercation avec un ministre centrafricain et l’avoir gifflé ! Le président Ahdijo lui-même, un an plus tard, déclarait devant les membres de son parti « Il n’y a pas de place pour le comportement yéyé »…
Le look, la démarche, le comportement yéyé – justement, avait en effet séduit toute une génération de jeunes gens qui appréciaient leur –pourtant gentille– rébellion. Dans une époque où les régimes autoritaires tenaient le haut du pavé en Afrique, les yéyés représentaient sans doute un espace de liberté autant que d’évasion exotique.
Parmi ceux qui sont nés sous le soleil des indépendances, ils sont aujourd’hui un certain nombre à le pleurer. Peut-être même suivront-ils le cortège funèbre qui descend aujourd’hui les Champs Elysées.
Photo Une : Niamey, 1965. Bras de fer avec Johnny, photographie de Philippe Koudjina.