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The Pan African Music Magazine
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Missy Ness fait tourner les pépites arabes sur ses platines

DJ depuis l’adolescence, Missy Ness a écumé les free parties et les clubs parisiens avant de se passionner pour les cultures hip-hop, électro ou bass music du Monde Arabe. Ses mixs détonants sont porteurs d’un souffle neuf et libre.

Un morceau d’électro rap palestinien précède un beat venu de l’underground digital turc, pour faire bonne mesure, se glisse ensuite un classique de rap français ou un grime anglais, avant de laisser la place aux sons actuels du Liban, de Jordanie ou de Palestine.

Concentrée derrière ses platines, Missy Ness est là pour faire danser et voyager, mais sa mission est surtout de partager ce qui fait vibrer cette tête chercheuse des vibrations musicales alternatives du monde Arabe.  

Née à la Goutte d’or – quartier de Paris aux parfums de Maghreb – dans une famille d’opposants politiques tunisiens, Missy Ness a d’abord connu son pays d’origine lors de vacances familiales paisibles et protégées. Après s’être passionnée ici pour les sons électro et hip-hop et fait tourner les platines au rythme de la drum’n bass, elle réalise que la Tunisie doit posséder sa propre production alternative. En novembre 2005, elle a 19 ans et s’envole pour Tunis à la rencontre du microcosme musical local.

« C’est assez marrant, car dans le taxi qui m’a amené à l’aéroport il y avait un écran branché sur Itélé (CNews). Il diffusait un reportage sur la scène alternative tunisienne avec un focus sur un groupe de métal et sur le groupe de dub Klandestina, dont le leader est depuis devenu un ami. »

Deux semaines après son arrivée à Tunis, un ami l’entraîne au local de la Fédération Tunisienne des Cinés-Clubs, où est organisé un festival des cultures alternatives. Là sont réunis tous les musiciens qui cinq ans plus tard symboliseront les sons de la « Révolution de Jasmin ». Missy Ness constate un foisonnement créatif dans lequel souffle déjà une brise de liberté. Elle commence à mixer dub, dubstep et drum n’ bass dans des lieux underground, puis lors de soirées accueillies par le Bœuf Sur Le Toît, restaurant musical situé à La Soukra, au nord de la capitale. Elle devient la première femme DJ active en Tunisie et y fait découvrir des musiques qui n’y avaient jamais résonné. Après ce premier séjour, elle multiplie les aller-retours Paris-Tunis et assiste à l’évolution de la prise de conscience nationale qui finira par entraîner la fuite du dictateur Ben Ali en janvier 2011.

L’oreille aux aguets, Missy Ness découvre les scènes actuelles du monde arabe, via ses amis tunisiens, internet ou lors des événements qui fleurissent un peu partout après le printemps arabe.

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Un autre pays l’attire comme un aimant : la Palestine

« Je me suis d’abord intéressée à la Palestine de façon politique et engagée, mais quand je me suis mise à écouter la production musicale, je me suis concentrée sur ce pays en tant que territoire artistique. »

Elle s’enthousiasme en premier pour le collectif pionnier Ramallah Underground, fondé par Stormtrap et Boikutt qui, en mélangeant des sons hip-hop et traditionnels, a transformé le rap chanté en arabe en rap arabe. En décembre 2014, elle franchit le pas : « Je suis parti avec mon sac à dos après avoir contacté quelques copains sur place en leur disant : J’arrive, j’espère qu’il y aura de la musique à faire… » Elle y reste trois mois, rencontre tout ce qui groove et fait bouger en rythme le corps et l’esprit. Hip-hop expérimental, dark électro, la scène de Ramallah est dense, celle de Bethleem, où elle passe Noël, se concentre autour du conservatoire de musique et à Haïfa la tendance est reggae-dub-électro.

« Après ce voyage, qui m’a pas mal remuée, il m’a fallu un an avant de pouvoir faire le mix que je voulais faire. » 


À son retour elle désire aller plus loin : « 
Il y a beaucoup d’efforts réalisés pour envoyer des artistes occidentaux dans les pays du sud, mais très peu en sens inverse. Je trouve ça très injuste, alors quand je suis revenu en France j’ai voulu faire venir quelques artistes de là-bas. »

À Paris, elle fréquente et anime le camp de réfugiés de la Halle Pajol et organise, à partir de la fin 2015, les soirées « In Transit »  dans la salle auto gérée La Petite Maison puis à L’Alimentation Générale. Le tarif d’entrée est laissé à la libre appréciation du public et les soirées sont denses : projections de films, présentation de créations de mode et d’artisanat du Moyen-Orient et programmation musicale souvent inédite en Europe. Mcs, beatmakers, producteur ou djs se succèdent, ils viennent du Liban (Malikah, « The Queen Of Arab Hip-Hop »), de Jordanie (Dj Sotusura), d’Égypte (Hicham Ezzat Chabana, fondateur du collectif d’électro-chaabi Cairo Shakers), de Syrie (Refugees of Rap) et bien sûr de Palestine. En septembre 2016, la troisième édition est consacrée à Ramallah et réunit Muqata’A alias Boikott, ex- Ramallah Underground, le producteur et DJ Dakn, le MC Haykal ou Dj Skywalker, la première femme DJ palestinienne. Avec ses soirées, qu’elle complète de ses sets éclectiques et exporte à Bordeaux, Berlin ou Bruxelles, Missy Ness souligne un mouvement de fond, une vague qui ne cesse de se régénérer. 


Sur tous les fronts

Depuis Missy Ness multiplie les prestations en Europe et dans le Monde Arabe, collectant au passage perles sonores et amitiés. De son point de vue ces musiques doivent d’abord être défendues comme telles et non pas de façon exotique. Elle s’explique : « Il y a des programmateurs qui recherchent avant tout à montrer leur palestinien, leur syrien ou leur soudanais. S’ils ne font pas de la bonne musique, on leur trouve des excuses, parce que ce sont des musiciens engagés. Ca part souvent d’une bonne intention, mais c’est réducteur, ça perpétue la surdétermination qu’ils subissent, ça les encourage dans leur côté victimaire. »  

Elle se bat contre les étiquettes, à commencer par celle qu’on lui colle trop souvent.  « C’est réducteur d’être qualifié de DJ tunisienne. D’avoir grandi dans le 18éme à Paris est une part très importante de mon identité. Début novembre j’étais sur scène à Londres avec le rappeur/producteur libanais El Rass, il a fait une improvisation pour me présenter au public disant : « Voici Missy Ness ! Ici c’est la Tunisie ! Ici c’est les Arabes de France », ça m’a vraiment fait plaisir, car le fait d’être une Maghrébine de France ça pèse dans ma vie, dans mon histoire, dans ma culture et c’est important de le souligner »

DJ éclectique et exigeante, Missy Ness est une activiste culturelle. En amont de sa prestation pour Africolor le 16 novembre, elle a conduit un atelier « Découvertes du Métier de DJ » avec des jeunes de Seine Saint-Denis. En marge de ses multiples engagements d’artiste et de citoyenne, elle poursuit aussi un travail de composition dont les fruits devraient émerger fin 2019 début 2020. Et on a hâte de les goûter.


Écoutez notre playlist Afro Club Exp. sur Spotify et Deezer.


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