La première soirée de l’Atlantic Music Expo a servi, entre autres, un cocktail survitaminé de sons urbains réunis par la grâce du projet Lusafro. De quoi rappeler à ceux qui veulent l’entendre, et même à ceux qui ne le voulaient pas, que l’Afrique est bien installée dans le beat global.
Après l’ouverture marquée par le concert des doyens du groupe Bulimundo, princes du Funana frais comme des gardons, le second jour de l’Atlantic Music Expo a vu débarquer en force une escouade de MC’s et de DJ lusophones. La détonante réunion d’une famille urbaine, biberonnée à l’électro, croyant et pratiquant le flow chantants des créoles mozambicains, angolais, bissau-guinéens et bien sûr capverdiens. Le tout avec la complicité de Daniel Haaksmann, célèbre DJ et producteur (Man Recordings), connaisseur déjà converti aux nouveaux sons de ces régions.
Les rappeurs Elho Batalha, Batchart et Nhissa Barbosa (Cap Vert), le parrain du Kuduro angolais Tony Amado, le duo Gato Preto (Allemagne-Mozambique), Dj Marfox (Sao Tomé & Principe), Buruntumu (Guinée-Bissau), Mr Santos (Allemagne-Potugal) ou encore les voix de Ceuzany, Fatou Diakhité, Alberto Koenig. Sans oublier Dama Do Bling, la très expressive rappeuse du Mozambique (photo)… pour ne citer que ceux là.
5 jours durant, tous avaient participé aux rencontres Lusafro, un programme d’échange financé par l’Allemagne, organisé par Piranha, en partenariat avec Radio Cosmo. Certes, qui dit échanges dit discussion : sur l’art de la survie à l’âge d’internet, les sons d’une Afrique post-révolution, le live et les musiques électroniques… Mais ce qui aura sans doute le plus marqué les artistes, comme le public, ce furent les collaborations et les fructueux chocs de culture que les séances de studio ont fait naître.
Le casting, par Daniel Haaksman et Francis Gay (Cosmo Radio), avait été bien pensé. Tony Amado, parrain et pionnier du kuduro, venu accompagné d’un ébouriffant danseur (car la danse est inséparable du mouvement musical), faisait part, en sortie de scène, de sa satisfaction.
« Nos réalités sont les mêmes, le contexte politique se ressemble, et moi j’ai beau être pionnier du kuduro, j’ai eu l’impression qu’avec ces artistes du Mozambique, de Guinée-Bissau, cela faisait longtemps, au fond, qu’on travaillait dans la même direction, comme si on avait commencé à faire de la musique le même jour. »
Assurément, pendant les trois show-cases de 40 minutes, ce sont les femmes qui ont été les plus marquantes, aussi bien par leur flow que leur présence scénique. De la toute jeune Nhissa Barbosa à la mozambicaine Gata Misteriosa (la Mc du duo Gato Preto, enceinte jusqu’au cou) en passant par la truculente Dama do Bling et ses chorégraphies de wonderwoman délurée. Mais qu’on ne s’arrête pas là, la Dama do Bling, au Mozambique, est du genre engagée.
On ne saurait oublier la voix magnifique de Fatou Diakhité qui jeta quelques poignées d’étoiles, et suspendit le déchaînement des machines, le temps d’un moment de grâce guitare-voix. Avant de revenir, pour le final (avec tout le collectif) se joindre à ses collègues survoltés (ici avec Alberto Koenig).
Le résultat de Lusafro, dont le concert à l’AME donna un petit avant-goût, sortira sur une compilation à l’été ou à l’automne prochain, à l’occasion d’une des prochaines soirées Lusafro en Allemagne (en juillet dans la Ruhr, en novembre à Berlin).
Photo de Une : La bande Lusafro, soirée du 11 avril à Praia, Atlantic Music Expo. Au centre et au mic, Elho Batlha. (c) Yuri Lenquette