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Moffou, l’album culte de Salif Keïta, a 20 ans
Lucille Reyboz, Universal Music France

L'histoire incroyable de Moffou, l'album culte de Salif Keïta

PAM vous emmène dans la fabrique d’un des albums culte de Salif Keïta, Moffou, publié il y a 20 ans et aujourd’hui réédité.

Vingt ans déjà, et pas une ride. Ça ne fait pas un pli, Moffou s’est vite imposé comme un classique dans l’épaisse discographie de Salif Keïta, un bijou qui doit beaucoup à sa qualité de production. Tout a commencé par hasard. « Une histoire incroyable », selon Jean Lamoot, l’homme qui fut aux manettes. « Après avoir terminé (l’album) ‘’Des Visages des Figures” de Noir Désir, j’étais venu assister à leur premier concert, aux Nuits de Fourvières à Lyon. Je discutais avec eux et Jacques Sanjuan, éditeur chez Universal, lorsque celui-ci a reçu un coup de fil de Daniel Richard, qui était en galère de production. Jacques m’a alors proposé, estimant que j’étais la personne idoine puisque je venais de lui dire que j’avais grandi de 5 à 17 ans  en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, Burundi, Rwanda… J’ai toujours été imprégné de musique africaine. Ce sont mes racines, quelque chose de naturel. » Trois jours plus tard, l’ingénieux ingénieur du son, connu notamment pour ses superbes collaborations avec Bashung, sera engagé pour reprendre en main la réalisation du disque que prépare Salif Keïta.

Un retour très moderne à la tradition

« Au départ, cet album devait être produit par Christian Pégand qui devait le faire tourner et voulait produire un disque.», se remémore de son côté Daniel Richard, alors à la tête d’Universal Jazz France.  Hélas, le binôme tourne vinaigre. « Nous avons donc décidé de le produire en direct, en le confiant à Jean Lamoot, qui a eu un vrai impact sur la musique, magnifiant les idées et sublimant le son par un travail de mixage hallucinant.  Tout l’enregistrement s’est fait d’une manière très sereine, Salif étant très timide avec ceux qu’il ne connaît pas. Cela a été un moment de grâce : il était très réceptif à nos propositions, ce dont nous ne bénéficierons plus par la suite, Salif imposant davantage ses vues. »

Ils seront plusieurs à jouer un rôle dans la future réussite de ce disque.
Freddy Zerbib, le road manager de Salif Keïta, Patrick Votan, le « lieutenant » de Daniel Richard chez Universal, Kanté Manfila, le « parrain » de Salif Keïta, et puis le percussionniste Mino Cinelu, dont la participation et les propositions vont s’avérer essentielles dans cette affaire. « Chacun des intervenants apportait quelque chose, et dans une harmonie comme rarement j’en ai vécue. Je crois que le disque s’en ressent. Une expérience formidable ! », reprend Daniel Richard. « Mino Cinelu a été la clef du disque. J’avais récupéré les bases traditionnelles : la basse, le n’goni et la voix. C’était bien, mais un peu étouffant, pas assez aéré. Nous avons fait trois jours de percussions, et une fois qu’il est passé sur les morceaux, il a tout clarifié, ouvert. Dès les premières prises, à commencer par ‘’Madan’’, son inspiration a été décisive pour la suite », insiste Jean Lamoot.

Après de premières sessions au Studio de la Seine (avec guitare, contrebasse, percussions…), Jean Lamoot prendra les bandes pour aller chez son ami Arnaud Devos, où il va ajouter « plein de petits instruments, un tas de trucs incongrus, des synthés, des harmonicas », et puis la voix de Cesaria Evora. Celle de Salif se posera définitivement lors du mix, trois semaines au Studio du manoir, dans les Landes. « Ça a pris du temps comme tous les grands disques », analyse Lamoot qui hisse Moffou vers le sommet de sa pile personnelle. « C’est un retour de Salif vers la tradition, vers l’acoustique, et moi je l’ai juste modernisée, sans la déflorer, de par les arrangements, de par le son, de par mes interventions en coupant certains morceaux, en ajoutant un peu de distorsions. »

Salif Keïta revient au centre du jeu 

Après s’être un peu perdu dans les méandres synthétiques de la world music, où il perdit une partie de son public au Mali, Moffou réussit le pari de combler à la fois ses fans au pays et les néophytes qui découvrent alors cette voix hors pair. Celle qui entra dans la légende au tournant des années 1970, à l’heure des lendemains swinguant de la décolonisation, en intégrant les deux orchestres qui dominent la scène afro-jazz-funk épicée de salsa, le Rail Band et les Ambassadeurs, avant de publier un initiatique Mandjou enregistré en Côte d’Ivoire à la fin de la même décennie, puis un sublime Soro en 1987. Pas de doute, quinze ans plus tard, Moffou replace Salif Keïta au centre des enjeux.

A l’époque, le jeune cinquantenaire vient de poser les premières pierres du Moffou, le club-hôtel, qui a ouvert ses portes en 2002, à l’heure où le Mali recevait la CAN en grandes pompes. « Il s’agit bien plus qu’un simple lieu de concert. On y enseignera aussi la musique, avec des stages, et il devrait y avoir d’ici un an un studio d’enregistrement. Je veux faire bénéficier mes compatriotes de mon expérience acquise depuis vingt ans à l’étranger, donner l’opportunité aux plus jeunes de se réapproprier leurs traditions, de faire quelque chose d’utile », confiait alors Salif Keïta, tranquillement posé le long du Niger, à deux enjambées de Djoliba, son village natal qui porte le nom mandingue du fleuve.

 Lucille Reyboz, Universal Music France

« Moffou », une petite flûte rurale dont le son suraigu sert à faire déguerpir les oiseaux des champs, donnera donc le titre de cet album « J’ai choisi cette image, parce que je veux qu’on retrouve le chemin de notre tradition, sans être forcément passéiste. En la réinterprétant à notre sauce, à notre actualité », résumait alors celui que l’on a surnommé le Caruso du Mali.  D’où le « son roots, mais très sophistiqué », d’où des chansons d’amour comme ce duo avec la Capverdienne Cesaria Evora qui ouvre l’album, sonne comme une évidence, et a tout du tube de l’été 2002.

Moffou, un retour sur soi synonyme de bond en avant, vers les autres, sera « un énorme succès, parmi l’une de nos meilleures réussites artistiques et commerciales », selon Daniel Richard (350 000 albums vendus à ce jour, dont 140 000 en France). L’album bénéficie au départ du remixe de “Madan” par Martin Solveig, « Mais finalement, c’est la version originale qui a pris le dessus sur les écoutes et ventes au bout d’un certain temps », reprend Jean Lamoot. « Ce disque est intemporel : quand je l’écoute, c’est toujours le même bonheur infini. Il continue de rayonner et de m’apporter des demandes. Ça a été ma porte d’entrée pour renouer avec l’Afrique de l’Ouest. » Depuis, ce sorcier du son a œuvré avec Kassé Mady Diabaté, Bako Dagnon… et désormais le prodigieux guitariste Guimba Kouyaté, fils de la vénérable Mah Damba.Jean Lamoot réalisera aussi l’album suivant de Salif Keïta, M’Bemba, enregistré à Bamako et mixé dans son studio, à Ferber. Sans parvenir à la même magie, et non sans regretter de ne pas avoir pu graver ces « moments magiques, comme les qualifie Daniel Richard, où Salif prenait sa guitare, très tard en studio lors de Moffou ». Lamoot est au diapason de cette conclusion, qui laisse une certaine suspension. « Lorsqu’il se concentre dans les graves, c’est d’une beauté, d’une puissance ! J’ai toujours essayé de l’incliner en ce sens, un album minimaliste où il chante des berceuses, mais il a sans cesse refusé, ayant peur de décevoir les attentes de son public. »

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