fbpx → Passer directement au contenu principal
The Pan African Music Magazine
©2024 PAM Magazine - Design par Trafik - Site par Moonshine - Tous droits réservés. IDOL MEDIA, une division du groupe IDOL.
Le lien a été copié
Le lien n'a pas pu être copié.

Eno Williams, la déferlante Ibibio

Après le remarqué Uyai, sorti chez Merge Records en 2017, Ibibio Sound Machine revient avec Doko Mien, « Dis-moi », en langue ibibio. À la tête de ce groupe londonien, la chanteuse nigériane Eno Williams dynamite la scène. Chaud devant.

Ceux qui ont vu Ibibio Sound Machine, en avril 2017, à la Grande Halle de la Villette à Paris s’en souviennent. Avec leur énergie contagieuse, ils ont failli piquer la vedette à Seun Kuti dont ils assuraient la première partie. La chanteuse nigériane Eno Williams avait « gâté le coin » par son vibrato puissant et son jeu de reins hypnotique. Formée à bonne école, elle a commencé petite à chanter, avec sa mère, dans un groupe de gospel au Nigéria. Elle a été aussi bercée par les musiques de son père : Manu Dibango, Aretha Franklin, Whitney Houston, James Brown… et même de la country and western. La famille d’Eno est basée à Londres, la Mecque des hybridations les plus folles. À ce sujet, il faut voir l’exposition Paris-Londres Music Migrations (1962-1989) présentée au Palais de la Porte dorée jusqu’en janvier 2020 (PAM vous y emmènera bientôt, NDLR).


L’enfant et « le poisson qui parle »

C’est à Londres qu’Eno Williams rencontre, en 2013, le saxophoniste de jazz Max Grunhard, originaire de Sydney, en Australie. Elle lui évoque sa très rythmique langue l’ibibio, pratiquée au sud-est du Nigéria, mais aussi au Cameroun, en Guinée-Équatoriale et au Ghana. La conversation se termine par une « jam » en studio avec une brochette de musiciens. L’Ibibio Sound Machine est né. De l’igname, avec une pointe de chutney, le groove d’une langue nigériane saupoudrée d’apports « british ». Dans ce shaker instrumental, entre funk, afrobeat, electro et punk, rajoutez un zeste des percussions brésiliennes d’Anselmo Netto, et surtout une base highlife du guitariste ghanéen Alfred Kari Bannerman. Ce monsieur a côtoyé les légendes E.T Mensah et Souliman Ernest Rogie avant de faire partie en 1969 du mythique groupe afro-caribéen britannique Osibisa. 
 


Mais revenons à Ibibio Sound Machine ! En 2014, sort un premier galop d’essai éponyme chez Soundway Records, dont le vivifiant
 « Let’s Dance (Yak Inek Unek) » qui vient de reparaître. En filigrane, l’enfance nigériane d’Eno Williams n’est jamais loin : « Je m’inspire des contes que j’entendais quand j’étais petite. Comme le poisson qui parle “The Talking Fish (Asem Usem Iyak)”, nous raconte-t-elle. En 2017, le groupe franchit une étape supplémentaire avec Uyai, qui signifie la beauté en langue ibibio. Celle de la chanteuse ressort à travers une pochette de Laura Lang, styliste berlinoise qui combine de façon “futuristique” les modes africaines et européennes. Afropean style ! Dixit Eno Williams, Uyai parle de la force des femmes et leur résilience. J’ai été inspirée par ma mère, mes sœurs, celles qui comptent dans ma vie, comme Miriam Makeba, Angélique Kidjo… » Un autre titre de cet album, « Give Me a Reason », déplorait l’enlèvement des lycéennes de Chibok au nord du Nigéria en 2014, par Boko Haram. C’est ce drame qui a provoqué le mouvement mondial Bring back our girls : « Malgré cela, on envoie de l’énergie positive. On essaie que les gens se sentent bien quand ils vont à nos concerts », assure Eno Williams.

Le troisième album, et deuxième signé sur Merge Records, Doko Mien, alterne davantage paroles en anglais, comme « Guess We Found a Way », et en ibibio, traduites dans le livret. Il sonne un peu différemment des précédents : « Il y a toujours de l’electro et du highlife, mais on a essayé de capturer un son live, en jouant tous dans la même pièce », décrypte Eno Williams. « On a toujours plein d’influences, poursuit Max Grunhard, Liquid liquid, les Talking Heads, le disco des années 80, les compilations Nigeria disco 70’s, Kiki Gyan… »  Doko mien interpelle à la fois l’auditeur du disque et le « créateur » sur le mode : « Dis-moi quoi faire ! » Eno Williams l’a aussi envisagé comme une pique « contre le fait qu’on dise toujours aux femmes ce qu’elles sont censées faire. Par exemple, en studio, j’imposais ma féminité quand on se disputait sur la direction musicale de l’album. » 
 


Doux-amer

Comme en pendant à ce Doko Mien, un autre titre « Nyak Mien », est ponctué par des cris de guerrière, à la façon des chœurs féminins du Nigéria. « Nyak Mien », sur lequel  Alfred Bannermannn exécute un joli solo, veut dire « Laisse-moi être moi-même ! », une façon d’évacuer la négativité et d’aller de l’avant. « On est affectés par ce qui se passe dans le monde. Mais sur « Kuka », je dis qu’il ne faut pas trop être obsédés par le passé, accepter que nos réalités soient en constantes évolutions. » D’autres chansons sont tirées d’anecdotes glanées au Nigéria. « I Need You to Be Sweet Like Sugar (Nnge Nte Suka) » est tiré d’une réflexion de la grand-mère d’Eno : « L’amour a toujours une saveur douce-amère, comme les mets que l’on mange qui laissent différents goûts dans la bouche. C’est comme nos relations amoureuses, il y a des hauts et des bas, mais il faut continuer à s’aimer. » « She Work Very Hard » est une métaphore sur les disparités entre les riches et les pauvres particulièrement criantes à Lagos : « C’est l’histoire vraie d’une jeune nigériane qui veut aller à une fête chez une amie très riche et qui emprunte un beau collier à une amie. Sur le chemin, elle a perdu ce collier. Elle a dû travailler dur pour le rembourser. » 
 


Enfin, le morceau « 
Basquiat » a illustré l’an dernier le « Barbican video jam », une création vidéo de l’exposition dédiée au peintre Jean-Michel Basquiat, au Barbican Center de Londres. « J’aime sa façon de créer à partir de tout ce qui l’entourait, la ville, son héritage culturel. Il faisait aussi partie d’un groupe. Chaque artiste essaie de produire quelque chose d’unique. C’est pour ça qu’on se souvient toujours de lui aujourd’hui. »

En attendant d’atteindre, on l’espère pour eux, la même postérité, l’Ibibio Sound Machine a écumé les festivals internationaux, entre Londres, Paris, le Mawazine Festival à Rabat, la Thaïlande, la Russie ou la Suisse, le groupe a été en première partie d’Angélique Kidjo aux États-Unis. Et le Nigéria ? « On vient d’y être invités à y jouer ! » conclut Eno Williams, qui laisse planer le suspense. To be continued…


Lire ensuite : William Onyeabor, le mystérieux cow-boy synthétique
Chargement
Confirmé
Chargement
Confirmé