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The Pan African Music Magazine
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Allo, Allo ? Sidiki Diabaté et sa kora attendent l’appel de Beyoncé !

Avant son concert à Abidjan lors du 11e FEMUA, on rencontrait Sidiki Diabaté, le griot popstar de Bamako. Interview.

À 26 ans, le jeune prodige malien a déjà un sacré palmarès : des clips sur YouTube qui oscillent entre 4 et 16 millions de vue, des collaborations sur des disques qui ont reçu des disques d’or (Booba, Niska) et de platine (Lamomali) et une Victoire de la musique (Lamomali toujours). Suffisamment rare pour être noté, il est capable à la fois d’enregistrer un disque de toute beauté en duo de koras avec son père, et de produire les beats de rappeurs de Bamako tels Iba One. Il est d’ailleurs devenu un partenaire demandé par les rappeurs français, qui – de Booba à Black M — l’invitent dans leurs disques ou dans leurs concerts. Le fils de Toumani Diabaté nous recevait dans un des salons de l’hôtel Ivoire, quelques heures avant de monter sur la scène du FEMUA, le Festival des Musiques Urbains d’Anoumabo qui se tenait à Abidjan du 17 au 21 avril.


Qu’est-ce que ça te fait de revenir jouer à Abidjan ?

Ça fait plaisir ! Abidjan, ça fait partie de ma vie, Abidjan c’est ma ville. Abidjan c’est aussi la plaque tournante de la musique africaine, et… Abidjan, c’est Abidjan. Comme ils disent ici : « Abidjan est doux oh ! ». Je dis que c’est ma ville parce que j’ai y ai beaucoup de fans. Dans ma vie, j’ai fait des concerts, mais quand je suis passé ici la toute première fois, j’ai senti que j’étais aimé et depuis ce jour j’ai adopté ce pays. Tout le monde m’a accueilli comme un frère, et je suis très fier d’être dans ce pays, mon pays, la Côte d’Ivoire.


Tu as reçu une formation à la kora fidèle à la tradition classique mandingue, et puis il y a… les machines. Quand et comment t’y es-tu intéressé ?

Moi je suis dans les machines depuis très très longtemps. Il y a un album de mon père qui m’a inspiré pour faire ces choses-là, un album avec Ketama (NDLR Songhaï, paru en 1991). J’ai beaucoup écouté cet album, et aussi Soriba Kouyaté, un grand joueur de kora. À la maison quand j’étais petit il y avait MTV et je voyais les œuvres de Alicia Keys, Beyoncé, Jay-Z, Dr Dre, Snoop Dogg, et aussi David Guetta… j’étais fan de ces trucs. Et je me suis dit pourquoi pas la kora ? Pourquoi pas un joueur de kora pour faire de la musique avec Alicia Keys ou Beyoncé ? Et c’est comme ça que je me suis mis à chercher avec les boites à rythmes et les machines, pour arriver à créer la D-Music : Diabatéba Music. La musique que je fais, je l’ai puisée dans la musique traditionnelle que j’ai apprise chez moi, parce que tout vient de la kora : absolument tout… tout ! Donc je pars de la kora : je prends des morceaux et je les modifie. J’observe, et je prends le temps de créer d’autres choses qui n’existaient pas. C’est pourquoi j’ai appelé ma musique D-Music.





À l’époque des indépendances, on a beaucoup repris les grands thèmes mandingues, comme l’épopée de Soundiata, orchestrés avec d’autres instruments. Est-ce que tu te sentirais de faire un Soundiata électronique ?

Je suis là-dessus, parce que bientôt mon nouvel album va sortir et il y aura dedans Soundiata, inch’Allah. Aujourd’hui l’époque est différente, et par exemple on ne joue plus la batterie comme la jouaient les Beatles, beaucoup de choses ont évolué. Moi, je reste dans l’idée de protéger mon patrimoine, mais en le faisant évoluer sur de très bons chemins. Par exemple avec M, le morceau « Solidarité » ça vient d’un morceau traditionnel (il chante). Ça, je l’ai appris avec mon père.


Que pensait ton père en te voyant te plonger dans l’univers des machines ?

C’est lui qui a m’a encouragé, c’est un grand fan de rock ! Ma génération n’a jamais écouté les Scorpions, mais mon père me les a fait écouter dans sa voiture, il était fan de ça, de Phil Collins… c’est aussi un grand fan de musique classique. Et moi, à travers ses albums, à travers ses featurings avec le bluesman Taj Mahal par exemple (album Kulanjan, 1999)… J’ai écouté beaucoup de choses comme ça qui m’ont vraiment inspiré…

Quand j’ai dit à mon père que je voulais apprendre à jouer du piano, il me l’a acheté, puis une boite à rythmes, et enfin un ordinateur… et il m’a donné ses bénédictions. Il m’a dit : « mon père ne m’a pas donné la possibilité d’avoir ces choses, que Dieu t’aide à apprendre ces instruments-là… »

Et si je réussis aujourd’hui, c’est parce que quelqu’un m’a béni avant… Avant, quand je faisais mes sons, j’aimais pas trop ma voix, je me voyais pas. Je les écoutais tout seul dans la voiture, et un jour c’est un ami qui a pris les sons et les a partagés. J’étais pas content, je trouvais ça pas fini, trop de défauts. Mais tout le monde se retrouvait dedans… les gens en revenaient pas : l’harmonie réussie entre la kora et cette musique, les paroles mandingues qui parlent d’amour, etc., les gens n’en revenaient pas. Ça a commencé à prendre partout, dans toute l’Afrique. Moi aussi j’ai eu de l’audace, j’ai du affronter les critiques : pourquoi un joueur de kora se mettrait à chanter ? Mon père m’a dit : ça fait trente ans que je suis dans ce milieu et qu’on me critique, mais ça m’a pas empêché d’être l’espoir de ce pays. Je suis ce que je suis parce que j’ai accepté d’être ce que je suis.





Finalement, l’électronique, c’est un langage partagé qui permet d’être en phase avec les jeunesses du monde entier ?

La jeunesse occidentale veut découvrir l’Afrique. Mais imagine-toi quelqu’un qui n’est jamais allé en Afrique et qui regarde la télé : il ne voit que la guerre, les gens qui se tirent dessus, etc. Il risque de ne jamais vouloir venir… mais l’Afrique, il la ressent par cette musique, par les disques écoutés avec son père ou sa mère qui vont lui faire découvrir cette douceur que l’Europe n’a pas. Cette douceur est en moi, elle est en nous, les jeunes Africains. Aujourd’hui, tout le monde veut cette touche africaine, parce que cette douceur touche tout le monde. Beyoncé, le jour où elle va chanter sur la kora, elle va savoir que quelque chose a changé dans sa vie, musicalement…


Que recherchent en toi les rappeurs français avec lesquels tu collabores, comme Black M ?

Black M, il est africain, il est Guinéen, et moi je pense qu’en travaillant avec moi, c’est pour lui une manière de dire à l’Afrique qu’il ne l’oublie pas, c’est un lien pour créer une harmonie entre lui et son pays, et nous qui sommes sur le continent et qui sommes ouverts, on peut l’aider à dire ça, on a la bonne manière de dire à ses fans en Afrique que Black M aime sa culture, qu’il est fier d’être africain, fier d’être peul. Ce que je ressens en lui, c’est l‘amour de son pays, l’amour de quelque chose qu’il ne maîtrise pas : lui il maitrise les kicks, les flows… mais le griotisme, la kora, il ne maitrise pas. Par contre ça le touche quand il entend la kora, il adore ça, il vient de ça, c’est un réconfort pour lui. Et lui, il me donne la chance à ses côtés d’exposer ma musique auprès de ses fans, et moi sa musique auprès du public en Afrique. Parce que lui, il a tout ce qu’il faut pour l’Europe, mais si tu lui donnes un baptême à gérer, il ne pourra pas. Travailler avec moi, avec des sonorités africaines, c’est une manière pour lui de revendiquer son africanité. En Afrique, tu peux faire Bercy, mais on est fier de toi quand tu es fier de toi-même. Mon père, il est resté sur cette musique traditionnelle, sans jamais se perdre, ç’a été sa différence, sa qualité et sa hauteur. Ce lien avec la tradition, c’est ça qui donne la fierté.

Mory Kanté, quand il a chanté Yeke Yeke sur des beats plus modernes, il l’a chanté traditionnellement : c’est des chansons qu’on joue dans chaque baptême ou mariage pour faire des louanges ou faire plaisir aux mariés ou aux nobles. Imaginez le morceau minyamba que Coumba Gawlo Seck a chanté ou Djedili de Youssou Ndour, tout ça c’est des morceaux traditionnels ! On ne cherche pas trop loin, c’est sous nos pieds qu’on cherche. Aujourd’hui, nous on est des enfants qui ont pris l’exemple sur Mory Kanté et qui sommes dans notre temps, on joue pour notre jeunesse, pour cette Afrique, pour continuer ce combat. Parce que Mory Kanté il a été là pour le monde, et nous on est là aussi pour le monde. Il a fait découvrir sa musique au monde entier, et nous aussi on veut faire découvrir notre musique. On ne va jamais finir de puiser dans le puits de la culture mandingue, c’est vraiment trop. Chaque jour tu vas trouver une vieille qui peut chanter un morceau que tu n’as jamais entendu de ta vie, même si tu viens d’une famille de griots vieille de 72 générations (NDLR Comme celle de Sidiki et son père Toumani).

Lire ensuite : D’Abidjan à Korhogo, le FEMUA fait le show

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