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The Pan African Music Magazine
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Roga‑Roga : « La musique congolaise stagne à cause des divisions »

Le leader d’Extra Musica, qui a assuré le final du Femua à Abidjan, nous a reçu quelques heures avant de monter sur scène. Il revient sur ses démêlés avec les Combattants, les sapeurs, et appelle les artistes congolais à plus d’ouverture et de solidarité.


PAM : En 2018, Extra Musica fêtait ses 25 ans. Il y a eu une tournée, mais le concert de Paris a été compliqué, pour ne pas dire heurté.

Roga-Roga : Après la sortie l’album Oyo Ekoya Eya, nous avons sillonné partout. En 2018 (année de sortie de l’album 242, NDLR), Extra Musica avait totalisé 25 ans, donc on a fêté cet anniversaire à Abidjan, Conakry, Brazzaville et puis nous voulions fêter cela à Paris, et des « combattants » ont voulu boycotter le concert, car ils m’avaient catalogué comme quelqu’un du pouvoir… après maintes discussions, on s’est finalement produits le 26 mai. Après Paris, on a fêté encore à Brazzaville et à Pointe-Noire.


Les Combattants se sont illustrés en perturbant voire en empêchant les concerts des artistes de RDC qui s’étaient affichés au côté du pouvoir, c’est donc aussi un problème pour les artistes de Brazzaville.

Oui c’est compliqué parce qu’il y a l’incompréhension qui s’est installée. Nous les musiciens nous avons des parents, des grands frères qui sont des politiques, est-ce que c’est parce qu’ils sont politiciens qu’on ne doit plus les fréquenter ? Nos frères qui sont en Europe sont pour certains devenus hommes politiques par improvisation, et ils voudraient que nous les musiciens on ne salue pas ceux qui étaient nos frères et qui sont devenus politiques. Avec le temps, ils vont comprendre que la culture n’a rien à voir avec la politique.


Cela dit, c’est surtout les dédicaces (mabanga) aux hommes politiques qui vous sont reprochées…

Le libanga (au pluriel, mabanga), ça fait partie de note culture ancestrale, nous sommes des Bantous. Nous les Bantous nous sommes toujours reconnaissants. Déjà au temps de nos grands- parents, ils jouaient avec les tam-tams et faisaient des éloges pour ceux qui leur avaient fait du bien. Donc nous c’est notre culture : ne pas être ingrat… Quand vous avez en face de vous quelqu’un qui vous a aidé, et ce n’est qu’à partir des mabanga qu’on peut montrer notre gratitude. Cela ne veut pas dire que nous adhérons à leur idéologie politique.


Et puis, autre sujet qui a fait polémique, c’est la chanson « Oyo Ekoya Eya » qui a donné son nom à l’album paru en 2016. Elle attaquait de front les sapeurs, en particulier ceux installés à Paris surnommés « les Parisiens ».

Ça a été polémique parce que j’ai eu à dire la vérité. Quand un Africain quitte l’Afrique et qu’il veut vivre en Europe, il doit s’intégrer et secundo apprendre : la technologie et bien d’autres choses, pour revenir avec ces compétences et développer l’Afrique. Je ne généralise pas, mais nous avons des frères qui vivent là-bas, leur vie c’est : acheter les habits, faire de la sape. Dans les années 80, ceux qui partaient en Europe étaient des exemples pour nous, mais aujourd’hui il y en a qui font du n’importe quoi et qui font la honte des « Parisiens.  » Ça fait partie de mon devoir, en tant qu’artiste-musicien, de dire cette vérité. Je donne des conseils à ceux qui vivent en France, ne pensez pas que vous allez mettre la France dans votre poche. Revenez en Afrique avec la technologie, avec l’intelligence de que vous avez apprise en Europe, au lieu de nous rapporter des chaussures. C’est vrai que la sape, ça fait partie de notre culture, mais ça reste une distraction.


Oui, d’ailleurs dans l’album Kindoki (2011), il y avait une chanson moins critique sur la sape.

J’avais fait une chanson sur la sape, car je voulais dire que ça faisait partie de notre culture, mais aujourd’hui y’a des gens qui exercent la sape, mais qui déconnent, qui ne sont pas dans les rails. On les voit parois s’insulter, se lancer des piques. Est-ce que la sape à l’origine c’est s’insulter ? Je ne pense pas. Autrefois on se lançait des défis, et on ne parlait que des habits, « je suis bien habillé, etc. », mais maintenant c’est les insultes, c’est parfois physique même, et je trouve ça pas normal. Je voulais en parler.


Revenons en arrière : quels sont les musiciens qui ont bercé ton enfance et qui t’ont influencé ?

La rumba de Tabu Ley et de Franco Luambo, de Kabasele, et bien sûr Pamélo Mounka et les Bantous de la Capitale. Ensuite est venu Zaïko Langa Langa : Zaïko c’est des jeunes qui ont révolutionné la musique, en augmentant les tempos qu’il y avait avant… tous les jeunes s’y retrouvaient. Et nous on a fait la symbiose entre les Zaïko, la musique d’Empire Bakuba, et puis on a essayé de reprendre un peu comment les Jeff Kallé (Kabasele) chantaient, plus le tempo d’aujourd’hui. Sans oublier aussi la belle voix de Julio (Iglesias). Kassav aussi nous a inspirés, leurs orchestrations notamment.


Tu parlais des grands pionniers de la rumba, mais à leur époque il y avait beaucoup d’échanges entre musiciens des deux côtés du fleuve Congo. 

C’est devenu difficile, car la jeunesse n’est plus aussi solidaire. Avant, on voyait les vieux comme Essous être les amis de Franco, de Kalle, Pamelo Mouka partait aussi à Kinshasa… il y’avait des échanges ! Mais aujourd’hui, il y a trop de divisions, de polémiques, pas assez de solidarité, et c’est très dur de voir deux artistes se rencontrer et parler de la musique. Surtout chez nous. Mais j’ai vu la solidarité au Cameroun la dernière fois que j’y suis allé, c’était lors des Canal d’or (évènement camerounais récompensant les artistes du Cameroun et d’Afrique centrale, NDLR).

Déjà, un, vous êtes quatre nominés, il y en a un seul qui gagne. Les 3 perdants accompagnent celui qui a gagné sur le podium. Mais ces choses-là c’est impossible chez nous ! Donc cette solidarité-là, c’est à louer.

Si seulement on connaissait cela chez nous… la musique pourrait aller plus loin, aujourd’hui il faut l’admettre nous stagnons parce qu’il y’a trop de divisions, pas d’inspiration, pas échanges… or la musique va de pair avec les échanges : quand Celine Dion quitte le Canada et échange avec Goldman, puis va aux États-Unis et collabore avec R’Kelly… ça donne ce que vous avez écouté. Idem pour les Nigerians aujourd’hui, ils font des collaborations et ça permet d’échanger. Et ça, ça manque au Congo. Pendant longtemps, on est restés communautaires, on pensait que notre musique nous suffisait, on jouait beaucoup chez nous… Et ceci a fait qu’on n’apprenait pas à connaître d’autres horizons pour développer notre musique.


Tu prévois de faire des collaborations avec des artistes d’autres horizons ?

Oui, d’ailleurs pour mon prochain album je prépare des featurings, je prévois d’aller à la rencontre des autres. À Kinshasa, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, aux États-Unis ou à Paris, je vais essayer de faire des collaborations pour métisser un peu notre musique, les gens nous écoutent depuis 26 ans, mais on peut essayer d’évoluer aussi.


Puisque tu parlais d’échange et que nous sommes en Côte d’Ivoire, le coupé-décalé a beaucoup emprunté à la rumba congolaise. 

Le coupé-décalé, je respecte. C’est de l’inspiration, ça vient de l’esprit.

Avant, quand on venait jouer ici ou ailleurs, je disais à mon bassiste que la musique congolaise allait coloniser l’Afrique. Quand la Côte d’Ivoire a pris notre rythme de musique, ils ont essayé de faire à leur façon et c’est devenu le coupé-décalé. Mais tous ne sont pas des artistes, certains s’improvisent artistes et dans ces cas-là c’est difficile d’exister dans la durée. Il y a des artistes qui sortent et au bout d’un, deux ou trois ans…c’est fini. D’autres résistent. Certains ont juste suivi le mouvement. Mais il faut d’abord apprendre la musique avant de se lancer. Il s’agit de la musique, et pas seulement de l’ambiance.


Découvrez notre compte rendu du Femua 2019, où les femmes ont frappé fort.

Lire ensuite : Ferre Gola : ces musiques qui lui ont montré la voie
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