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The Pan African Music Magazine
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L’indémodable Raphael Saadiq dissipe les ténèbres avec un nouvel album lumineux

Huit ans que Raphael Saadiq mettait ses services au profit des autres. Huit ans sans album. C’est dire l’attente qui flottait autour de Jimmy Lee, paru le 23 août. L’Américain y rend hommage à son frère décédé d’une overdose, et offre sa musique pour nous libérer des ténèbres.

Nouveau son 

Certes, l’exercice ne lui avait jamais fait défaut. Surtout quand on sait qu’il était le compositeur de « Cranes in the Sky » et le producteur de l’album A Seat at the Table de Solange. Des oeuvres qui laissaient présager un renouveau chez un producteur de toute façon reconnu pour viser toujours juste. Jimmy Lee confirme les présages. 

Raphael Saadiq parvient à faire évoluer son son sans perdre sa signature, à adapter dans ce nouvel album les traditions qui irriguent sa musique – soul, gospel, blues, hip hop, r&b… –  au 21ème siècle. Plus du tout revival soul façon Motown des années 60 comme l’avaient été The Way it Is (2008) ou le plus rock Stone Rollin’ (2011), pas non plus revenu au new jack swing des années 90, Jimmy Lee s’aventure dans un son très aérien et traînant, laid back, plus contemporain où une place prépondérante est laissée à l’électronique dans l’instrumentation. Plus pop que jamais, sa musique s’est aussi mise dans le rythme très actuel d’un tempo plus lent, beaucoup plus que ne l’étaient ses derniers réjouissants albums gagnés par la fièvre et l’euphorie. La couleur de l’album tient aussi au thème principal abordé – l’addiction – un sujet qui le touche tout personnellement : l’un de ses frères aînés, Jimmy Lee, mourut d’une overdose en 1998, et d’autres membres de la fratrie, touchés par le même fléau, y laissèrent aussi la peau.

Aussi, la mélancolie prédomine dans ce disque maintes fois recommencé par Raphael Saadiq qui concède que le thème s’est imposé à lui, alors qu’il traversait des difficultés dans sa vie personnelle et que les souvenirs ressurgissaient. Ce disque, d’après lui “le plus personnel » est le résultat d’un travail mené peut-être plus en solitaire que d’autres par le passé. Il confie avoir enregistré la plupart des instruments : même les chœurs sur « Rikers Island » tiennent à une seule voix démultipliée : la sienne. Connu pour être un songwriter talentueux, Raphael Saadiq est aussi reconnu et très sollicité comme producteur pour ses aptitudes techniques et ses qualités de visionnaire : avoir en tête une idée précise du son souhaité et savoir raconter une histoire. Pas de hasard à ce que ce monstre d’exigence, connu pour être attaché à un son vintage, collabore avec les plus grands depuis une trentaine d’années.

Pedigree 

Innovateur plusieurs fois revenu aux racines de la soul, Raphael Saadiq côtoie ce qui se fait de mieux dans le r&b, le hip hop et la néo soul depuis les années 90. On parle de quelqu’un qui a soutenu D’Angelo dès ses débuts et qui a donc naturellement collaboré à l’élaboration du mythique Brown Sugar (1995). Raphael Saadiq, 53 ans, multi-primé aux Grammy Awards, est le cadet d’une famille de onze enfants originaires de Oakland (Californie) et biberonnés aux Sly & the Family Stone ou autre Earth, Wind and Fire. Il est l’homme derrière le tube « Don’t Mess With my Man » de Lucy Pearl, un groupe qu’il porta sur les fonts baptismaux avec D’Angelo (qui le quitta rapidement) et qui comportait Dawn Robinson (En Vogue) et Ali Shaheed Muhammad (A Tribe Called Quest). Il faut d’ailleurs savoir que ce dernier s’est mis à jouer de la basse lors d’une jam session de travail avec le premier et mythique bassiste du groupe de Raphael Saadiq, Toni Toné (1988-2008). Ali Shaheed fut impressionné par la capacité des musiciens à improviser ensemble, sans discussion préalable. Sentiment réciproque puisque Raphael Saadiq a maintes fois évoqué son admiration pour A Tribe Called Quest et qu’il invita Q-Tip sur son premier album solo. Amené à travailler aussi bien avec Mary J.Blige, Erykah Badu, Jill Scott, Bilal, Whitney Houston ou John Legend, Raphael Saadiq n’a jamais cessé d’être une figure proéminente de la galaxie groove afro-américaine après avoir marqué les années 90 et le début des années 2000.

Jimmy Lee, hommage et catharsis

Preuve supplémentaire qu’il est resté actuel, Raphael Saadiq a convié Kendrick Lamar sur « Rearview », titre de clôture de l’album. Le rappeur y chante la rengaine du désespoir en refrain : “How can I change the world, but can’t change myself?/How can I please the world, but not God himself?/How can I lead the world when I’m scared to try?/Why should I need the world? We all gon’ die”. Conséquence des tragédies personnelles affrontées par Raphael Saadiq, devant l’horreur de l’addiction aux drogues, le constat de l’impuissance est fait. Mais ni la drogue ni la prison, dont son frère Jimmy Lee fit l’expérience à plusieurs reprises, ne privent Raphael Saadiq de distiller de l’espoir tout au long de l’album. Manière de comprendre son frère, ce témoignage personnel est aussi perçu par l’artiste, en cela très américain, comme un message à ceux qui ont connu ces mêmes situations ou qui voudraient en sortir. 

Avec l’espoir vont bien sûr le gospel, le blues et des titres aux inspirations plus traditionnelles comme « Belongs to God », « Sinners prayer » ou « Something Keeps Calling ». La musique, d’ailleurs, contraste avec la violence des propos. Mais plus qu’une tentative de guérison, la catharsis qu’est Jimmy Lee révèle les interrogations de Raphael Saadiq sur les causes et les conséquences des addictions et autres déviances sociales. Dans « Rikers Island Redux », chose rare pour lui qui n’a jamais été un artiste engagé, il pointe le recours abusif à l’emprisonnement aux Etats-Unis et se rappelle avoir remarqué, encore jeune, lors des visites qu’il rendait à son frère au parloir, la différence entre le parking des visiteurs, où les voitures étaient assez modestes, et celui, visiblement plus reluisant des membres de la direction de la prison… Mais le cœur de cet album-concept où, comme à son habitude, toutes les chansons sont liées les unes aux autres, est peut-être ailleurs : dans l’obsession de Raphael Saadiq pour la musique qui, elle, fut toujours salvatrice. 

Jimmy Lee, sortie le 23 août, à écouter sur toutes les plateformes ici.

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