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The Pan African Music Magazine
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Le FEMUA a dix ans, et tout l’avenir devant lui

Le Femua, Festival des musiques urbaines d’Anoumabo, s’est terminé la nuit du 30 avril au premier mai à Adiaké, une bourgade située à une centaine de kilomètres d’Abidjan. Depuis une semaine, son cœur battait dans le quartier qui l’a vu naître, Anoumabo. Un village aux rues de sables, avalé par la mégapole ivoirienne. C’est là, depuis dix ans, que le Festival accueille les plus grandes stars de l’Afrique et de sa diaspora. Sans s’essouffler. Époustouflant.

Anoumabo. Samedi 29 avril. 17H30. C’est le petit soir, comme diraient les Maliens. Autrement dit, quand le soleil fait son dernier tour de piste avant de laisser la nuit prendre ses quartiers. Au quartier, justement, règne une effervescence particulière. Voilà bientôt deux soirs d’affilée qu’on fait la fête, qu’on trinque, et que la musique des concerts organisés sur la grand place occupent les habitants d’Anoumabo et ceux venus de toutes les communes d’Abidjan. El Hadj, tailleur, est en train de mettre une dernière main à un ensemble en pagne. À la nuit tombée, il fermera boutique. Pour aller voir Tiken Jah, qu’il ne manquerait pour rien au monde. C’est que les concerts de fils du pays ne sont pas si fréquents, et, comme tous les concerts du FEMUA, celui-ci est gratuit ! Dans la rue principale fraîchement goudronnée d’Anoumabo, rebaptisée Boulevard des sapeurs (en hommage à Papa Wemba, décédé l’an dernier pendant le FEMUA), la jeunesse se presse… La rue est longue mais pas si large, et il faut arriver tôt pour être bien placés.

Fièvre abidjanaise

21H le Ghanéen Bissa K Dei envoie un son pétri d’azonto devant une rue déjà comble. Combien sont-ils ? 10.000, 20.000, plus encore ? 40.000 selon certains*. La plupart ont moins de 20 ans. Et la température ne fait que monter quand les rappeurs ivoiriens de Kiff no Beat montent sur scène. Leur hip-hop ressemble à leur temps, et puise dans le coupé-décalé, le r’n’b, pour un show ultra-énergique. Black M, ex-membre de la Sexion d’Assault (avec qui il s’était produit ici 5 ans plus tôt), prend la relève.

Son affaire est rodée, ses chansons reprises par un public de plus en plus dense, de plus en plus fiévreux et comprimé le long des barrières. C’est que le monde continue d’affluer : les bouchons s’invitent aux abords d’Anoumabo. Certains viennent des lointaines communes d’Abidjan comme Abobo, d’autres même de province comme ces deux jeunes gens arrivés de Daloa, à quelques heures de route de là. Sous la pression, certaines barrières cèdent et devant les mouvement de foule, l’animateur Serge Fatoh qui présente les concerts puis A’Salfo lui-même, enfant du quartier et commissaire général du FEMUA, doivent intervenir. Le concert est interrompu. Il faudra des trésors de patience, de fermeté et aussi d’humour (A’Salfo envoyant Manadja, l’un de ses compagnons du Magic System, en éclaireur dans la foule muni de son micro HF, pour s’assurer que les gens reculent et desserrent les rangs). Après 45 mn sous tension, Black M remonte sur scène et fait reprendre à la soirée son chemin d’enthousiasme.


« JE SUIS LE DESCENDANT DE FAKOLY, JE NE SAIS PAS OÙ JE VAIS MAIS JE SAIS D’OÙ JE VIENS. »
(chanson Le descendant, T.J.Fakoly)


Tiken Jah rend le public fou fou fou

Il est deux heures du matin quand Tiken Jah Fakoly monte sur scène, en chantant la longue lignée d’ancêtres dont il est issu : « Je suis le descendant de Fakoly, je ne sais pas où je vais mais je sais d’où je viens ». Il est vêtu d’un large boubou ocre fait de toile de raphia, tenant un long baton qui le fait ressembler aux prophètes de l’Ancien Testament. Ou alors à Samory Touré, tel qu’il apparaît (le turban en moins) sur la pochette du disque Regard sur le Passé du Bembeya Jazz. Moise et Samory, la Bible et la résistance anti-coloniale, le reggae et l’héritage mandingue.

Les morceaux s’enchaînent, sans discontinuer, et Tiken Jah distille ses messages bien sûr en chansons, mais aussi en prenant la parole au beau milieu de ses morceaux, sur les thèmes qui lui sont chers : l’unité africaine, le pillage de l’Afrique, l’importance de l’éducation pour que chacun puisse être citoyen et apte à évaluer ses dirigeants en lisant leur programme politique… Les anciens titres comme Bognan, qui parle du respect des parents, sont tous repris en chœur par des jeunes qui pour certains n’étaient même pas nés quand le disque Cours d’Histoire est sorti en Côte d’Ivoire (1998). Devant ce public à peine adulte, Ouvrez les frontières prend un sens très concret, évident. Et Fakoly de préciser, entre deux refrains entonnés à plein poumons par la foule, le sens de sa chanson :

« Loin de nous l’idée d’inciter la jeunesse Africaine à aller en Occident. Si nous voulons réserver une Afrique stable, une Afrique démocratique, une Afrique prospère à nos enfants et nos petits enfants, alors notre place est ici (…) Mais nous disons aussi qu’on ne peut pas accepter que le monde entier vienne en Afrique, où ils veulent, quand ils veulent, faire ce qu’ils veulent, prendre ce qu’ils veulent et demander à la jeunesse de rester en Afrique. Nous disons que c’est une injustice trop flagrante, qui mérite d’être dénoncée à la tribune de l’ONU ».


LES MANDATS C’EST COMME LES VERRES D’ALCOOL : UN OU DEUX ÇA VA, TROIS : BONJOUR LES DÉGÂTS.


Le descendant de Fakoly offre aussi deux morceaux inédits, à paraître sur un EP publié dans les prochains jours en Afrique. Son titre, 3ème dose : Ou quand les dirigeants africains rêvent de s’éterniser au pouvoir et inventent toute sorte de tripatouillages constitutionnels pour briguer un troisième mandat, quand la loi fondamentale de leur pays le leur interdit. Les mandats c’est comme les verres d’alcool : un ou deux ça va, trois mandats : bonjour les dégâts. C’est le sens de cette 3ème dose (de pouvoir), qui rend les dirigeants devenus accros complètement fous, fous, fous….

C’est avec ce concert de feu que se concluait le FEMUA, 10ème édition, du moins à Anoumabo (avant une ultime soirée décentralisée à Adiaké). On y aura vu Salif Keita, Singuila, Nash, Viva la Musica, Dj Léo et bien d’autres… Un festival unique en son genre, car si la musique y est centrale, elle joue le rôle de locomotive, tirant derrière elle des actions éducatives et sociales. Depuis sa création, le FEMUA a entre autre permis de financer la construction de six écoles en Côte d’Ivoire. On y reviendra avec A’Salfo, le leader du groupe Magic System, à l’origine de cet événement déjà grand, et promis à un bel avenir.

*source : Agence de Presse Africaine (APA)
Crédit photos : FEMUA 10

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