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Don Bryant, vétéran de la soul : « Ne laissez pas tomber l'amour ! »

Longtemps associé à Hi Records, label-pépinière de la soul de Memphis, Don Bryant entame, à 76 ans, une nouvelle carrière. La galette Don’t Give up on Love en est le couronnement. Portrait de cette légende, rencontrée lors de son dernier passage à Paris.

Aller au New Morning par une nuit d’hiver froide, ça se tente lorsqu’à la clef, il y a un récital de Don Bryant ! Après l’intro puissamment cuivrée envoyée par son orchestre, les Bo-keys, son timbre qui semble émerger du tréfonds du sud des États-Unis nous réchauffe l’âme. En ouverture, le chanteur reprend le standard « A Nickel and the Nail » (une pièce et un clou), immortalisé en 1971 par le magistral O.V Wright. « C’est l’un de mes titres préférés par O.V Wright », nous explique Don Bryant avec nostalgie : « L’histoire de cette chanson m’émeut. Elle me ramène des années en arrière. Quand j’étais petit à Memphis, les gamins de mon quartier voulaient faire croire aux gens qu’ils avaient de l’argent dans leur poche ! ».


Enfant de la balle

Dans la plus pure tradition africaine-américaine, Don Bryant est issu d’une famille abonnée au gospel de Memphis, Tennessee : sept garçons et trois filles. Son père était le leader du clan, à la tête du quatuor les Four Kings. Don Bryant se remémore cette période : « On répétait à la maison avec mes frères et d’autres garçons du quartier. On participait à des concours de talents. Dans mon cas, la musique ça a duré toute ma vie. Mes frères ont suivi d’autres directions… »  En 1960, il compose « I Got to Know« pour le groupe vocal The Five Royales. Parmi ses influences, Don Bryant cite volontiers le texan Johnny Mathis. Mais c’est sa rencontre avec Willie Mitchell qui lui met le pied à l’étrier : « À Memphis, il y avait quatre clubs. Chacun avait son propre groupe. Willie Mitchell faisait partie de l’un de ces orchestres qui s’est disloqué (chef d’orchestre, trompettiste, ingénieur du son et arrangeur décédé en 2010, NDLR). Ça a bien collé entre nous et il a pris la tête des Four Kings. Puis, les Four Kings se sont séparés à leur tour. À ce moment là, je ne saurais dire précisément en quelle année, je suis devenu le seul vocaliste, accompagné par l’orchestre de Willie Mitchell. » Et le travail ne manque pas durant ces swinging sixties : « Chaque semaine on jouait en club. Je chantais des parties solo entre les titres instrumentaux de l’orchestre. C’était le début de ce que je fais maintenant. J’ai adoré ça en permanence ! » En 1969, sous l’égide de Hi Records, Don Bryant sort un premier album : Precious soul. 

DR


La galaxie Hi Records

Fondé dix ans plus tôt par Joe Cuoghi, Hi Records est, initialement, un label orienté vers le rockabilly. Bill Black, le bassiste d’Elvis Presley en fait les beaux jours dans les années 60. Willie Mitchell s’y impose en 1964 avec le single « 20-75 ». En 1970, il est nommé vice-président du label et lui insuffle un virage soul : « Chaque studio dans la ville avait un son particulier, relate Don Bryant. Willie Mitchell, qui était issu du R’n’B a créé ce son Hi Records, avec des musiciens autour de lui qui connaissaient la musique. » Don Bryant intègre le pool de paroliers emblématique de cette « écurie ». Willie Mitchell croule sous la demande. Des noms prestigieux de la soul comme Otis Clay, Solomon Burke et Al Green se pressent à Hi Records : « La première à venir c’était Ann Peebles, sourit Don Bryant. Ça a fait « boom » ! Elle avait une telle voix. Elle avait toujours besoin de chansons. J’en ai écrit quelques unes. » (comme Solid foundation, 1969, NDLR).

Willie Mitchell et Don Bryant forment alors un tandem musical bien rodé : « Il me faisait savoir quand un groupe avait besoin de « matériel ». J’avais toujours une ou deux chansons de prêtes. En règle générale, les artistes aimaient ce que je leur proposais. Je suis entré de plus en plus intensément dans le processus d’écriture. Ça m’arrivait de griffonner une idée sur un bout de papier dans la rue et de terminer au studio. La plupart du temps, le résultat était intéressant ! J’ai tellement aimé l’exercice que le parolier a pris le pas sur le chanteur. »


De la pluie à la traversée du désert

1973 est l’année du jackpot avec « I Can’t Stand the Rain« , le single issu de l’album éponyme d’Ann Peebles. Don Bryant épouse la chanteuse l’année suivante : « La carrière d’Ann allait très bien. On faisait des tournées dans tout le pays. On devait jouer quelque part, je ne sais plus où, à Memphis. Il s’est mis à pleuvoir de façon diluvienne. Quelqu’un a du s’exclamer : ‘Je n’en peux plus de cette pluie !’. Plus tard, j’ai chanté ‘I Can’t Stand the Rain’ avec cette voix haut perché. On a fini de composer le titre la nuit même avec Ann et Bernard Miller. » Le lendemain, Willie Mitchell est ravi d’enregistrer cette petite bombe discographique : « À l’époque, nous restitue Don Bryant, il y avait un tas de chansons sur la pluie : Les Dramatics chantaient ‘I Wanna Go Outside in the Rain’ et les Temptations ‘I Wish it Would Rain’. Je me suis dit que personne ne la chantait de cette façon : ‘J’en ai marre de la pluie !’. 

Ann Peebles & Don Bryant, DR

Mais le beau fixe de Hi Records ne dure pas : « Les choses se sont dégradées. Certains artistes ont emprunté d’autres directions et la famille a implosé », analyse rétrospectivement Don Bryant. En 1977, Willie Mitchell est contraint de revendre le label à Cream Records. Ann Peebles, dont la santé est fragile, met sa carrière au ralenti dans les années 80. Don Bryant continue, vaille que vaille, d’assurer ses premières parties. Un duo, gravé en 1981 « Mon belle amour » (en français dans le texte), consacre cette relation: « Le rendu était plutôt bon, même si le morceau n’a pas décollé comme nous l’espérions! » Par la suite, Ann Peebles a signé deux albums sur Walyo et Bullseye blues, des labels  confidentiels.

Quant à Don Bryant il prend un tournant gospel dans les années 90: « À ce moment là, il ne se passait pas grand chose pour moi, raconte t-il. Je chantais avec une chorale religieuse. Mes morceaux parlaient de la spiritualité et des gens rencontrés à l’église. Je ne connaissais pas trop la production. Alors j’ai laissé mon ami Paul Brown gérer cette partie. » Don Bryant et ses Chosen few sortent « What Do You Think About Jesus? » en 1987 et « I’m Gonna Praise Him » en 1989 sur le bien-nommé... Faith Records. Mais ça ne lève pas des foules d’ouailles en délire : « On ne connaissait pas les bonnes personnes pour que notre musique atteigne un niveau national », avoue Don Bryant. La soul ne suscite plus le même engouement : « J’ai connu une période d’éclipse. D’autres musiques ont pris le pas », reconnaît-il, philosophe. 
 


Don’t Give up on Love

Il aura fallu attendre plusieurs décennies pour que Don Bryant renoue avec la gloire. Il est resté en contact avec des vétérans de l’ère Hi Records : Archie Turner aux claviers, Charles Hodges à l’orgue et Howard Grimes à la batterie. Grâce au dernier, Don rencontre son futur manager, le bassiste Scott Baumar: « Il m’a convaincu de faire un album. J’ai un peu hésité. Mais on s’est dit que les gens avaient envie d’entendre à nouveau ce type de R’n’B. C’était un défi pour moi de savoir si je pouvais toujours assurer, si cette musique pouvait toujours déchaîner le public comme avant… ». Enregistré en 2017 pour Fat Possum Records, Don’t Give up on Love est une résurrection miraculeusement groovy. Les Bo Keys, combo accompli, renouent avec les plus belles heures du R’n’B sudiste : « Ce sont de super musiciens. Quand on vient de Memphis, il faut être ouvert au groove ! », s’enthousiasme Don Bryant. À soixante-seize ans, le maestro est pleinement épanoui : « Après toutes ces années de musique, je me laisse aller. Les gens ont l’air d’apprécier. Il y avait quelque chose en moi qui n’avait jamais eu vraiment l’occasion de s’exprimer auparavant. Maintenant ça y est ! On va entamer un nouvel album avec des compositions nouvelles et anciennes. J’espère qu’il aura le même accueil ! » En attendant, le doyen ne lâche rien, et chante « Don’t Give up on Love », ne laissez pas tomber l’amour !

Suivez Don Bryant sur Facebook.

Lire ensuite : La soul, nouvelle vie du Burundais JP Bimeni

Photos actuelles de C. Matt

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