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DJ Haram, entre anges et Djinns

DJ Haram

Des démons, des Jinns, le collectif Discwoman, des productions Noise et un premier EP hautement inflammable (chez Hyperdub)… On a rencontré DJ Haram, la fille qui bâtit des ponts entre la scène de Philadelphie et le Moyen-Orient de ses origines.

Photos : Eva Wǒ

Libéré au climax de l’été, Grace, le premier EP de DJ Haram confirme un frisson déjà ressenti par beaucoup : il faut désormais compter sur les productions signées Zubeyda Haram Muzeyyen. Hautement inflammables, parfois anxiogènes, toujours pulsionnels, les tracks et remixes de Grace établissent un pont de lumière noire entre les ballrooms de Philadelphie – où elle sévit depuis une poignée d’années – et le Moyen-Orient de ses origines. Cette dualité culturelle remonte à son enfance dans le New Jersey, où ses bases musicales oscillent alors entre la musique de la diaspora moyen-orientale, introduite par ses parents, et l’écoute passionnée de Sonic Youth : “ce très fort intérêt pour la Noise m’a fait entrer dans la musique par le côté expérimental et improvisé” confie DJ Haram. “Cette même scène Noise était très marquée par l’approche Do It Yourself et autodidacte. La Noise défend l’idée, assez salvatrice côté création, que tu n’as pas à être un musicien professionnel pour t’exprimer et composer. Je me suis alors mise à expérimenter dans cette logique, avec pas mal de constructions sonores. J’ai pratiqué beaucoup de sound design, avant de comprendre comment en faire de la musique. Le Dj-ing est venu plus tard. Pour moi, le Dj-ing, c’est affiner des constructions sonores. C’est comprendre comment la musique doit être structurée. À partir de là, j’ai commencé à faire de petits edits pour mes mixs, avant de commencer à produire mes propres tracks.

DJ Harram



Installée depuis 2012 à Philadelphie, Haram y est repérée près d’un an plus tard, lors du deuxième showcase des activistes de Discwoman : “quelques semaines après cette soirée, Frankie Decaiza Hutchinson et Christine McCharen-Tran, deux des fondatrices du collectif présentes alors sur place m’ont envoyé un e-mail, en me demandant si je voulais intégrer leur roster… Je n’en revenais pas !” C’est toujours à Philly en 2014, qu’Haram rencontre Moor Mother, pour un télescopage réussi, qui donnera naissance au projet Noise Rap 700 Bliss : “on a connecté très simplement” se souvient Zubeyda. “Au départ j’étais juste sa DJ, puis j’ai commencé à lui faire des beats, jusqu’au moment où on eu nos propres tracks ! On a jammé des années ensemble, elle aux lyrics, moi à la prod…” Jusqu’à la sortie, en 2018, de leur premier EP.

Spa 700 est une collab parfaitement équilibrée, un quart d’heure de concentré d’avant-garde deep rap militant, préfigurant leur premier album actuellement en pleine préparation. Et c’est justement 700 Bliss, qui va mettre la toute puissante écurie Hyperdub sur les traces d’Haram, et la signer cet année pour Grace, fraîchement sorti cet été  : “ma signature chez Hyperdub vient effectivement de l’intérêt qu’ils portaient à 700 Bliss. Je suis évidement une grosse fan du label et je m’y sens en très bonne compagnie, aux côtés de Scratcha, Klein, Dean Blunt, Angel- Ho, Nazar, DJ Taye et Teklife” commente la productrice.

EP DJ Haram



Le premier EP d’Haram est un baptême, un rite initiatique entre set de derboukas triturées, inspirations club, riffs de flûtes moyen-orientales… Un creuset intense et tendu, sous influence mythologique : “Chaque track de Grace fait référence à un djinn (créatures fantastiques anté-islamiques auxquelles le Coran fait allusion, ndlr) ou un ange. Il s’agit de créatures issues de mon imaginaire plus que de références précises à l’Islam. Chacun de ces personnages invoqués figurent d’ailleurs sur l’artwork de l’album” explique Haram. “J’aime particulièrement l’entité vêtue de rose, avec une tête de chien. Elle est proche d’une famille de Djinns qu’on appelle les Effrit. J’y ai associé le morceau « Grace K.O.D »… K.O.D. signifie ici Kiss Of Death, c’est pourquoi il porte une tête décapitée pleine de traces de rouge à lèvres. Les Djinns sont des êtres neutres, capables de faire le bien comme de s’associer avec des démons… À l’image des hommes.  J’aime leur portée suggestive, leur capacité à réveiller les imaginaires.” Ange ou Djinn, cette ambivalence demeure dans le pseudo un rien provoc’ que s’est choisi l’artiste : en arabe, le mot harām signifie à la fois illégal, illicite mais également inviolable, dans le sens de sacré, sanctuariséDe quoi brouiller les frontières et les catégories, ce que DJ Haram fait à merveille dans l’ombre underground de Philadelphie. Elle finalise actuellement le premier album de 700 Bliss et produit, en indépendant, des prods pour d’autres rappeurs et artistes.

Quant à l’EP Grace, il est paru le 5 juillet 2019 sur le label Hyperdub. Son artwork est signé de main de maîtresse par l’illustratrice Samantha Garritano. Les photographies qui accompagnent cet article sont signées Eva Wǒ

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