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The Pan African Music Magazine
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Boogaloo créole : le disque rayé qui fait rayonner les Antilles

« Mézanmi disk la rayé ! Mézanmi disk la rayé ! Mézanmi disk la rayé !… » Le disque est rayé, mes amis ! Il est temps de changer de discours… C’est ce coup de gueule poussé par la gouailleuse Joby Valente, chanteuse et actrice martiniquaise, qui donne son titre à cette compilation de « boo-boo-galoo » antillais des années 60.

« Boo-boo-galoo » et pas « boogaloo », à raison : hormis ceux du Ry-Co Jazz, des Vikings et de Fred Aucagos, les 13 titres de cette compilation ne sont pas à proprement parler des boogaloos « nuyoricains », du nom de cette musique inventée par la communauté Portoricaine de New York regroupée à Harlem et dans le Bronx. Mais ils en sont largement inspirés, au moment où le genre musical quittait la baie de la capitale nord-américaine pour inonder les rivages de la mer des Caraïbes, dans les toutes dernières années de la décade 1960. Musique fondatrice de l’identité de la diaspora de Porto Rico confrontée à la stigmatisation ethnique et sociale, rapidement devenue populaire dans les quartiers populaires de la ville, le boogaloo mélangeait le rhythm’n’blues afro et les rythmes latins comme le mambo, le pachanga et le cha-cha-cha. « Everybody loves to cha-cha-cha » chantait déjà l’afro-américain Sam Cooke en 1959 ! Une fois arrivées aux Antilles, ces sonorités se sont logiquement insérées dans le cadre musical local, profond et complexe creuset syncrétique – fondement de l’essence créole antillaise. Via la migration quasi forcée des Antillais vers la France métropolitaine à partir de 1963 à travers le programme gouvernemental BUMIDOM (Bureau des migrations des départements d’Outre-mer), mais aussi les départs volontaires de jeunes étudiants pour Paris, l’université étant encore balbutiante sur place (comme Fred Aucagos, présent sur ce disque), la musique antillaise en vogue à l’époque se mélange précipitamment à de nouveaux genres. La biguine, danse et musique reine et ancêtre du jazz, le gwoka, le bèlè, le tumbélé, la quadrille, la mazurka… se heurtent au yé-yé parisien, aux nouvelles formes de jazz, au rock. Le terrain était donc largement favorable à l’accueil du boogaloo.

Les Vikings de la Guadeloupe

Preuve en est l’adaptation créole du standard boogaloo portoricain « El Disco Rayado » – il aurait été composé par Margarita Rivera García de Gurabo (Doña Margot Rivera), mère de l’immense Ismael Rivera, « El Sonero Mayor ». Il est encore aujourd’hui chanté et repris par des artistes antillais contemporains, éclipsant son origine afro-latine parmi nombre d’auditeurs (voir les commentaires sur les vidéos en ligne).


CETTE COMPILATION EST UNE BONNE FAÇON DE PRENDRE LA MESURE DE LA COMPLEXITÉ DES ÉCHANGES MUSICAUX ENTRE L’AFRIQUE, LES ÉTATS-UNIS, LA FRANCE ET LES ANTILLES FRANÇAISES.


Selon Julien Achard, tenancier pointu du site Digger’s Digest, le but de cette compilation était « de réunir des morceaux de 1966 à 1970, métissés, dansants, à la fois latins, créoles et français avec un son des années 60 ! Le thème du Boogaloo est un prétexte à raconter une histoire du spectre musical antillais à travers des labels majeurs comme DEBS, Aux Ondes et Hit-Parade, et montrer la richesse des productions de cette époque qui se sont calquées instantanément sur les modes provenant des États-Unis. Mais au final il s’agit bien d’un boogaloo créole. »

Si elle apparaîtra plutôt confuse et peu cohérente dans son contenu pour qui n’est pas spécialiste du boogaloo et du syncrétisme des musiques antillaises des années 1960 – un titre en créole non expliqué, des grand-écarts musicaux – cette compilation est justement une bonne façon de prendre la mesure de la complexité des échanges musicaux entre l’Afrique, les États-Unis, la France et les Antilles françaises. Détail précieux, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane sont joliment représentées sur la pochette signée Félix « FLX » Vincent, guitariste des Pythons de la Fournaise, groupe franco-réunionnais. La boucle du syncrétisme étant ainsi bouclée, elle peut se répéter… sur le disque rayé.

DISQUE LA RAYE disponible en digital et physique chez Born Bad Records

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